Clinic n° 11 du 01/12/2010

 

ÉTHIQUE

Guillaume SAVARD  

Chirurgien-dentiste, titulaire d’une maîtrise de philosophie et d’un master d’éthique médicale et biologique

Les réactions au rapport de la Cour des comptes.

À la date du 8 septembre 2010, la Cour des comptes publiait son rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale. Au chapitre 13, il est question des soins dentaires : voilà qui nous intéresse ! D’autant que les réactions fusent de toutes parts.

D’abord dans la presse1, on remarque l’inégalité d’accès aux soins (où l’on mélange un peu les refus de recourir aux soins pour raison financière et pour raison psychologique – quand on sait combien la phobie des soins est répandue, il est dommage que ce dernier critère ne soit pas exploré), notamment en raison des coûts élevés et des faibles remboursements, une nomenclature obsolète (sic) et des dépassements trop importants (qui a pensé : « Et, donc » ?), la « marge » (quoi ? personne ne dit le mot ?) sur la « revente » des prothèses (long et ancien débat), le fait que ce n’est pas le nombre mais la répartition des chirurgiens-dentistes qui devrait poser problème (tout en soulignant que le nombre de chirurgiens-dentistes va dramatiquement chuter en 20 ans ; peut-on rêver lecture plus superficielle d’un rapport ?) et la presse, enfin, de souligner l’importance, finalement, du contrepoids que pourraient constituer les mutuelles et assurances santé… Ah, les grandes institutions philanthropiques que voilà2, de quel lobbying efficace font-elles preuve ! Parmi les suggestions retenues : le rôle élargi des assistantes (et si on reparlait d’hygiénistes ?), la prévention scolaire et, enfin, la transparence en matière de fabrication et de facturation des prothèses (questions auxquelles la profession a déjà en partie répondu respectivement positivement et négativement).

Ensuite dans la profession. Je vous passe l’alarmisme de certains syndicats en besoin de reconnaissance, les échanges – parfois verts – en commentaires sur les blogs. Les syndicats réagissent et communiquent, soulignant notamment la faiblesse de la valorisation des actes opposables et questionnant le calcul des cotisations sociales. L’Académie nationale de chirurgie dentaire s’est livrée à un examen du texte et a répondu par voie de presse3 en soulignant la faiblesse globale de l’engagement public. Le conseil de l’Ordre4 prend de façon constructive l’analyse et, de manière convaincante, voit dans ce rapport l’indice de l’abandon par l’État et la Sécurité sociale de la santé orale et la méconnaissance du secteur dentaire. Évidemment, ce sont les questions de fond. Les questions les plus difficiles : l’une car elle fait intervenir le financement socialisé d’un secteur de santé et qu’on rechigne, politiquement, à alourdir la facture de l’Assurance maladie, l’autre car elle se pose face à l’opinion et aux préjugés – ce qui est bien, avouons-le, la chose la plus difficile au monde à changer5.

Le rapport est plutôt dense, aborde de nombreuses questions, avec des arguments riches et qu’on a peu souvent ainsi synthétisé. Un beau bilan des problématiques franco-françaises, sur le système de soins, les compétences et la prévention, qui souffre énormément d’un manque de comparaison avec l’étranger. Vous connaissez l’histoire du mauvais communicant qui rencontre quelqu’un qui a étudié de très près son nombril ?

1. http://www.lepoint.fr/sante/la-cour-des-comptes-denonce-les-inegalites-de-la-population-face-aux-soins-dentaires-09-09-2010-1234351_40.php ; http://www.secours-catholique.org/actualite/la-cour-des-comptes-souligne-l,7761.html ; etc.

2. Voyez déjà comment la MGEN avait instauré une discrimination dans ses remboursements sur la seule appartenance du praticien à son réseau (et donc à ses conditions tarifaires contrôlées).

3. Tribune. L’information dentaire 2010 ; 36 : 10-11.

4. Méconnaissance. La Lettre – Ordre national des chirurgiens-dentistes 2010 ; 91.

5. Il y a d’autres chroniques là-dessus.