Clinic n° 01 du 01/01/2010

 

SOCIÉTÉ

GÉRER

INTERNET

Philippe DE JAEGHER  


ph.de-jaegher@orange.fr

Rien ne semble enrayer la baisse continue du prix des microprocesseurs qui, après avoir contribué à démocratiser l'usage de l'ordinateur, permet maintenant d'équiper de puces « intelligentes » les objets les plus courants, mais aussi les êtres vivants.

La puce RFID (radio frequency identification) fait déjà partie de notre environnement quotidien. Dotée d'une mémoire et d'une antenne pour sa consultation à distance au moyen d'un lecteur, elle permet d'identifier et de localiser des objets, un peu à la manière du code-barres(1). Le système, qui équipe déjà de nombreux produits vendus dans le commerce, se présente sous la forme d'une étiquette adhésive coûtant environ 5 centimes d'euro. La puce RFID a également été adoptée pour des cartes de transport, comme le passe Navigo de la RATP, et pour le nouveau passeport biométrique.

La puce NFC (near field communication), ne peut être utilisée à plus de 10 cm mais possède une mémoire de 512 ko. Les applications dans le domaine du paiement mobile sont déjà courantes au Japon et, dernièrement, Nokia l'a intégrée dans un téléphone. Cette nouvelle génération inaugure ce que certains appellent « l'Internet des objets ». Le séminaire Aristote, qui s'est tenu à l'École polytechnique en octobre dernier, mettait les objets communicants au coeur de la troisième vague de l'Internet : le web 3.0(2). Dans ce monde, l'individu vit entouré d'objets numériques qui communiquent entre eux. Il les utilise, mais ne maîtrise pas toujours les données qu'ils échangent entre eux.

Toutefois, la multiplication de ces objets communicants menacerait le fonctionnement du Web. En effet, le protocole qui fournit les adresses identifiant les appareils reliés au réseau ne dispose que d'un peu plus de 4 milliards de codes différents. La saturation étant inéluctable, il a été décidé de passer à une autre échelle avec le protocole Ipv6 (Internet protocol version 6), qui pourrait fournir 60 000 milliards de milliards d'adresses par habitant(3). Mais, plus que ce chiffre astronomique, c'est la possibilité d'attribuer des adresses réseaux à des individus qui devrait provoquer l'étonnement. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) souligne que la dissémination massive des puces identifiant individuellement des objets, et directement ou indirectement des personnes, peut entraîner des risques de profilage des individus. Le caractère opaque des données échangées et parfois l'invisibilité même des produits accentuent ce phénomène(4).

Faut-il avoir peur de ces nouvelles technologies ? Non si la vigilance des citoyens est à la mesure des enjeux exigeant la transparence des données, l'information sur l'usage qui en est fait, ainsi que le droit à la lecture et à l'effacement. Oui si nous sacrifions sur l'autel des nouveaux médias des libertés essentielles en échange d'un confort, certes réel, mais dont le prix pourrait être disproportionné.

(1) RFIDfr.org, le portail francophone de la technologie RFID :

(2) Les objets communicants, séminaire Aristote :

(3) Le Journal du Net, Ipv6 l'Internet de demain :

(4) CNIL, L'invasion des puces :