À la Croix-Rousse, sur les hauteurs de Lyon, le cabinet d’Alain Ravouna mêle simplicité et originalité. L’histoire des lieux, les œuvres qui y sont exposées et le contact particulier que l’équipe entretient avec les patients créent une unité pleine de poésie.
D’abord un quartier, pareil à un village. Le marché, la fête foraine, les potins, le quotidien. Et puis, au rez-de-chaussée d’un immeuble ancré dans un passé de haut lieu de l’industrie de la soie, le cabinet d’Alain Ravouna.
Dans l’entrée, Véronique, une des deux assistantes, décroche le téléphone derrière le comptoir, accueille une patiente puis échange quelques mots avec elle, tandis que le chirurgien-dentiste passe d’une salle de soins à l’autre, tout en plaisantant avec un de ses prothésistes de passage. « Je travaille avec différents techniciens en fonction des prothèses : totales, fixées ou élaborées sur implants… Je préfère les petites structures aux grands laboratoires ; les rapports sont plus conviviaux ». Le fonctionnement du cabinet reste à taille humaine : un credo pour l’équipe, qui privilégie une atmosphère chaleureuse.
Né à Lyon et diplômé en 1979 de la faculté dentaire de la même ville, Alain Ravouna a « réussi à monter sur le plateau, dans cet endroit très particulier, la république des Canuts. C’est un peu comme Montmartre, à Paris. On y organise des vendanges, des bals, des événements culturels. » L’esprit des lieux prend tout son sens pour l’auteur d’une thèse de doctorat sur la bouche dans la bande dessinée, soutenue il y a trente ans et qui est toujours lue, aujourd’hui, par les étudiants et les professionnels.
Il s’installe dans son cabinet du boulevard de la Croix-Rousse en 1982, et ne l’a jamais quitté. « À l’époque, il y avait peu de chirurgien-dentistes dans ce quartier. Je voulais trouver un lieu précisément dans ce pâté de maisons, où je connaissais un bon médecin généraliste et la plus grande pharmacie. C’est important, l’emplacement et l’environnement. » Il n’habite pas loin : une maison avec un jardin, « un paradis absolu ». Il vient travailler en trottinette. Le plaisir est au cœur de son exercice.
Tout ce qui fait un cabinet dentaire équipé avec du matériel de pointe se fond dans l’univers esthétique et intellectuel du praticien. Un univers qui a pris racine entre les murs d’une ancienne boutique de barbier avec, à l’époque, une hauteur sous plafond de 4,40 mètres. « En arrivant, j’ai tout fait casser et refaire », explique le praticien qui reçoit ses patients dans deux salles de soins. Le salon d’attente, avec un coin dédié aux enfants, jouxte la salle de soins principale. La salle de radiologie abrite la radio panoramique d’orthopantomographie, une Sirona Orthophos 3. En face, la salle de stérilisation. De l’autre côté de l’accueil, une seconde salle de soins permet de passer d’un fauteuil à l’autre (tous deux de la marque Sirona C3), mais surtout d’accueillir une collaboratrice spécialisée en pédodontie, Delphine Chaumaz, qui devrait bientôt s’installer à plein temps.
Dans la salle de soins principale, vaste et lumineuse, un bureau offert par les parents d’Alain Ravouna, une caméra endobuccale, un casque avec des loupes, « plus commode », un microscope Olympus CX41… « J’ai suivi une formation du Canadien Mark Bonner sur la bactériologie dans la bouche. Dans certains cas de parodontie, l’antibiothérapie peut être la seule solution pour détruire les parasites, explique le praticien qui reste réceptif aux nouveautés, mais avec circonspection. Je mets en doute ce que l’on me dit. Le problème avec certains chercheurs et conférenciers, c’est qu’ils racontent des choses sans avoir de recul. Et nous, on engage notre profession. »
Il a peu à peu installé des œuvres d’art dans son espace de travail. Les lignes douces et fuyantes d’un graff signé Släme côtoient un meuble rotatif de dentiste des années 1950 recouvert d’opaline, avec des tiroirs en verre, offert par son directeur de thèse. Les rencontres, les échanges et l’amitié participent à façonner son regard dans sa façon d’exercer, comme dans la vie en général. « Avec certains de mes confrères qui sont devenus des amis, j’ai non seulement appris à me demander, dans chacun de mes gestes, ce que ça donne et où je vais, mais également comment m’organiser dans mon exercice. Surtout, j’explique toujours à mes patients comment et pourquoi je leur fais tel ou tel soin. »
Par petites touches ou pareil à des clins d’œil, le rouge relie chaque espace du cabinet, tel un fil d’Ariane, un repère. Les murs de pierre et les piliers également, vestiges de ce bastion que fut la Croix-Rousse. Dans le couloir qui mène de l’accueil au salon d’attente et à la salle de soins principale, une bibliothèque historique du XIXe siècle : celle de l’école dentaire de Lyon. « Je l’ai récupérée il y a une vingtaine d’années et j’y ai installé mon petit musée : des objets en rapport avec la dentisterie, d’ici ou d’ailleurs, parfois anciens, mais aussi des bandes dessinées : Gotlib, William Vance… Mes autres albums, environ 7 000, sont chez moi ! », s’enthousiasme Alain Ravouna.
Dans la salle de repos, au-dessus d’un canapé carmin, une grande planche de bande dessinée : un homme à l’état sauvage, une brindille entre les dents. « Elle a obtenu le record du monde du Guinness Book de la plus grande planche », se félicite le praticien qui est à l’origine du Festival de la bande dessinée de Lyon1, un rendez-vous incontournable du 9e art en France. Dans cet espace réservé à l’équipe, ouvert sur une petite cour où une table et des chaises de jardin invitent à un moment de détente, sont également rangées les archives et les expertises pour les assurances, dont s’occupe Alain Ravouna.
Véronique, responsable des tâches administratives, travaille dans le cabinet croix-roussien depuis 21 ans. À ses côtés, Cynthia, biologiste, possède également un CAP de prothésiste. « Il y a une entente particulière dans notre équipe, ainsi qu’avec les patients qui sont suivis par le docteur Ravouna, souvent depuis longtemps », affirme Véronique. Les soins dentaires prennent une tournure simple. Dans un climat de confiance, parler d’un devis, prévoir un paiement en plusieurs fois devient plus facile. « C’est le côté humain du cabinet qui prime : les échanges que l’on peut avoir avec une dame âgée que l’on connaît bien et qui a perdu son mari ou avec une maman qui nous amène son enfant. C’est ça qui fait le plus. »
Le coin bureau de la salle de soins principale où chaise design, meuble ancien et objets symboliques s’allient sous le tableau d’une des patientes d’Alain Ravouna, Cristina Tavares : une femme gironde, dans des tons mordorés et argent, qui tient dans ses mains… son appareil dentaire !