Clinic_Hors série n° 12 du 01/12/2023

 

Chirurgie

Péri-implantaire

Cyril DEBORTOLI*   Franck AFOTA**   Charles SAVOLDELLI***   Joseph CHOUKROUN****  


*Interne, Service de Chirurgie orale et maxillo-faciale. Institut Universitaire de la Face et du Cou, CHU Nice.
**Chirurgien oral, Co-directeur DU Greffes osseuses pré-implantaires. Institut Universitaire de la Face et du Cou, CHU Nice.
***MCU-PH, Service de Chirurgie orale et maxillo-faciale. Institut Universitaire de la Face et du Cou, CHU Nice.
****Médecin. Président du SYFAC.

Une avulsion dentaire conduit à une perte osseuse dans les sens vertical et horizontal. Selon la loi de Wolff, l’os se forme et se résorbe en fonction des contraintes mécaniques qu’il subit ; l’absence de support dentaire entraînera un phénomène de résorption de l’os alvéolaire (figure 1). L’atrophie de cette crête osseuse résiduelle conduit à des techniques de reconstructions osseuses horizontales et/ou...


Résumé

La résorption osseuse post-extractionnelle est un phénomène pouvant compromettre la pose d’un implant dentaire dans des conditions optimales. De fait, des techniques d’augmentions osseuses horizontales et/ou verticales ont vu le jour. Cet os greffé (ou néo-formé) est dit « plus fragile » que l’os natif et doit être ménagé lors de la pose implantaire. Grâce aux caractéristiques implantaires telles que son design, son type de connexion et son état de surface mais également à la façon de le poser, l’implant pourra s’ostéo-intégrer plus rapidement et préserver l’os péri-implantaire sur le long terme. L’objectif de ce travail est de déterminer le cahier des charges de l’implant « idéal » à poser dans les sites greffés.

Une avulsion dentaire conduit à une perte osseuse dans les sens vertical et horizontal. Selon la loi de Wolff, l’os se forme et se résorbe en fonction des contraintes mécaniques qu’il subit ; l’absence de support dentaire entraînera un phénomène de résorption de l’os alvéolaire (figure 1). L’atrophie de cette crête osseuse résiduelle conduit à des techniques de reconstructions osseuses horizontales et/ou verticales pour obtenir un environnement biologique idéal à la pose d’un implant.

Après une chirurgie d’augmentation osseuse, la réaction inflammatoire locale apporte les facteurs de croissance impliqués dans la néovascularisation et la migration cellulaire entraînant des étapes de résorption et de néoformation osseuse. L’os néoformé possède un contenu minéral plus faible et une orientation des fibres de collagène aléatoire [1].

Lors de la phase de réouverture et de pose d’implant, le site greffé en maturation va être sollicité et mis en fonction. L’os greffé sera dit « plus fragile » qu’un os natif et toute précaution devra être prise lors de la chirurgie implantaire afin d’éviter une fonte progressive s’apparentant à une péri-implantite [1] (figure 2).

La péri-implantite serait le résultat d’une interaction complexe entre la réponse de l’hôte et le microbiote associé aux implants dentaires. C’est une réponse inflammatoire anormale aggravée par des bactéries pathogènes, des facteurs liés à l’hôte (locaux et généraux) et les caractéristiques implantaires. La concentration de molécules pro-inflammatoires (cytokine IL-1 β et TNFα) augmente, agissant sur la stimulation des ostéoclastes et, donc, sur la résorption osseuse dans les sites atteints de maladie péri-implantaire [2, 3].

La protection de l’os greffé passe par différents facteurs dont le choix de l’implant et ses caractéristiques - matériau, état de surface, type de connexion, profil d’émergence - qui influenceraient son devenir.

Quel serait le cahier des charges d’un implant posé dans de l’os de greffe ?

DESIGN IMPLANTAIRE

Le design implantaire possède un rôle majeur dans le succès d’ostéo-intégration et dans la pérennité implantaire. La pression maximale se situant au niveau du col de l’implant, un torque important entraînera au long terme une résorption osseuse car l’os cortical ne possède ni vascularisation ni plasticité. Le choix de l’implant après augmentation osseuse s’orienterait donc vers un design implantaire permettant d’avoir une bonne stabilité primaire avec un torque modéré et sans stress au niveau du col implantaire [4].

McCullough et al. ont réalisé une étude comparant deux implants : l’implant EZ Plus et l’implant AnyRidge aux macro-spires auto-taraudantes [5] (figures 3 et 4) (tableau 1). Ils ont montré une augmentation du quotient de stabilité de l’implant (ISQ) AnyRidge au cours du temps contrairement à l’implant contrôle EZ Plus avec une différence statistiquement significative de l’ISQ à partir de 3 semaines en post-opératoire [5].

Le design implantaire de l’implant MegaGen AnyRidge serait intéressant dans la préservation maximale de l’os cortical et la diminution de pression en regard du col implantaire. Deux éléments semblent majeurs : les spires à 90° auto-taraudantes et une absence de spires sur 1,8 millimètre en partant du col (figure 5). Ces 2 concepts diminueraient le stress osseux et permettraient un ancrage principalement dans l’os spongieux, évitant la surpression de l’os cortical et donc sa résorption. La préservation de l’os cortical serait aussi à l’origine d’une continuité des tissus mous accentuée par le profil en S Line de l’implant.

TYPE DE CONNEXION

Le type de connexion le plus utilisé est le platform switching : un pilier de diamètre réduit par rapport au col de l’implant assure un recentrage horizontal de la connexion implant/pilier. Ce concept maintiendrait les éléments inflammatoires à distance du rebord osseux et diminuerait la perte osseuse. Le profil d’émergence ainsi que la hauteur et l’épaisseur de tissu kératinisée se doivent d’être optimaux pour faciliter la maintenance implantaire et l’hygiène du patient [6] (figure 6).

Selon Linkevicius et son Zero Bone Loss Concept, la présence d’un platform switching et d’une connexion conique à la jonction implant/pilier aurait un rôle majeur dans la stabilité osseuse péri-implantaire [6].

ÉTAT DE SURFACE IMPLANTAIRE

Le matériau de référence des implants dentaires est le titane grâce à sa grande biocompatibilité et à la possibilité de modifier sa surface. L’état de surface des implants a été lisse puis rugueux et usiné. Aujourd’hui, des procédés permettent de traiter sa surface pour modifier son comportement durant l’ostéo-intégration. On peut citer des surfaces classiques comme les types RBM, SLA et le procédé Xpeed (tableau 2). Le traitement de surface Xpeed correspond à une incorporation hydrothermique d’ions calcium permettant l’activation des ostéoblastes, pouvant accélérer l’ostéo-intégration.

Dans une étude menée par Lee et al., la quantité d’ions calcium libérés de la surface des implants en titane avec les surfaces Xpeed est plus importante significativement que celle avec les surfaces RBM [7]. Makary et al. ont montré une surface os/implant plus importante significativement avec un revêtement Xpeed versus SLA et usiné à 4 et 6 semaines post-opératoires [8] (tableau 3).

Mangano et al. ont montré dans une étude randomisée et contrôlée avec un design split-mouth, comparant des implants possédant le traitement de surface Xpeed et des implants usinés, que la surface os/implant était statistiquement significative (p < 0,001) en faveur de la surface Xpeed [9].

L’adjonction d’ions calcium dans le traitement de surface semblerait augmenter les propriétés de cicatrisation osseuse péri-implantaire dans des conditions de mise en charge immédiate.

Le revêtement de surface Xpeed aurait donc un intérêt par rapport aux autres dans les mises en charge immédiate ou précoce mais, sur le long terme, les résultats en termes d’ostéo-intégration s’égalisent. Ce revêtement aurait un effet « accélérateur de l’ostéo-intégration ».

COMMENT POSER L’IMPLANT DANS UNE GREFFE ?

Un autre facteur clé pour préserver la greffe osseuse est la façon de poser l’implant. La pose d’un implant à un torque supérieur à 40 N/cm dans une greffe osseuse entraînera une résorption de l’os préalablement greffé [6]. Pour contourner ce problème il existe plusieurs solutions (figures 7 à 10) :

- stimulation ostéo-immunologique afin de préparer le terrain (vitamine D contrôlée, diminution du stress oxydatif) [10] ;

- torque modéré < 35 N/cm : absence de compression latérale qui n’entraîne pas d’ischémie au niveau du col implantaire et favorise le contact os/implant ;

- sur-forage cortical : passage d’un forêt implantaire de taille supérieure sur les premiers millimètres pour éliminer l’os cortical en regard du futur col implantaire ;

- position infra-crestale : ancrage uniquement spongieux où la plasticité et la vascularisation de l’os sont maximum.

CONCLUSION

Le cahier des charges sur les caractéristiques de l’implant « idéal » à utiliser dans les greffes osseuses serait :

switching platform ;

- col non agressif ;

- corps avec des spires « coupantes » et progressives et non compressives ;

- position infra-crestale (donc le col ne pourra être lisse) [6] ;

- obtention d’une bonne stabilité primaire en évitant un torque important ;

- revêtement de surface adapté.

L’implant adéquat possèderait ces caractéristiques respectant l’environnement péri-implantaire tout en restant non agressif sur la greffe osseuse et garantissant sa pérennité d’un point de vue local (en excluant les facteurs généraux).

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Colombier ML, Lesclous P, Tulasne JF. [Bone graft healing]. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2005; 106:157-165.
  • 2. Schwarz F, Derks J, Monje A, Wang HL. Peri-implantitis. J Periodontol 2018;89(suppl.1):S267-S290.
  • 3. Faot F, Nascimento GG, Bielemann AM, Campao TD, Leite FRM, Quirynen M. Can periimplant crevicular fluid assist in the diagnosis of peri-implantitis? A systematic review and metaanalysis. J Periodontol 2015;86:631-645.
  • 4. Al-Tarawneh S, Thalji G, Cooper L. Macrogeometric differentiation of dental implant primary stability: An in vitro study. Int J Oral Maxillofac Implants 2022;37:1110-1118.
  • 5. McCullough JJ, Klokkevold PR. The effect of implant macro-thread design on implant stability in the early post-operative period: A randomized, controlled pilot study. Clin Oral Implants Res 2017;28:1218-1226.
  • 6. Linkevicius T. Objectif zero perte osseuse en implantologie. Quintessence Publishing (IL), 2020;281 p.
  • 7. Lee SY, Yang DJ, Yeo S, An HW, Ryoo KH, Park KB. The cytocompatibility and osseointegration of the Ti implants with XPEEDR surfaces. Clin Oral Implants Res 2012;23: 1283-1289.
  • 8. Makary C, Menhall A, Lahoud P, An HW, Park KB, Trainiu T. Bone-to-implant contact at 4- and 6-week healing stages in implants having either machined, SLA medium roughness or nanostructured calcium-incorporated surface. Preprints 2022. [doi:10.20944/preprints202211. 0533.v1]
  • 9. Mangano FG, Lezzi G, Shibli JA, et al. Early bone formation around immediately loaded implants with nanostructured calcium-incorporated and machined surface: A randomized, controlled histologic and histomorphometric study in the human posterior maxilla. Clin Oral Investig 2017;21:2603-2611.
  • 10. Choukroun J, Khoury G, Khoury F, et al. Two neglected biologic risk factors in bone grafting and implantology: High low-density lipoprotein cholesterol and low serum vitamin D. J Oral Implantol 2014;40:110-114. [doi:10.1563/ AAID-JOI-D-13-00062]

Liens d’intérêts

L’auteur déclare des liens d’intérêts avec MegaGen en tant que membre du MegaGen International Network of Education and Clinical research (MINEC).