Clinic n° 09 du 01/10/2012

 

Chronique d’expert

Jean-Louis PLAFORET  

Mme F. aide une amie, Mme G., à faire du rangement dans son garage. Mme G. qui est en haut d’une échelle, veut en descendre avec un radiateur à bain d’huile. Malheureusement celui-ci lui échappe des mains et Mme F. le reçoit sur le visage.

Mme F. se rend chez son médecin, qui la renvoie chez son chirurgien-dentiste traitant, le Dr A., qui le jour même soulage sa patiente. Il rédige un certificat médical précisant : « Sur le plan clinique, elle présente au niveau de la 21 une fracture coronaire oblique de distal (1/3 coronaire) en mésial (2/3 coronaire) sans effraction pulpaire ; la 11 présente une fracture angulaire disto-mésiale avec effraction pulpaire, ainsi qu’une fracture palatine en direction apicale allant au-delà de l’attache épithéliale. Compte tenu des douleurs présentes et du déficit esthétique flagrant, j’ai en urgence dépulpé 11 et 21 et rebâti ces dents provisoirement. »

Manque de cohérence

Le même jour, le Dr A. propose un devis de restauration prothétique des deux dents par des couronnes céramo-céramiques. Pendant ce temps, Mme G. a déclaré l’accident, dont elle s’estime responsable, et sollicite son assurance responsabilité civile pour qu’elle prenne en charge les travaux prothétiques de son amie.

L’assureur décide de ne pas donner suite au dossier, estimant que : « Les certificats médicaux présentés par la victime sont peu cohérents. Notre assurée ainsi que la victime déclarent qu’un radiateur à bain d’huile serait à l’origine des dents cassées. Or, compte tenu des dimensions et du poids d’un tel objet, nous sommes surpris de constater que Mme F. ne présente aucune blessure corporelle en dehors des dents. »

Mme F. avait entre-temps revu le Dr A. qui avait rédigé un nouveau certificat médical, identique mot pour mot au premier, daté du même jour, avec simplement une phrase en plus : « Sur le plan clinique, elle présente une lésion de la lèvre supérieure tuméfiée sur la face interne. »

Expertise

Un avis sapiteur est demandé à l’expert par l’assureur, avec pour mission d’évaluer les certificats litigieux.

Évidemment, l’expert est tiraillé entre deux options. Le second certificat établi par le Dr A. :

– est-il un certificat de complaisance pour faire bénéficier sa patiente d’un avantage auquel elle n’a peut-être pas droit ;

– n’est-il que le reflet d’un oubli toujours possible lors de la rédaction du certificat initial ?

Devant la bonne foi manifeste de Mme F. l’expert tranchera en sa faveur après avoir obtenu des éléments complémentaires (radiographies, photos et fiche clinique du chirurgien-dentiste et du médecin traitant).

CONSEILS

1. Un oubli dans la rédaction d’un certificat initial est toujours possible. Pour le corriger, rédigez un additif daté du jour où vous le faites.

2. Interdisez-vous les certificats de complaisance et rappelez-vous l’article R. 4127-213 du Code de déontologie qui dit : « Il est interdit d’établir un rapport tendancieux ou de délivrer un certificat de complaisance. »

3. Rappelez-vous aussi l’article R. 4127-234 du même code qui précise : « Le chirurgien-dentiste doit mettre son patient en mesure d’obtenir les avantages sociaux auxquels son état lui donne droit, sans céder à aucune demande abusive. »

4. Évitez de semer le trouble dans l’esprit de l’expert par une rédaction ambiguë qui, au final, dessert la victime.

Alors soignez la rédaction de vos certificats initiaux qui seront le reflet de votre compétence et de votre sérieux, et n’hésitez pas à joindre des radiographies, une radiographie panoramique avant et après l’accident si vous en possédez et des photos.