REGARDS CLINIQUES
Jean-François KELLER* Odile BARSOTTI** Bernard Marie DURAND*** Yves DOUILLARD****
*Ancien interne, assistant hospitalo-universitaire
**Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier
***Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier
Faculté d'odontologie, Université Claude-Bernard Lyon-1, 11 rue Guillaume-Paradin, 69372 Lyon Cedex 08.
Hospices civils de Lyon, Service de consultations et de traitements dentaires,
6-8 place Depéret, 69365 Lyon Cedex 07.
****Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier
Le taux élevé de survie des implants a été démontré à travers de nombreuses études. Cependant, parmi les implants en survie, tous ne sont pas des succès implantaires. Pour être considérée comme un succès, la réhabilitation implanto-prothétique doit répondre aux attentes esthétiques et fonctionnelles du patient, elle doit être asymptomatique et, surtout, chaque implant doit maintenir son niveau d'ostéo-intégration.
Or, dans certaines conditions, il est possible d'observer une perte progressive de celle-ci. La surcharge occlusale et l'infection péri-implantaire sont considérées comme les responsables majeures de la désostéo-intégration. Cet article aborde ces aspects à partir d'une analyse de littérature.
De nombreuses études mettent en évidence des taux élevés de survie implantaire [1]. En effet, la grande majorité (de 90 à 95 %) des implants sont encore présents en bouche au bout de 5 à 10 ans [2,3]. Cependant, la survie est différente du succès implantaire [4]. Le maintien d'une fixation rigide et asymptomatique de l'implant dans l'os durant la mise en charge caractérise la survie, alors que le succès répond à des critères psychologiques, fonctionnels et physiologiques. Pour être considérée comme un succès, la restauration implanto-prothétique doit répondre aux attentes esthétiques et fonctionnelles du patient, elle doit être asymptomatique et, surtout, le niveau d'ostéo-intégration de chaque implant doit être maintenu [2].
Trop souvent, l'ostéo-intégration est considérée comme « définitive ». Or, elle est le résultat d'un processus biologique de cicatrisation et est, par conséquent, en constant remaniement. Il est en effet possible, sous certaines conditions, d'observer sa perte progressive [5]. Depuis de nombreuses années, le traumatisme occlusal a été considéré comme le principal agent responsable de la désostéo-intégration (terme qualifiant la perte d'une ostéo-intégration préalablement obtenue) [6]. Cependant, l'infection des tissus péri-implantaires semble prendre une place de plus en plus importante dans ce processus de destruction osseuse péri-implantaire [7].
Après la mise en place chirurgicale des implants et la réalisation des restaurations prothétiques, le chirurgien-dentiste doit mettre en place un suivi régulier [8]. Les situations de désostéo-intégration devront être diagnostiquées le plus précocement possible afin de réaliser une prise en charge appropriée. Pour assurer la pérennité des traitements implantaires, une thérapeutique implantaire de soutien doit être réalisée.
Les agressions induites par la chirurgie implantaire déclenchent un processus de cicatrisation. Au niveau muqueux, celle-ci aboutit à la formation de l'espace biologique. Cette barrière étanche évite tout contact entre les produits de l'environnement buccal et le tissu osseux. La cicatrisation des tissus durs permet l'obtention d'un contact direct entre l'os et l'implant : l'ostéo-intégration. Le péri-implant, constitué de l'espace biologique et de l'ostéo-intégration, assure la fonctionnalité et la longévité du traitement implantaire.
Dans les jours qui suivent la chirurgie, la stabilité de l'implant est assurée par la friction de l'os sur le corps implantaire. Au niveau de l'os spongieux, la fracture des trabécules et la lésion des vaisseaux entraînent la formation d'un caillot sanguin à la surface de l'implant. Un tissu conjonctif lâche, richement vascularisé, composé de fibroblastes et de cellules mésenchymateuses indifférenciées remplace progressivement ce caillot sanguin. Au niveau cortical, l'importante friction entraîne l'apparition d'une zone avasculaire sur 1 mm d'épaisseur. Dans cette zone, le tissu osseux nécrosé se résorbe et est remplacé progressivement par du tissu conjonctif lâche. La maturation progressive de ce nouveau tissu conjonctif permet l'apparition d'un os cicatriciel, d'abord au niveau de l'apex et du corps, puis à celui du col implantaire. Du fait de la résorption osseuse et de la faible résistance mécanique de l'os nouvellement formé, la stabilité de l'implant diminue rapidement. À partir de la quatrième semaine, l'os cicatriciel est progressivement résorbé et remplacé par un os de type lamellaire. L'organisation de cet os permet de mieux répartir les contraintes à l'os adjacent. La surface de l'implant est peu à peu recouverte par une fine couche d'os lamellaire. Des ostéons s'organisent dans l'ancienne zone de compression entre l'os lamellaire situé à la surface de l'implant et l'os trabéculaire non résorbé. Après 4 mois de cicatrisation, l'ostéo-intégration est obtenue. Une parfaite continuité est observée entre l'os lamellaire à la surface de l'implant et l'os spongieux à distance. À ce stade, la stabilité implantaire est maximale.
Bien qu'un contact os/implant soit obtenu, il n'est jamais observé sur la totalité de la surface implantaire. En moyenne, 60 % de la surface de l'implant est au contact direct de l'os après la mise en charge [9]. Ces valeurs de contact os/implant sont très variables selon les individus, selon les sites (maxillaire/mandibulaire) et selon l'état de surface de l'implant.
Le succès à long terme de la restauration implantaire est assuré par le maintien de l'ostéo-intégration et la stabilité de l'environnement péri-implantaire. Le respect des équilibres biomécanique et hôte/parasite est indispensable à ce succès (fig. 1) [10].
Après la mise en charge des implants, la réorganisation de l'architecture osseuse permet d'augmenter sa résistance aux contraintes [11]. Chez l'animal, la mise en place de forces orthodontiques sur un implant ostéo-intégré entraîne un remodelage osseux intense avec une augmentation de la surface de contact os/implant. La densité osseuse péri-implantaire s'accroît avec l'intensité des forces transmises [12]. Bien que les contraintes soient transmises en majorité à l'os crestal, le remodelage concerne toute la hauteur de l'implant [13]. Ces modifications histologiques sont interprétées comme une adaptation physiologique.
Cependant, un phénomène de fatigue, se traduisant par l'apparition de microfractures, peut survenir lors de la transmission de contraintes excessives. L'architecture osseuse permet de limiter la propagation de ces microfractures et la cicatrisation tissulaire permet de les réparer. Des microfractures sont constamment observées à l'interface os/implant et au sein de l'os alvéolaire. Le maintien de l'ostéo-intégration et de ses propriétés biomécaniques est assuré tant que la capacité de cicatrisation du tissu osseux permet la réparation des microfractures [10].
Contrairement aux autres matériaux implantables (pacemaker, prothèses orthopédiques...), les implants dentaires sont exposés à l'environnement extérieur ainsi qu'aux micro-organismes. Les défenses des tissus mous péri-implantaires (fluide sulculaire, infiltrat inflammatoire) tiennent sous contrôle les micro-organismes commensaux de l'écosystème buccal [14]. Dans les conditions physiologiques, le fluide sulculaire présente des composants spécifiques et non spécifiques de la réponse humorale tels que des collagénases et leurs inhibiteurs. Les polymorphonucléaires neutrophiles qui migrent au travers de l'épithélium sulculaire constituent le principal mécanisme de défense. Des cellules immunitaires, majoritairement des lymphocytes T, infiltrent les tissus conjonctifs péri-implantaires.
La rupture de ces équilibres (biomécanique et/ou hôte/parasite) peut entraîner la perte de l'ostéo-intégration préalablement établie. On parlera de « désostéo-intégration » chaque fois qu'il y aura remplacement du tissu osseux par du tissu conjonctif à la surface de l'implant.
Contrairement aux complications qui surviennent dans les mois qui suivent la pose de l'implant, la désostéo-intégration débute une fois l'ostéo-intégration obtenue. La résorption osseuse péri-implantaire ne survient pas de manière aléatoire mais elle est généralement associée à une surcharge occlusale et/ou à une infection des tissus péri-implantaires.
En orthopédie, des cas de perte aseptique de prothèse de hanche ou de genou ont été rapportés. La perte du contact direct os/prothèse et l'encapsulation fibreuse de la prothèse semblent secondaires à un phénomène de fatigue entraînant la fracture des trabécules osseuses [15].
En implantologie, la surcharge est définie comme une rupture de l'équilibre biomécanique. L'accumulation de microdommages (microfractures de fatigue) dépasse les potentiels de résistance et de cicatrisation de l'os et aboutit au remplacement de ce dernier par du tissu conjonctif à la surface de l'implant [10]. De nombreuses études ont analysé l'influence de la surcharge sur la stabilité de l'os péri-implantaire.
L'application de forces obliques sur un implant, lors de surcharges occlusales, peut entraîner une désostéo-intégration [16]. Dans ces conditions, la résorption osseuse peut provoquer la mobilité de l'implant en quelques mois. Contrairement à l'ostéoclasie crestale observée lors des péri-implantites, la surcharge occlusale engendre une résorption osseuse sur toute la hauteur de l'implant. Cette résorption a lieu non seulement à la surface de l'implant mais également à distance. La présence de séquestres osseux ostéo-intégrés explique la mobilité de certains implants radiologiquement ostéo-intégrés [17]. Cependant, ces résultats ne sont pas observés par tous les auteurs. Une augmentation de la densité osseuse et de la surface de contact os/implant a même été observée à la suite de l'utilisation de dispositifs orthodontiques [12].
Comme en parodontologie, la surcharge occlusale semble accélérer la vitesse de destruction des tissus osseux péri-implantaires [18].
Les études animales sont caractérisées par la grande disparité de leurs résultats et de leurs conclusions. Les divergences observées sont secondaires à l'utilisation de contraintes de natures, d'intensités ou de durées d'application diverses.
De nombreuses études cliniques, réalisées chez l'homme, ont mis en évidence une relation de cause à effet entre la surcharge occlusale et l'échec implantaire [3,19 -24]. Il n'est pas rare d'observer une augmentation de la perte osseuse et des complications prothétiques lorsque les restaurations maxillaires complètes présentent des extensions distales importantes [25]. De plus, les implants distaux supportant le maximum des contraintes axiales et de cisaillement présentent plus de complications que les autres (fig. 2). Pour Naert et al . [26], les implants perdus sont le plus souvent associés à un mauvais positionnement, à des extensions prothétiques trop importantes ou à une erreur de conception prothétique (fig. 3). L'absence de contact occlusal dans les secteurs antérieurs, l'existence d'une parafonction ou la restauration des 2 maxillaires par des prothèses complètes implanto-portées sont également des situations où l'on observe une diminution du taux de survie implantaire et une augmentation de la désostéo-intégration [6]. Parmi les premiers implants utilisés, les implants cylindriques sans spires présentaient une perte osseuse continue malgré la qualité de leur alliage et leur état de surface. Ces échecs nous ont enseigné que la présence de spires et l'augmentation de la surface de l'implant étaient indispensables à la stabilité de l'os péri-implantaire.
Lors de l'analyse histologique des implants ayant manifesté une résorption osseuse, aucun signe d'infection péri-implantaire n'a été observé [27]. La combinaison d'une mauvaise qualité osseuse et d'une surcharge occlusale était considérée comme un des principaux facteurs responsables des complications biologiques tardives. De plus, l'absence de tout signe inflammatoire en microscopie photonique et électronique caractérisait les implants ayant eu une désostéo-intégration secondaire à une surcharge occlusale [28].
Le traumatisme occlusal a longtemps été considéré comme l'une des principales causes de la désostéo-intégration. Cependant, les conclusions d'études à faible niveau de preuve doivent être considérées avec précaution [29]. Bien que l'on puisse affirmer une corrélation entre surcharge occlusale et stabilité de l'ostéo-intégration, le traitement implantaire doit répondre à certains critères. En effet, lors de la pose des implants et de la réalisation prothétique, il est indispensable que la surcharge occlusale engendrée par des extensions distales, des contacts occlusaux, des parafonctions ou un concept occluso-prothétique soit limitée tableau 1 [30]. La diminution des contraintes et l'augmentation du nombre d'implants devraient améliorer le pronostic des restaurations implantaires. Pour les os de mauvaise qualité, plus sensibles aux contraintes mécaniques que ceux de bonne qualité, il faut augmenter le délai de cicatrisation.
Les mucosites péri-implantaires et les péri-implantites sont définies comme des pathologies d'origine infectieuse caractérisées par l'inflammation des tissus péri-implantaires. Pour les mucosites, le phénomène inflammatoire est réversible et superficiel ; pour les péri-implantites, il aboutit à la destruction irréversible des structures profondes [31]. Contrairement à la surcharge occlusale, de nombreux arguments confirment l'étiologie infectieuse de la désostéo-intégration.
L'insertion sous-muqueuse de ligatures induit une péri-implantite chez le chien [32,33]. L'accumulation du biofilm dans le sulcus implantaire induit une inflammation suivie d'une désostéo-intégration. Ce modèle reste approximatif car il est impossible de déterminer l'étiologie de la péri-implantite : accumulation du biofilm et/ou insertion d'un corps étranger [34]. Dans la majorité des expérimentations, la suppression des ligatures est suffisante pour stopper la résorption osseuse.
Chez le patient édenté complet, après 2 ans de mise en charge, les 83 % de la flore péri-implantaire sous-muqueuse sont composés de cocci ; les spirochètes sont indétectables ; le rapport bactéries aérobies/anaérobies est de 1 et les bactéries parodontopathogènes (Fusobacterium sp., Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia, Treponema denticola) sont le plus souvent indétectables. Des modifications de la composition de la flore sous-muqueuse sont observées en fonction de l'indice de plaque [35].
Chez le patient édenté partiel, la flore sous-muqueuse des implants et la flore sous-gingivale des dents adjacentes présentent de fortes similitudes. Les bactéries impliquées dans les maladies parodontales, présentes en faible quantité dans les situations parodontales saines, sont en mesure de coloniser les sites implantaires. En effet, P. intermedia, Peptostreptococcus micros et Fusobacterium nucleatum sont détectées dans la majorité des sites implantaires après 1 mois d'exposition à l'environnement buccal. Les poches parodontales et les poches péri-implantaires ont une composition similaire après 6 mois de mise en fonction. Un équilibre microbiologique s'établit entre les sites parodontaux et les sites péri-implantaires dans les 6 mois qui suivent la mise en fonction [36].
La microbiologie des péri-implantites est semblable à celle des parodontites [37]. Dans ces lésions, le rapport bactéries aérobies/anaérobies est de 1/6 et des spirochètes sont présents. On observe également une diminution des streptocoques anaérobies facultatifs et une augmentation des bacilles à Gram négatif anaérobies stricts [38]. Les espèces retrouvées lors des infections péri-implantaires (Tannerella forsythia, F. nucleatum, Campylobacter gracilis, P. micros et Streptococcus intermedius) peuvent détruire le tissu osseux péri-implantaire [7].
Les poches parodontales sont des « réservoirs bactériens ». Elles permettent la prolifération des germes parodontopathogènes et leur migration vers les sillons péri-implantaires [39]. Leonhardt et al . [40] ont mis en évidence la grande précocité de cette migration avec la détection de pathogènes dans le mois qui suivait l'exposition de l'implant à l'environnement buccal. La microbiologie des implants dentaires est donc fortement influencée par l'état parodontal des dents restantes [41]. La conservation, même provisoire, de dents parodontales au cours du traitement implantaire peut avoir des conséquences dramatiques sur l'ostéo-intégration [42].
Lorsqu'une thérapie anti-infectieuse est utilisée pour traiter les péri-implantites, on constate une amélioration des paramètres cliniques et une stabilisation des lésions [43]. Dans la majorité des études, l'objectif principal du traitement est de réduire la proportion de bactéries anaérobies [44]. Pour y parvenir, un débridement mécanique de la poche péri-implantaire et/ou l'utilisation d'une antibiothérapie sont fréquemment utilisés [45].
La résorption osseuse péri-implantaire est plus importante chez les patients présentant une mauvaise hygiène bucco-dentaire que chez les sujets ayant un bon contrôle du biofilm [46]. De nombreux auteurs [47,48]ont observé une augmentation de la fréquence des péri-implantites dans les zones d'accumulation de biofilm. Keller et al . [49] ont observé que 50 % des individus ayant le plus mauvais contrôle du biofilm présentaient une péri-implantite contre 33,3 % de ceux ayant la meilleure hygiène bucco-dentaire.
L'ensemble de ces expérimentations indique clairement le rôle étiologique des agents infectieux dans la désostéo-intégration. Cependant, infection et surcharge occlusale peuvent s'additionner pour donner une étiologie mixte à ces complications implantaires.
Lors d'une surcharge occlusale, la cratérisation péri-implantaire est accompagnée d'un approfondissement de la poche. L'environnement anaérobie qui en résulte est plus favorable à la prolifération des espèces bactériennes virulentes [50,51]. La proportion de spirochètes et autres bactéries mobiles augmente avec la profondeur de poche péri-implantaire, alors que leur absence est corrélée à une profondeur de poche inférieure à 4 mm [52].
Par ailleurs, la destruction osseuse marginale déclenchée par un processus infectieux modifie la répartition des contraintes [53,54]. L'existence d'un défaut infra-osseux péri-implantaire diminue les contraintes au niveau de l'os cortical et les augmente au niveau de l'os spongieux. La physiologie et la résistance de ce dernier étant moins favorable que celles de l'os cortical, une perte osseuse verticale péri-implantaire peut être observée.
Kozlovsky et al . [55] ont analysé, chez l'animal, l'impact d'une surcharge occlusale (surocclusion de 3 mm) sur des implants ayant un environnement péri-implantaire sain ou atteint de péri-implantite. Après 12 mois d'expérimentation, en l'absence d'inflammation, la surcharge provoque une augmentation de la surface de contact os/implant ainsi qu'une légère cratérisation. La péri-implantite, en l'absence de surcharge occlusale, engendre une perte osseuse significative. L'association surcharge occlusale et péri-implantite potentialise la résorption osseuse. Dans ce dernier cas, la désostéo-intégration se manifeste par une augmentation de la lésion infra-osseuse vestibulaire/linguale ainsi que par un nombre plus important de spires exposées.
Dans ces situations, il est difficile, voire impossible, de déterminer laquelle des deux étiologies a été le facteur déclenchant (fig. 4 et 5).
Au cours des visites de contrôle, le praticien doit être en mesure d'évaluer le succès du traitement implantaire et sa pérennité. Divers moyens d'investigation vont lui permettre d'apprécier la stabilité de l'ostéo-intégration.
L'absence d'inflammation superficielle de la muqueuse péri-implantaire est objectivée à l'inspection par la texture résistante et la couleur rose pâle des muqueuses. Le biofilm est généralement inexistant dans ces situations. Le sondage et la percussion sont indispensables pour l'examen des structures profondes. En l'absence d'inflammation péri-implantaire, la sonde pénètre d'environ 3 mm dans le sulcus et le niveau osseux est situé à 1 mm en direction apicale. Les absences de saignement au sondage, de perte d'attache, de douleur et de son sourd à la percussion caractérisent le succès implantaire [56].
Après la mise en charge d'un implant, la radio-opacité de l'os péri-implantaire augmente et les trabécules osseuses se réorganisent autour de l'implant. Cependant, certains auteurs ont observé une résorption osseuse péri-implantaire d'évolution variable au cours du suivi. Une perte osseuse marginale, inférieure à 1,5 mm la première année de mise en charge et inférieure à 0,2 mm chaque année suivante, est considérée comme « physiologique » [57]. En routine, des radiographies rétroalvéolaires effectuées lors des visites de contrôle permettent d'évaluer la stabilité de l'ostéo-intégration.
Lors du suivi des patients, le praticien doit être en mesure de diagnostiquer les complications. Les examens cliniques et radiologiques doivent permettre la détection rapide, simple et fiable d'une désostéo-intégration [8]. De ces examens vont dépendre la précocité du diagnostic et la mise en oeuvre de la thérapeutique adaptée.
La désostéo-intégration entraîne un approfondissement de la poche péri-implantaire. Le saignement au sondage objective une inflammation tissulaire. La pointe de la sonde pénètre dans l'attache conjonctive et surestime les valeurs de profondeur de poche et de perte d'attache. Toute hyperplasie des tissus péri-implantaires, suppuration sulculaire ou fistule reflète généralement une infection péri-implantaire (fig. 6). La mobilité, qui traduit une perte complète de l'ostéo-intégration, ne permet pas de détecter les stades précoces de désostéo-intégration.
Dans un exercice de routine, la radiographie rétroalvéolaire constitue l'un des premiers moyens d'investigation des complications osseuses péri-implantaires. La désostéo-intégration, qu'elle soit secondaire à une infection ou à une surcharge, intéresse généralement toutes les faces de l'implant et se présente en cratère (fig. 7). Spiekermann [58]a proposé une classification des péri-implantites en fonction de la morphologie du défaut osseux. Le défaut de classe I correspond à une destruction osseuse horizontale de petite étendue. Celui de classe II correspond à une perte osseuse horizontale modérée. Celui de classe III correspond à une perte osseuse horizontale et verticale modérée circulaire. Enfin, celui de classe IV correspond à une atteinte verticale sévère, circulaire, pouvant entraîner la perte des corticales vestibulaires ou linguales.
De nombreuses études démontrent l'excellent taux de survie des restaurations implanto-prothétiques à long terme. Cependant, parmi les implants en survie, certains sont en situation d'échec. La résorption osseuse péri-implantaire est une complication fréquemment rencontrée [59]. En effet, l'ostéo-intégration n'est pas définitive.
Les étiologies de la désostéo-intégration sont multiples. La surcharge occlusale a longtemps été considérée comme la raison principale de la résorption osseuse péri-implantaire. Depuis les années 1990, de nombreuses études animales et humaines ont confirmé l'influence néfaste de la surcharge occlusale sur le niveau d'ostéo-intégration. Cependant, les conclusions de ces études sont hétérogènes [29]. Bien qu'il n'ait jamais été démontré de relation directe de cause à effet entre surcharge et désostéo-intégration, il semble préférable de réduire les contraintes transmises aux implants et d'augmenter le nombre d'implants [30]. L'infection péri-implantaire peut également engendrer la destruction des tissus osseux péri-implantaires. La péri-implantite, caractérisée par l'inflammation d'origine infectieuse des tissus péri-implantaires, aboutit à la destruction irréversible des structures péri-implantaires profondes [31]. Contrairement à la surcharge occlusale, de nombreux arguments confirment l'étiologie infectieuse de la désostéo-intégration [34].
Au cours du suivi implantaire, le praticien doit porter une attention toute particulière au niveau d'ostéo-intégration des implants. Les examens cliniques et radiologiques vont permettre une identification précoce, simple et rapide de toutes variations du niveau osseux [8]. Le suivi implantaire est indispensable pour diagnostiquer et traiter le plus efficacement possible la désostéo-intégration.