Clinic n° 10 du 01/11/2010

 

REGARDS CLINIQUES

Nicolas LEHMANN*   Jean-Pierre AXIOTIS**  


*Docteur en chirurgie dentaire
**Docteur de l’université Claude-Bernard Lyon 1
***Ancien interne des hôpitaux de Paris
****Docteur en chirurgie dentaire
Centre d’implantologie et esthétique dentaire
17, rue Joseph-Le-Brix
42160 Andrézieux-Bouthéon

La maintenance est déterminante pour le succès à long terme de l’ostéo-intégration. Elle doit être assurée par le patient et par le praticien. Son but est de préserver la santé des tissus péri-implantaires en évitant les complications ou les échecs secondaires.

Malheureusement, il n’est pas toujours facile pour les patients, même pour ceux à qui on l’a appris, de parfaitement contrôler la plaque sous leur prothèse supra-implantaire. Cet article décrit la réalisation d’un type de prothèse permettant une maintenance implantaire facilitée pour les patients.

Les tissus péri-implantaires peuvent être le siège de pathologies en relation avec la flore bactérienne buccale pathogène et/ou des forces occlusales excessives. Une hygiène bucco-dentaire et/ou une maintenance insuffisantes peuvent être à l’origine de péri-implantites [1].

Une revue d’études d’une durée de 5 ans et plus montre que seuls 60 % des patients n’ont pas eu de complications pendant la période de suivi [2]. Des études expérimentales animales et humaines [3 4 5 6-7] ainsi que des études cliniques [8 9 10-11] ont montré, à court terme, une association significative entre l’accumulation de plaque dentaire et l’apparition de lésions inflammatoires des tissus mous péri-implantaires (mucosites). Du fait de la composition et de l’organisation spécifique de ces derniers, l’inflammation y est plus importante qu’au niveau des tissus mous dentaires. À long terme, l’inflammation progresse et entraîne une destruction osseuse (péri-implantite) [12, 13]. L’absence de traitement de cette dégradation tissulaire peut induire la perte des ­implants [14 15 16-17]. Certaines études cliniques montrent également une association significative entre le ­degré d’accumulation de plaque dentaire et la fréquence des échecs implantaires [18, 19].

Bien que la prévalence des péri-implantites semble être faible à 5 ans (entre 0 et 14,4 %) [4, 20], les mucosites sont relativement fréquentes (jusqu’à 65 % dans certaines études) [8]. Au-delà de 5 ans, les études sont peu nombreuses. Il semblerait que les péri-implantites soient fréquentes chez les patients n’ayant pas suivi un programme de maintenance professionnelle [11, 21].

En ce qui concerne la maladie parodontale et la maintenance péri-implantaire, la mise en place d’implants dentaires chez des patients avec des antécédents de parodontite chronique ou agressive est possible et les résultats cliniques montrent des taux élevés de succès implantaire [22 23-24]. Cependant, il semble que les résultats des traitements implantaires soient légèrement inférieurs chez les patients atteints ou ayant été atteints de parodontite que chez ceux sans atteintes parodontales [10, 24]. On observerait ainsi plus de péri-implantites chez les personnes ayant perdu des dents pour des raisons parodontales que chez les autres [25]. Karoussis et al. [26] ont montré une incidence de 28 % des péri-implantites à 10 ans chez des patients avec un antécédent de parodontite. Dans le groupe contrôle sans atteinte parodontale, cette incidence était de 5 %, toujours à 10 ans.

En termes de microbiologie, on retrouve la même flore associée à la santé des tissus parodontaux et des tissus péri-implantaires. Inversement, la même flore pathogène est associée aux lésions parodontales et aux péri-implantaires chez le sujet denté [20].

L’ensemble de ces données montre l’importance de la maintenance implantaire et la nécessité de réaliser des prothèses supra-implantaires qui permettent au patient d’éliminer facilement la plaque dentaire et péri-implantaire. Il n’est pas toujours facile pour les patients, même pour ceux qui sont motivés et à qui on a donné des instructions d’hygiène orale, et malgré un design approprié de leur prothèse supra-implantaire, de parfaitement contrôler la plaque sous celle-ci (fig. 1). La réalisation d’une prothèse amovible sur chape intermédiaire galvanique peut alors rendre de grands services pour le contrôle de plaque puisque le patient peut quotidiennement enlever sa prothèse et entretenir parfaitement les tissus à proximité des piliers implantaires. Bien qu’il s’agisse d’une prothèse amovible, elle est aussi confortable qu’une prothèse fixée pour le patient. C’est là le grand avantage de ce type de prothèse.

Après avoir rappelé les intérêts des prothèses amovibles sur chapes intermédiaires galvaniques, cet article présentera deux cas cliniques traités par ce type de prothèse.

Intérêts de la chape intermédiaire galvanique et du fraisage à 0°

Les moignons implantaires sont fraisés à 0° : ce concept est la base dans la technique des chapes (ou couronnes) intermédiaires galvaniques en or (AGC). Cette technique présente les avantages suivants [27] :

• faible friction de la structure grâce au système de passivation. En effet, ce procédé permet d’enlever et de remettre la prothèse tout en gardant la friction nécessaire à sa bonne tenue et en évitant toute tension sur les implants. On peut retoucher les intrados de la structure jusqu’à la passivation totale après la coulée et la céramisation. Ce qui est le plus important, c’est qu’il s’agit d’un système de passivation en bouche et non sur le modèle, c’est-à-dire que lorsque le travail est terminé, le praticien positionne les piliers puis insère les galvanos et la ­prothèse. Au bout de 10 jours, il peut vérifier la prothèse après avoir effectué des retouches, si besoin est, à l’intérieur de la suprastructure jusqu’à ce que la passivation totale soit obtenue. Enfin, les AGC sont collées à l’infrastructure métallique ;

• grâce aux moignons à 0°, possibilité d’enlever la prothèse dans cet axe, facilitant le nettoyage et le brossage des piliers implantaires mais, par-dessus tout, sensation pour le patient, lorsque la prothèse est en place, d’avoir une prothèse fixée (scellée ou vissée) ;

• possibilité d’hygiène totale car le patient peut ­enlever la prothèse lui-même tous les jours ;

• meilleure précision ;

• possibilité de réintervention car, en cas de perte d’un implant, on a toujours une prothèse amovible et donc modifiable ;

• meilleure stabilité des tissus mous grâce à une meilleure hygiène ;

• contrôles et retouches occlusaux facilités dans le temps. En effet, il est fréquent de rééquilibrer et de réévaluer les tables occlusales en prothèse implanto-portée.

Cas clinique 1 (fig. 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 à 52)

Une femme de 62 ans se présente à la consultation pour une restauration esthético-fonctionnelle. Au cours de l’entretien clinique, elle fait part de ses difficultés à sourire car elle trouve que ses dents ne sont pas belles. Par ailleurs, elle est très gênée pour manger car ses dents au maxillaire sont très mobiles. De nombreux praticiens ont tenté par le passé de contenir les dents pour améliorer le confort de la patiente. L’ensemble des dents contenues se sont vestibulo-versées et présentent à ce jour une mobilité très importante. Après avoir réalisé un examen clinique minutieux, des examens radiographiques, des modèles d’étude, une étude préimplantaire et une cire de diagnostic, le plan de traitement suivant est validé avec la patiente : extraction de l’ensemble des dents maxillaires, puis mise en place de 6 implants et réalisation d’une prothèse amovible maxillaire supra-implantaire sur chapes intermédiaires galvaniques. Dans le cadre de cet article, l’étude préimplantaire n’est pas présentée. Seules les étapes prothétiques de réalisation de la prothèse amovible sur chapes intermédiaires galvaniques sont détaillées. En outre, la restauration mandibulaire n’est pas non plus présentée.

Cas clinique 2 (fig. 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 à 68)

Un patient de 55 ans présentant un édentement complet maxillaire et un édentement de classe II/1 (Kennedy) se présente à la consultation en vue d’une restauration prothétique. Après avoir réalisé un examen clinique minutieux, des examens radiographiques, des modèles d’études, une étude préimplantaire, une cire de diagnostic, le plan de traitement suivant est validé avec le patient :

• mise en place de 8 implants, au maxillaire et réalisation d’une prothèse amovible maxillaire supraimplantaire sur chapes intermédiaires galvaniques ;

• au niveau mandibulaire, mise en place de 4 implants et réalisation d’une prothèse fixe supraimplantaire.

Dans le cadre de cet article, l’étude préimplantaire n’est pas présentée. Seules les étapes prothétiques de réalisation de la prothèse amovible sur chapes intermédiaires galvaniques sont détaillées. En outre, la restauration mandibulaire n’est pas non plus présentée.

Conclusion

Les prothèses amovibles sont souvent mal acceptées par les patients qui les jugent fréquemment non confortables et peu esthétiques. De ce fait, le choix d’une prothèse fixe supra-implantaire est souvent préféré. Malheureusement, il n’est pas toujours facile pour les patients, même pour ceux qui sont motivés et à qui on a donné des instructions d’hygiène orale, de contrôler parfaitement la plaque sous leur prothèse supra-implantaire. La réalisation d’une prothèse amovible sur chape intermédiaire galvanique peut alors être une solution intéressante. En effet cette prothèse, bien qu’amovible, fournit un niveau de confort et d’esthétique semblable à celui d’une prothèse fixée. De plus, le contrôle de plaque est facilité pour les patients qui peuvent l’enlever quotidiennement et entretenir parfaitement les tissus à proximité des piliers implantaires, participant ainsi à assurer la pérennité de l’ostéo-intégration des implants.

Remerciements

Les auteurs remercient vivement Fabio Levratto, prothésiste dentaire, pour la qualité de ses travaux et pour la belle collaboration praticiens-prothésiste qui les unissent.

Évaluez-vous

Testez vos connaissances suite à la lecture de cet article en répondant aux questions des auteurs, sur notre site Internet www.editionscdp.fr, rubrique Formation continue.

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