L’âge de raison

Vous ne trouviez pas que 3M ESPE s’endormait un peu ces derniers temps ? Certes, depuis le dernier congrès de l’ADF, la société a beaucoup communiqué sur son nouveau système d’empreinte optique, le Lava™ C.O.S (chairside oral scanner). Un truc fantastique mais qui ne touchera sans doute qu’une clientèle haut de gamme dans un premier temps. Pour la masse grouillante des chirurgiens-dentistes lambda, il fallait quelque chose de plus accessible et d’universel. C’est désormais chose faite avec le Filtek™ Supreme XTE.

Le Supreme XT était déjà un excellent composite. Mais il ne convenait pas à tout le monde, moi le premier. Je lui reprochais son extrême fermeté qui, si elle autorise de beaux modelages antérieurs, rend assez inconfortable l’obturation des cavités profondes. La présence de nanoparticules, en revanche, lui assure une résistance à l’usure exceptionnelle. Rien à redire concernant les performances du matériau, mais quelques reproches à faire sur sa présentation : d’une part, la difficulté de déchiffrer la nomenclature des teintes, pléthoriques, en raison de l’utilisation des lettes E, D et B (enamel, dentine, body) s’ajoutant à celles du teintier Vita. D’autre part, la présence d’un nuancier minimaliste en forme de roue, guide d’utilisation plutôt que véritable aide au choix esthétique.

Bonne nouvelle, le Supreme XTE corrige la plupart de ces défauts. À commencer par l’identification des teintes : les seringues enamel, body et dentine ont un corps en plastique bleu plus ou moins clair, qui permet de les distinguer au premier coup d’œil. Les teintes transparentes sont dans des seringues blanches et toutes les références figurent en gros caractères, bien lisibles, sur la bague colorée de chaque seringue. Un progrès significatif qui facilite grandement la sélection et le rangement.

J’ai eu l’occasion de tester, il y a quelques mois, une version précommerciale du produit et j’ai remarqué qu’il était beaucoup plus agréable à manipuler que le XT. Les échantillons essayés se présentaient en capsules pour pistolet. Sous cette forme, les composites sont presque toujours plus souples qu’en seringue, quelle que soit la marque. Mais lorsque j’ai reçu la version définitive, cette fois-ci uniquement en seringue, j’ai constaté que la différence avec le Supreme XT était bien réelle : le matériau est effectivement plus malléable et facile à modeler. Bref, d’une consistance enfin parfaite. Étonnant qu’il ait fallu attendre tant d’années pour voir ces changements s’opérer ! Dommage que le teintier soit toujours aussi indigent. J’imagine bien le raisonnement des concepteurs : le praticien moyen n’a pas besoin d’un teintier coûteux et se contentera de teintes body qui, en l’occurrence, possèdent une opacité intermédiaire satisfaisante dans la plupart des cas. L’expert, quant à lui, a suffisamment d’expérience pour ne pas se sentir frustré par ce défaut : les spécialistes ne nous suggèrent-ils pas de réaliser notre propre teintier à partir des produits du coffret, plutôt que d’utiliser celui des fabricants, peu fidèle car généralement en plastique coloré ?