Clinic n° 03 du 01/03/2010

 

Sans jamais avoir pris le temps de discuter avec eux.

nIl y a peu de temps, tandis qu'un orateur évoquait le caractère exorbitant d'un traitement parodontal à 2 500 euros par arcade (pour 28,92 euros de détartrage complet), mon voisin remarquait que le premier montant, s'il y avait diagnostic, éducation, détartrage, surfaçages, chirurgies, etc. n'avait rien de choquant. C'est à ce moment que je me suis demandé si j'avais déjà pris le temps de déjeuner avec Tact et Mesure. La question qui se pose face à cette notion double, inscrite depuis longtemps dans les textes, est celle de la détermination du tact et de la mesure dans la fixation de nos honoraires.

Si l'on s'en tient aux tarifs de la convention, il semble évident que cela ne va pas de soi : les montants devant être respectés, ils ne sont pas déterminés dans le mouvement du soin mais dans la pierre des négociations. Le tact et mesure n'y existe pas, car ils ne se déterminent pas face au cas dans sa complexité.

Dans un rapport1, l'ordre des médecins rapportait les critères suivants dans la détermination du tact et de la mesure : la nature de la prestation effectuée, le temps consacré et le service rendu au patient. Deux critères accessoires : la notoriété du praticien et la situation de fortune du patient. Si cela nous aiguille, on n'a pas répondu à la formule universelle de fixation des honoraires justes. D'autant qu'en médecine bucco-dentaire, il n'existe pas de secteur 2 (à honoraires libres) comme pour les médecins.

Il ne serait être question ici de la pratique qui consiste à appliquer, en fait de travaux prothétiques, un coefficient multiplicateur aux frais de laboratoire. Cela est totalement irrationnel en ce que cela ne reflète en rien le coût du travail. En fait, nous sommes souvent des acteurs irrationnels.

Dans une perspective économique, l'établissement des honoraires est fonction de la rareté de l'offre, de la nature et de l'élasticité de la demande, des coûts d'exploitation, de la rémunération souhaitée ou souhaitable, de la concurrence, des prestations substituables ou encore des attentes des patients. Voilà qui est plus complexe, certes, mais bien plus rationnel économiquement. Dans une attitude éthique, il faudra alors compenser « l'asymétrie d'information » qui est le processus par lequel celui qui en sait plus sur la nature réelle de la prestation (le médecin) peut influer sur la demande (du patient).

Un tel calcul pourtant ne permet pas d'échapper aux sanctions et la question se pose de savoir par qui et sur quels critères peut s'apprécier un abus. Les instances ordinales ont ce pouvoir de conseil, de surveillance et de sanction. Les caisses d'Assurance maladie vont aussi avoir un pouvoir de sanction. Justice peut trancher in fine . Elle souligne alors l'importance du cas par cas, de l'absence de systématique, de la qualité des services rendus et de la qualité professionnelle. Voilà qui semble raisonnable.

« Tact : intuition sûre et délicate de ce qu'il convient de dire ou de faire pour ne pas blesser ou peiner autrui. Mesure : modération, caractère de ce qui évite l'excès ou le défaut 2 . » Toute la question éthique réside dans cette modération, intuitive, sûre et fine, qui ne doit pas nuire au patient quand il voit le praticien être rémunéré avec justice de son travail. n

1. Rapport adopté par le Conseil de l'ordre des médecins, Tact et mesure dans la fixation des honoraires : ce qu'il faut savoir, décembre 2005. 2. Delalande, articles Mesure et Tact, Vocabulaire technique et critique de la philosophie.