La prévention, la permanence des soins, le refus de soins, la prise en charge des soins dentaires : c'est sur ces quatre thèmes majeurs pour la santé publique que la profession a interpellé des « décideurs », lors du dernier congrès de l'ADF. Un quart d'heure par sujet pour 11 intervenants, c'est un peu juste pour aller au fond des choses ! Mais la profession a eu le mérite d'ouvrir le débat de façon concertée et de faire ses propositions.
Patrick Hescot ouvre le débat avec Joël Trouillet sur la prévention en affirmant que la profession est « consciente de l'enjeu de la prévention dans le cabinet mais aussi en dehors ». Car toute la population est concernée, y compris les personnes les plus vulnérables qui ne vont pas dans les cabinets. Encore faut-il que l'action des chirurgiens-dentistes soit financièrement reconnue. Et pourquoi pas sous forme de paiement au forfait ? La révision de la loi de santé publique cette année servira de cadre pour discuter de ces questions, prévoit Valérie Boyer (UMP, Bouches-du-Rhône). Pour Jean-Marc Preynat, il faut aussi que « le patient prévento-conscient soit valorisé par rapport à celui qui ne prend pas soin de ses dents ». Un discours qui n'a pas eu jusqu'à maintenant l'oreille de l'Assurance maladie. Celle-ci concentre des moyens importants sur M'T dents, rappelle Éric Haushalter (CNAMTS) et obtient de bons résultats. La moitié des enfants de 6 ans profite du programme. En revanche, les résultats parmi les adolescents et dans certaines catégories sociales sont à améliorer.
Roland L'Herron a regretté que l'organisation de la permanence des soins (ancien système de garde et d'astreinte) prévue pour les médecins par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) exclue les chirurgiens-dentistes. « On ne peut rester à côté du système », continue le responsable de la CNSD qui, sur ce plan, est en phase avec l'UJCD. Les deux syndicats demandent d'ailleurs à entrer dans ce schéma organisé et rémunéré, dans le cadre des CODAMUPS (Comités départementaux de l'aide médicale urgente de la permanence des soins et des transports sanitaires).
Le problème des refus de soins est « récurrent » depuis l'application de la loi sur la CMU en 1999, regrette Christian Couzinou qui, plutôt que de sanctionner les chirurgiens-dentistes, est favorable à de la « prévention ». Pour les bénéficiaires, le président de l'Ordre demande un « accompagnement social » afin de résoudre les problèmes d'abandon de soins et de rendez-vous manqués. Jean-François Chadelat relève que 25 % des professionnels de santé parisiens refusent les patients bénéficiaires de la CMU, selon le dernier testing. « Paris n'est pas la France, mais ce résultat ne peut pas être considéré comme une anecdote », remarque le responsable en interrogeant la profession sur les mesures qu'elle compte prendre. « Rien ne peut aller dans le sens du refus de soins », affirme Roland L'Herron. Mais, remarque-t-il, la profession dentaire est « la seule à faire des actes à un tarif différent aux bénéficiaires de la CMU »... Une bonne nouvelle : l'Assurance maladie serait enfin prête à améliorer la prise en charge des soins et à traiter le cas des prothèses non mises en bouche. Elle envisagerait aussi la mise à disposition, dans chaque caisse primaire, d'une personne se consacrant au problème CMU.
Jean-Marc Preynat a lancé le débat sur le financement des soins en demandant si, dans la perspective d'une nouvelle convention en 2011, la volonté est bien de « remettre à plat le dossier dentaire ». L'Assurance maladie semble prête à avancer vers un nouveau codage des actes et à revoir le dossier dentaire dans une « version dynamique » qui pourrait s'étaler sur 5 à 10 ans. Dans le cadre des négociations, Éric Haushalter prévient que la question du coût de l'acte ne peut pas être séparée d'une analyse de l'équilibre économique du cabinet dentaire dans son ensemble. En d'autres termes, c'est la « rémunération normale d'un chirurgien-dentiste » qui sera prise en compte. « Je ne suis toujours pas certain que la profession soit prête » à aller dans ce sens, note ce responsable de l'Assurance maladie.
Véronique Bazillaud, qui représentait la Mutualité française, l'un des financeurs complémentaires appelés à jouer un rôle important dans les futures négociations conventionnelles, a indiqué que les critères de qualité des actes seraient pris en compte dans leur valorisation.
La profession a montré une belle unité tout au long de cette heure de débat. On notera simplement que deux sujets d'importance n'ont pas été abordés : les questions de démographie et d'évolution du métier des assistantes dentaires.