Clinic n° 11 du 01/12/2009

 

ENDODONTIE

Youssef HAIKEL*   Roger REIBEZ**   Roland ARSAN***  


*Professeur, praticien hospitalier,
Responsable de l'Unité fonctionnelle endodontie-odontologie conservatrice,
INSERM U977,
Faculté de chirurgie dentaire,
1 place de l'Hôpital, 67000 Strasbourg.
**Ancien professeur d'endodontie,
Faculté de médecine dentaire,
Université Saint-Joseph, Beyrouth, Liban.
***Endodontiste, Beyrouth, Liban.

De nouveaux instruments rotatifs en nickel-titane (CMA® system) comportant une séquence simplifiée de 4 instruments sont proposés pour le traitement initial et le retraitement. Les propriétés mécaniques exceptionnelles de ces instruments en termes de flexibilité ainsi que de résistance à la rupture en torsion et en fatigue permettent des performances cliniques de qualité, prévisibles et reproductibles, à la portée de tous les praticiens.

En présence de pulpites irréversibles ou de nécroses pulpaires, les thérapeutiques endodontiques permettent de préserver les dents sur les arcades pour assurer leur rôle fonctionnel et esthétique. Cependant, le succès thérapeutique dépend de plusieurs facteurs. La préparation canalaire est une des phases essentielles du traitement endodontique. Elle conditionne l'efficacité des différentes procédures concernant le débridement mécanique, la création d'un espace pour les solutions d'irrigation et l'optimisation de la mise en forme pour une obturation adéquate. Par ailleurs, les principales causes des échecs endodontiques (nécessitant une reprise de traitement endodontique) sont en rapport avec un nettoyage canalaire insuffisant (fig. 1 à 3) et une obturation inadéquate [1].

Mise en forme avec les instruments en nickel-titane

La mise en forme canalaire s'exécute avec des instruments à la fois manuels, en acier inoxydable, et rotatifs, en nickel-titane (NiTi), avec une alternance dans la chronologie de la séquence instrumentale. Les instruments en acier et en nickel-titane sont tout à fait complémentaires : chacune de ces deux catégories d'instruments joue un rôle spécifique dans la mise en forme et aucune d'elles ne peut se substituer à l'autre ou remplir correctement la fonction de l'autre même si, in vitro, la supériorité des instruments en nickel-titane sur les instruments en acier est prouvée [2]. Les limes manuelles en acier inoxydable ont une conicité de 2 % et ont pour fonction le cathétérisme des canaux et la préparation de la vacuité du canal pour sécuriser le passage des instruments rotatifs en nickel-titane. Ces derniers ont en général une conicité égale ou supérieure à 3 % et leurs fonctions essentielles sont la mise en forme canalaire et l'élimination du contenu canalaire.

Il existe plusieurs marques d'instruments rotatifs en nickel-titane. La variété de ces systèmes reflète les efforts déployés par les fabricants pour matérialiser leurs propres conceptions de la mise en forme canalaire et des stratégies d'usage des instruments rotatifs. En effet, même s'il existe un dénominateur commun à ces systèmes, ils diffèrent dans la géométrie des instruments, le nombre d'instruments que comprend chaque série, la séquence opératoire proposée et la stratégie d'utilisation [3]. L'apport des instruments en nickel-titane est indéniable dans la préparation canalaire : des résultats prévisibles et reproductibles, une technique non opérateur dépendante et une réduction du temps opératoire.

Le risque majeur qui subsiste est la rupture de ces instruments par fatigue cyclique sans signes avant-coureurs visibles, surtout au niveau du tiers apical [4, 5, 6, 7et 8]. Un des moyens pour minimiser ce risque est l'entraînement intensif in vitro et l'utilisation des alliages en nickel-titane qui laissent apparaître de façon nette des déformations plastiques avant la rupture.

Pour répondre à ces impératifs, de nouveaux instruments rotatifs en nickel-titane (CMA® system), avec une séquence simplifiée et identique pour le traitement initial ou le retraitement, une résistance à la fatigue cyclique accrue et l'apparition de distorsions visibles à l'oeil nu sur les instruments, sont proposés.

Présentation du CMA® system

Le CMA® system comprend 4 instruments endodontiques rotatifs en nickel-titane, utilisés dans la mise en forme et le retraitement canalaire, appelés coronal, median, apical A1 et apical A2, les initiales de ces trois mots formant le sigle CMA.

Le coronal est le premier instrument de la série des instruments rotatifs CMA®. Il est destiné à amorcer l'élargissement de l'entrée canalaire, l'élimination des interférences pour un accès direct et l'évasement de la portion coronaire du canal. Cette tâche est effectuée après l'exploration canalaire à l'aide des limes K 10 et 15. Le coronal présente une conicité de 8 % et une pointe de 25/100e de mm de diamètre. Cet instrument est court (15 mm) et son manche est muni d'une bague de couleur blanche indiquant qu'il s'agit du 1er instrument rotatif de la séquence.

Le median est utilisé après le coronal pour évaser la partie médiane du canal. Il présente une conicité de 6 %, une pointe de 25/100e de mm de diamètre et il est disponible en 2 longueurs : 21 et 25 mm. Son manche est muni d'une bague de couleur jaune indiquant qu'il s'agit du 2e instrument rotatif de la série.

L'apical A1 est manipulé sur toute la longueur canalaire après détermination de la longueur de travail à l'aide des limes K en acier. Il présente une conicité de 4 %, une pointe de 20/100e de mm de diamètre et est disponible dans les longueurs 21, 25 et 29 mm. Son manche est muni d'une bague de couleur rouge pour indiquer que son usage suit celui de la bague jaune.

L'apical A2 est manipulé, après l'apical A1, sur toute la longueur du travail canalaire, conférant au canal la conicité adaptée à l'obturation endodontique. Il présente une conicité de 6 %, une pointe de 20/100e de mm de diamètre et est disponible en 2 longueurs : 21 et 25 mm. Il est muni d'une bague de couleur bleue.

Ces instruments présentent une section transversale à 3 angles coupants en forme d'hélice, ce qui leur confère une grande efficacité de coupe et un meilleur centrage dans le canal. Ils possèdent, de plus, une masse centrale massive leur procurant une résistance à la rupture en torsion et une pointe robuste non coupante. Leur manche est de longueur réduite (11 mm), ce qui améliore leur accessibilité au niveau des dents postérieures.

Concept et stratégie de la préparation canalaire à l'aide du CMA® system

L'évasement et le nettoyage de la partie coronaire et médiane du canal se font avant la préparation apicale. Cette phase descendante présente des avantages majeurs :

• la mise en forme précoce du corps du canal élimine, d'une part, les interférences coronaires qui constituent des obstacles pour la progression des instruments de cathétérisme vers le foramen apical, et, d'autre part, l'angle d'incidence coronaire vers la partie apicale, ce qui autorise et facilite l'accès ultérieur des instruments endodontiques vers la portion apicale en réduisant les risques de rupture des instruments ;

• si la longueur canalaire est mesurée avant d'élargir les tiers coronaire et médian du canal, elle ne restera pas la même jusqu'à la fin de la procédure de la mise en forme canalaire vu que le redressement des courbures canalaires cervicale et médiane raccourcit la distance entre le repère occlusal et le foramen apical. De même, l'évasement des deux tiers coronaires du canal améliore la perception tactile lors de la détermination de la longueur du canal ;

• l'évasement et le nettoyage du secteur coronaire du canal éliminent la majorité du volume pulpaire et des débris nécrotiques et favorisent la pénétration en profondeur de la solution d'irrigation (hypochlorite de sodium) dans le canal (fig. 1 à 3), ce qui réduit le risque d'extrusion d'irritants pulpaires ou microbiens vers la région apicale lors de préparation de cette région, l'instrumentation se faisant d'une zone propre vers la région apicale et réduisant ainsi les risques de contamination apicale et les douleurs postopératoires.

Les instruments manuels en acier inoxydable et ceux rotatifs en nickel-titane interviennent successivement dans la chronologie de la mise en forme. Dans un premier temps, au niveau coronaire et médian du canal, les limes K 10 et 15 préparent la perméabilité et le passage en sécurité des instruments rotatifs en nickel-titane. Dans un deuxième temps, elles déterminent la longueur du travail canalaire et créent ou confirment la perméabilité apicale pour que, une fois introduits, les instruments rotatifs en nickel-titane impriment au canal, en toute sécurité, la conicité voulue qui optimise le nettoyage avec les solutions d'irrigation (fig. 1 à 3) et l'obturation canalaire.

Au niveau des secteurs coronaire et médian du canal, qui sont en général peu courbés, un instrument en rotation subit plus de torsion que de flexion ce qui autorise l'utilisation des instruments à grande conicité, plus résistants à la rupture en torsion et réduisant la surface de contact dentinaire pour les instruments à plus faible conicité (fig. 4 à 8). L'élargissement de la moitié ou des deux tiers coronaires du canal se fait donc en phase descendante avec des instruments de conicité décroissante, d'une grande conicité (le coronal 8 %) vers une conicité moindre (le median 6 %).

En revanche, dans la portion apicale courbe du canal, l'instrument subit, en plus de la torsion, une flexion cyclique. Un instrument de conicité de 4 % aura moins de risque de blocage qu'un instrument rotatif de 6 %. Ainsi, la préparation du tiers apical se fait à l'aide des instruments rotatifs en nickel-titane de conicité croissante. Cette phase ascendante qui se fait de l'apex vers la couronne sur toute la longueur de travail débutera avec un instrument de faible conicité (4 %, l'apical A1) pour finir avec un instrument de plus grande conicité (6 %, l'apical A2). Ces 2 instruments travaillent sur toute la longueur canalaire.

Protocole opératoire de la mise en forme canalaire à l'aide du CMA® system

Il y a une seule séquence opératoire pour le système CMA® qui reste la même pour tous les canaux.

Sur la radiographie préopératoire, l'anatomie radiculaire et canalaire est analysée et la longueur approximative de la dent est évaluée (fig. 4 et 9). Le protocole opératoire commence par la réalisation de la cavité d'accès coronaire qui permet un accès direct aux entrées des canaux, La mise en forme canalaire comporte 4 étapes opératoires (fig. 4 à 14).

Première étape : cathétérisme

L'objectif de cette étape est de préparer la vacuité de la moitié ou des deux tiers coronaires du canal pour que les instruments rotatifs en nickel-titane puissent ultérieurement être utilisés en sécurité dans cette portion canalaire. La chambre pulpaire est remplie par un gel chélateur lubrifiant qui facilite la progression des limes K d'exploration (n° 10 et n° 15) manuelles en acier, qui sont manipulées dans le canal jusqu'à leur niveau d'introduction maximal. À ce stade, elles ne sont jamais forcées en direction apicale pour tenter de déterminer la longueur du canal. Elles sont utilisées jusqu'à ce qu'elles cheminent librement dans la moitié ou les deux tiers coronaires du canal. Le travail des limes K est achevé et le secteur coronaire du canal peut recevoir en toute sécurité les instruments rotatifs en nickel-titane lorsque l'opérateur parvient à retirer la lime 15 sans déformation majeure en flexion et sans aucune déformation en torsion. La profondeur de pénétration de cette lime sera relevée (fig. 5 et 10).

Deuxième étape : mise en forme de la partie coronaire et médiane du canal

Les objectifs de cette étape sont d'éliminer les éventuels surplombs dentinaires cervicaux et d'imprimer la forme conique au niveau de la moitié ou des deux tiers coronaires du canal. Cette étape d'évasement est réalisée à l'aide des 2 instruments rotatifs, le coronal et le median. Le coronal est utilisé en premier pour dégager et élargir l'entrée canalaire et pour évaser la portion coronaire du canal. Il n'est pas nécessaire que toute la longueur du coronal soit insérée dans le canal ou que toute sa partie active travaille dans le canal. Le median est ensuite utilisé afin d'évaser la partie médiane du canal. En aucun cas, le median ne doit aller au-delà de la profondeur de pénétration de la lime manuelle n° 15. Il est même normal qu'il n'atteigne pas, à ce stade, toute la longueur de pénétration de la LK n° 15. Le coronal et le median mettent la cavité d'accès coronaire en continuité avec le canal mis en forme, ce qui permet ultérieurement un accès libre au tiers apical sans infliger aux instruments endodontiques une flexion coronaire.

Ces instruments rotatifs ne doivent jamais être forcés apicalement, ils sont manipulés avec une très légère pression lors de la progression apicale et sont retirés en appui pariétal sélectif sur une paroi du canal. Ce geste offre l'avantage d'amplifier l'évasement canalaire (fig. 4 à 14).

Troisième étape : exploration du tiers apical et détermination de la longueur de travail

Après la mise en forme coronaire et médiane du canal, les objectifs de cette troisième étape sont de déterminer la longueur précise du canal et de préparer le passage en sécurité des instruments rotatifs en nickel-titane jusqu'à la longueur de travail. Les instruments utilisés sont les limes K n° 10 et n° 15. Une radiographie ou un localisateur d'apex permet de confirmer cette longueur du travail.

Notons que toutes ces limes K doivent être précourbées, à un angle arrondi, au niveau des deux derniers millimètres environ de leur extrémité, avant leur introduction dans le canal afin de maintenir la courbure apicale.

L'objectif de cette phase de mise en forme canalaire est atteint lorsque la lime K n° 15 parvient à la longueur canalaire et sort sans déformation en torsion tout en sachant qu'une déformation en flexion est normale à condition qu'elle ne soit pas très accentuée (fig. 6 et 11).

Quatrième étape : préparation de la partie apicale du canal

L'objectif de cette dernière étape de la mise en forme canalaire est de préparer le tiers apical pour recevoir les solutions d'irrigation et imprimer au canal une forme conique permettant un ajustage précis du maître cône et assurant un relief de rétention à la gutta-percha compactée.

Les instruments rotatifs apical A1 puis apical A2 sont utilisés sur toute la longueur canalaire.

Ainsi, le canal sera préparé au diamètre apical de 20/100e de millimètre et mis en forme à une conicité supérieure ou égale à 6 % apicalement et à 8 % coronairement.

Pour savoir si le diamètre apical doit être préparé à un calibre supérieur à 20/100e de millimètre, il suffit d'insérer passivement, sans forcer, une lime manuelle n° 25. Si elle n'atteint pas la longueur de travail canalaire, cela indique que le diamètre apical du canal n'est pas supérieur à 20/100e de millimètre et que la mise en forme apicale du canal à l'aide de l'instrument rotatif apical A2 est satisfaisant.

Si, en revanche, cette lime avance librement jusqu'à la longueur du travail, cela indique que le diamètre apical du canal est égal ou supérieur à 25/100e de millimètre (donc supérieur au diamètre de la pointe du dernier instrument rotatif utilisé, l'apical A2). Dans ce cas, l'extrémité apicale du canal doit être préparée à l'aide de la lime K n° 25 ou à l'aide de l'instrument rotatif en nickel-titane median (diamètre de pointe 25/100e de millimètre).

Le même calibrage apical sera éventuellement fait à l'aide de la lime n° 30 (ou de limes de calibre supérieur) au cas où la lime n° 25 atteindrait passivement et librement l'extrémité de la longueur de travail.

L'irrigation canalaire joue un rôle primordial dans la désinfection canalaire. Utilisée conjointement avec les manoeuvres instrumentales, elle favorise l'élimination mécanique progressive des débris organiques et minéraux détachés par les instruments. Elle débutera avec la cavité d'accès et ne s'arrêtera qu'en fin de préparation instrumentale. Aucun instrument ne doit pénétrer « à sec » dans le canal : il faut irriguer abondamment après chaque passage instrumental (fig. 15 et 16).

Dynamiques d'action des instruments rotatifs en nickel-titane

L'instrument avance apicalement avec un léger mouvement vertical d'avance et de retrait de petite amplitude. À chaque mouvement de va-et-vient, l'instrument doit progresser légèrement apicalement jusqu'à ce que la limite du travail souhaitée soit atteinte ou jusqu'à la sensation de résistance à l'avancement de l'instrument. Ces manoeuvres sont complétées par un mouvement de coupe au retrait en appuyant sélectivement contre les parois du canal. Au niveau des dents multiradiculées, la coupe au retrait se fait sur la paroi opposée à l'espace interradiculaire.

Il ne faut jamais forcer l'instrument rotatif en nickel-titane à atteindre la longueur voulue s'il ne peut y accéder librement. Il faut toujours le manipuler avec une légère pression lors de sa progression apicale.

Certains instruments ont tendance à être parfois « aspirés » dans le canal. Dans ce cas, il faut retenir le contre-angle et le retirer coronairement afin d'empêcher l'instrument de s'insérer plus profondément dans le canal.

La durée d'utilisation d'un instrument rotatif en nickel-titane dans un canal se situe entre 5 et 10 secondes.

La vitesse de rotation recommandée est de 350 tr/min environ.

Le torque recommandé est de 3 N environ pour tous les instruments CMA®. À noter que ces instruments peuvent être utilisés avec un contre-angle réducteur.

Les spires des instruments doivent être systématiquement essuyées et nettoyées avec une compresse, afin de maintenir leur efficacité, et constamment contrôlées après chaque usage et avant chaque réinsertion dans le canal. Il faut éliminer tout instrument présentant une déformation après usage, un des avantages de l'alliage nickel-titane utilisé pour la fabrication des instruments CMA®.

Avantages de la mise en forme canalaire à l'aide des instruments CMA®

La séquence instrumentale est simple et comprend un nombre d'instruments réduit, ce qui constitue un acquis non négligeable.

Le risque de rupture lors de l'usage des instruments rotatifs en nickel-titane est nettement diminué avec les instruments CMA® étant donné que la déformation des spires est visible à l'oeil nu comme sur les instruments manuels en acier inoxydable.

Le point faible réside dans le fait que certains instruments ont parfois tendance à être « vissés » dans le canal. Dans ce cas, il faut retenir le contre-angle et le retirer en direction coronaire afin d'empêcher l'instrument de s'insérer plus profondément dans le canal, travailler plus longtemps avec le median avant l'apical A1 et augmenter la vitesse de rotation dans la limite de 600 tr/min.

Le système et les instruments CMA® sont très efficaces pour la désobturation des matériaux d'obturation canalaire qui peuvent être ramollis dans des solvants. La séquence standard décrite précédemment reste applicable dans le cas de retraitement canalaire (fig. 17 et 18).

Protocole opératoire d'un retraitement canalaire

La radiographie préopératoire ne peut identifier si le matériau d'obturation canalaire est soluble ou non, ou si la portion non obturée du canal est perméable ou non. Sur cette radiographie, l'opérateur estime la longueur de la dent et la portion obturée du canal qui peut être sur toute la longueur canalaire ou à distance de l'apex (fig. 17 et 18).

La cavité d'accès doit procurer une visibilité nette des entrées canalaires et un accès suffisant. Elle sera nettoyée de toute trace de produit d'obturation. Les ultrasons sont ici la technique de choix. Après la recherche des entrées canalaires, la chambre pulpaire est remplie d'un solvant approprié.

L'évasement et la désobturation de la portion coronaire du canal se font comme suit :

• pénétration manuelle à l'aide d'une lime K courte et rigide (lime n° 10 raccourcie de quelques millimètres par exemple) pour percer le matériau d'obturation et créer un pertuis canalaire de 2 à 3 mm environ ;

• utilisation du coronal pour évaser les entrées canalaires pour désobturer 2 ou 3 mm environ du canal (ce qui crée un réservoir intracanalaire pour le solvant) et pour éliminer toute interférence cervicale afin d'assurer un accès direct au canal. Le coronal est inséré dans le canal sur 2 à 3 mm de profondeur, puis il est utilisé avec un mouvement de retrait, en appui sur la ou les parois qu'il est nécessaire d'éliminer ;

• irrigation et renouvellement du solvant ;

• pénétration manuelle, à l'aide d'une lime K n° 15 en acier, de quelques millimètres plus profondément ;

• utilisation du median, qui travaille plus profondément que le coronal, pour ôter des parois toute trace de l'obturation précédente. Cet instrument travaille par traction sur la ou les parois à évaser.

Plus l'instrument progresse en direction apicale, moins il faut utiliser de solvant et plus il faut irriguer.

S'il s'agit d'un canal obturé sur toute sa longueur, une lime K n° 15 précourbée sera utilisée pour explorer cette portion du canal et éventuellement mesurer la longueur du canal si cette manoeuvre est faisable à ce stade. L'apical A1 puis l'apical A2 sont alors utilisés sur toute la longueur canalaire perméabilisée par la lime n° 15. La mise en forme sera achevée par un contrôle de la perméabilité apicale à l'aide d'une lime K n° 10, qui pénètre légèrement au-delà de la longueur de travail, et par un jaugeage du diamètre du foramen apical.

S'il s'agit d'un canal où l'obturation s'arrête à distance de l'apex, une butée ou une calcification peut exister à l'extrémité de l'ancienne obturation. Les instruments rotatifs ne permettent pas de la franchir. Les butées ne peuvent être négociées que par des limes manuelles en acier précourbées. Dès que la progression est bloquée, une radiographie permet de visualiser le niveau du blocage. À la limite de l'ancienne obturation, une lime manuelle n° 10 (ou 08) précourbée sera utilisée pour tenter de passer la butée et retrouver la perméabilité du canal.

Propriétés mécaniques des instruments CMA® et incidences cliniques

Une étude préliminaire a permis de comparer les propriétés de résistance à la fatigue ainsi que les propriétés mécaniques de flexion et de torsion des instruments CMA® (GACD®). Elle fait suite aux travaux effectués sur la fatigue des instruments en NiTi de Dederich et al. [9], Haikel et al. [4,10 et 11], Pruett et al.[12] et Li et al. [13], et elle les complète.

Résistance à la fatigue

Vitesse de rotation et mouvement axial

Les tests de fatigue ont été réalisés avec adjonction d'un mouvement axial de l'instrument. En effet, il est admis depuis les études de Dederich et al. [9] et Li et al. [13] que le mouvement axial permet une dissipation du stress de l'instrument lorsque celui-ci travaille dans une courbure, et donc augmente significativement sa durée de vie. Il en découle une incidence clinique immédiate : l'utilisation d'un mouvement de va-et-vient en présence d'une courbure apicale lorsque l'instrument est utilisé sur la toute la longueur de travail. La vitesse de rotation (300 tr/min) appliquée se situe dans la fourchette recommandée par le fabriquant.

Influence du rayon de courbure

Le rayon de courbure a été désigné comme un facteur majeur influençant la durée de vie de l'instrument [4,13]. Dans notre étude, les instruments ont été placés dans deux rayons de courbure de 5 et 7,5 mm correspondant respectivement à des courbures apicales sévère et moyenne. Placés en condition de courbure sévère in vitro (5 mm), les instruments qui résistent le mieux à la fatigue sont les CMA® de conicité 4 %. En condition de courbure moyenne in vitro (7,5 mm), les instruments ayant la durée de vie la plus longue sont à nouveau les CMA® 4 %, suivis par les CMA® 6 %. Cela suggère que, dans le cadre de la séquence instrumentale préconisée par les fabricants, une séquence de CMA® qui se termine toujours par les instruments 4 % et 6 % sera plus sûre en termes de résistance à la fatigue, dans les deux cas de courbures sévère et moyenne. En effet, parmi les instruments utilisés en longueur opératoire de travail, les CMA® 4 % montrent de très bonnes propriétés de résistance à la fatigue dans les deux courbures (fig. 19). De plus, en accord avec Pruett et al. [12] et Haikel et al. [4], nous constatons aussi que la durée de vie des instruments diminue, toujours de façon significative, quand le rayon de courbure diminue, et ce malgré l'adjonction de mouvement axial. Un canal présentant une courbure sévère sera donc beaucoup plus sujet à provoquer des ruptures instrumentales qu'un canal de moindre courbure (fig. 20 à 22).

Influence de la conicité

On constate que les instruments de forte conicité ont une durée de vie significativement inférieure aux instruments de plus faible conicité (fig. 19). Cela semble être dû au stress plus important engendré par la plus grande section de l'instrument [4,12]. L'instrument CMA® de 4 % est celui qui est indiqué pour travailler le plus longtemps dans un canal sur toute la longueur de travail et le plus adapté aux courbures sévères de petit rayon (fig. 23 et 24).

Résistance à la flexion

Les instruments CMA® 4 % sont ceux qui présentent significativement le moment de flexion le plus bas (fig. 25). Un faible moment de flexion pour un instrument travaillant en longueur opératoire de travail est un atout majeur dans la préparation canalaire.

En effet, l'instrument conserve au maximum la trajectoire canalaire [14, 15et 16]. En diminuant les déplacements du trajet original du canal, on évite ainsi les erreurs de préparation, telles que les déplacements internes à l'origine d'épaulements, et les déplacements externes générateurs de coudes et de déchirures du foramen.

Résistance à la torsion

Résistance à la rupture sous l'effet d'un couple

Les instruments en nickel-titane supplantent largement la norme ISO 3630-1. La résistance à la rupture sous l'effet d'un couple augmente avec le diamètre de l'instrument (fig. 25). L'instrument CMA® 6 % 20, dernier instrument de la préparation canalaire travaillant sur toute la longueur opératoire, montre un moment de torsion élevé. Cette résistance en torsion permet à ces instruments de faire face aux stress générés lors de la rotation dans le canal [13,17] et en cas de blocage de l'instrument dans le canal [18]. De plus, les moteurs à choix de torque sous-évaluant le torque généré, un instrument résistant à un couple élevé est préférable. Il serait néanmoins intéressant d'explorer cette résistance sous l'effet d'un couple dans une courbure [19].

Résistance à la rupture sous l'effet d'un angle de torsion (déflexion angulaire)

Les CMA® montrent une déflexion angulaire significativement supérieure à d'autres instruments comme le ProTaper (Dentsply) de même diamètre (fig. 26). Une déflexion angulaire importante est signe d'une grande ductilité. Celle-ci est gage de sécurité dans la préparation canalaire. Elle permet de retarder la survenue de la rupture de l'instrument s'il se bloque dans le canal. Cette déformation plastique est recherchée car elle a une signification clinique : un instrument qui en présente une peut être écarté plus tôt par l'opérateur, qui peut la remarquer par la vue ou par le toucher [20]. Cliniquement, la déflexion angulaire reflète plus précisément la résistance de l'instrument que la rupture en torsion.

La résistance à la rupture devrait être évaluée prioritairement par la déflexion angulaire [21].

Conséquences cliniques

Les instruments en nickel-titane ont été mis au point pour exploiter les propriétés particulières de mémoire de forme et de superélasticité de cet alliage. Les zones délicates de forte courbure apicale peuvent ainsi être négociées ; et ce sont dans ces zones que surviennent les ruptures instrumentales, réputées imprévisibles par les praticiens. Les séquences cliniques instrumentales recommandées par les fabricants comprennent des instruments travaillant soit en partie, soit en totalité sur la longueur opératoire de travail.

Il est donc préférable d'utiliser en longueur opératoire de travail un instrument possédant les meilleures caractéristiques mécaniques de résistance. Les instruments CMA® utilisés en longueur opératoire de travail répondant à ces recommandations sont les CMA® 4 % et 6 % de diamètre 20/100e de millimètre (A1 et A2). Nous avons montré que sur le plan de la fatigue, les CMA® 4 % se montrent supérieurs aux autres instruments. Les instruments de forte conicité résistent moins bien en fatigue. Cet inconvénient est réduit par le fait qu'ils ne travaillent pas en longueur opératoire de travail et, donc, subissent beaucoup moins les stress engendrés par les courbures apicales comme c'est le cas du CMA® 6 % de 25/100e de millimètre de diamètre (median).

En considérant les propriétés mécaniques de flexion, les CMA® 4 % se distinguent par leur plus grande flexibilité, permettant de limiter les erreurs de préparation. De plus, en raison de leur angle de torsion élevé, les CMA® 4 % et 6 % présentent, en cas de blocage, des déformations plastiques avant de rompre, ce qui est un avantage par rapport à d'autres instruments en nickel-titane. De nombreux auteurs suggèrent de rechercher un instrument présentant plutôt une déformation ductile avant rupture qu'un moment de torsion important. Les CMA® répondent à ces critères de déformation plastique détectable visiblement et tactilement (fig. 27).

Conclusion

Deux catégories d'instruments canalaires sont utilisées pour la mise en forme et la désobturation canalaire, les instruments manuels en acier inoxydable et ceux rotatifs en nickel-titane. Ces deux types d'instruments sont tout à fait complémentaires. Ils interviennent successivement dans la chronologie de la séquence instrumentale. Aucun alliage ou aucune catégorie d'instruments ne peut efficacement remplacer l'autre ou accomplir correctement la fonction de l'autre.

Les instruments manuels en acier inoxydable ont une conicité de 2 % et ont pour fonction le cathétérisme des canaux et la préparation du passage dans le canal des instruments rotatifs en nickel-titane. Les instruments rotatifs en nickel-titane du CMA® system ont une conicité allant de 4 à 8 % et une fonction essentielle d'évasement et de détermination de la conicité canalaire. La technique exposée dans cet article permet de simplifier la procédure de la mise en forme canalaire et de tirer le meilleur profit d'efficacité et de sécurité des instruments rotatifs. Elle est adaptable à tous les cas cliniques et ses résultats sont parfaitement fiables, prévisibles, reproductibles et, surtout, à la portée de tous les praticiens dans leur omnipratique (fig. 28 et 29).

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