On veut y croire

Quelle a été, selon vous, la principale révolution de ce début de siècle en endodontie ? La rotation continue et la généralisation du NiTi, bien sûr ! Avec les instruments en acier, difficile de ne pas redresser les courbures, éviter les bouchons, préparer le canal jusqu'au bout en lui donnant cette forme évasée magnifique que seuls les spécialistes arrivent à obtenir après des heures de travail laborieux. Grâce à leur superélasticité et le profil de leurs lames, les limes en nickel-titane ont éliminé tous ces inconvénients... Mais elles nous en ont laissé un autre, et de taille : le risque de fracture instrumentale. Certes, les bien-pensants rétorqueront qu'avec une solide formation, du bon matériel et un peu d'habitude, cet accident demeure exceptionnel. Ils oublient de dire que tous les chirurgiens-dentistes n'ont pas le doigté ni l'expérience des endodontistes exclusifs, et encore moins les moyens de se payer une plaquette d'instruments neuve à chaque fois qu'ils traitent une molaire.

Le stress à l'idée d'abandonner un bout de métal coincé dans le canal est permanent chez beaucoup de praticiens. Alors, lorsqu'on leur propose un système qui les assure de ne plus jamais rencontrer ce problème, on comprend qu'ils soient immédiatement intéressés. C'est en grande partie pour cela qu'a été inventé l'Endo-Express.

Du neuf avec du vieux

Avant la rotation continue, quel a été le contre-angle endodontique qui a rencontré le plus de succès ? Le bon vieux Giromatic (Micro-Mega) et son mouvement de quart de tour alterné. Celui proposé par Essential Dental Systems ressemble plutôt à l'Endocursor (W & H) ou au M4 Safety (Kerr). Leur mouvement est le même (avec une amplitude de seulement 30° pour l'Endo-Express), mais ils accueillent des limes à manche manuel, grâce à une griffe à ressort située dans leur tête. On peut ainsi utiliser les instruments soit sur l'appareil, soit à la main en cas de difficulté de progression. Le mouvement alterné facilite la pénétration des limes de petit diamètre lors de l'exploration canalaire. Les utiliser sur un contre-angle est bien plus confortable que les tenir entre ses doigts. Quant au mouvement droite-gauche, il interdit toute fracture instrumentale, même si l'on appuie très fort en direction axiale.

Une lame qui change tout

Il y a longtemps que l'on savait déjà tout ça. Pourquoi, alors, les autres fabricants ont-ils abandonné ce concept ? Sur de tels contre-angles, les limes classiques n'ont jamais été bien efficaces, surtout à partir du n° 20. L'originalité des limes Endo-Express, c'est qu'elles présentent sur toute leur longueur un méplat qui leur donne en section à peu près la forme d'un D. Les Safe Sider ont une conicité de 2 % et sont fabriquées en acier, du n° 15 au n° 40. Selon les inventeurs, cette lame axiale augmenterait significativement leur capacité de coupe et permettrait aux débris de s'évacuer plus facilement du canal.

Afin d'obtenir rapidement une préparation conforme aux standards actuels, ces instruments sont complétés par d'autres en NiTi, avec toujours le même méplat mais des spires plus resserrées : une lime n° 30 de conicité 4 % et deux n° 25, l'une de conicité 6 % et l'autre de 8 %.

Pour élargir rapidement l'entrée du canal, le fabricant recommande d'utiliser, sur un contre-angle conventionnel, un foret conique à pointe mousse, une fois que la lime n° 20 a atteint la longueur de travail.

La séquence préconisée est la suivante : exploration avec des broches 8 et 10 montées sur le contre-angle, Safe Sider 15, mesure de la longueur de travail et élargissement à 20. Passage du foret, puis instrument 25 et mise en forme apicale avec les NiTi 0.6 et 0.8. Pour les canaux très larges, poursuite avec les instruments de plus gros diamètre.

Plusieurs de mes amis m'ont vanté les mérites du système, efficace et surtout très sécurisant. Profitant de ma visite à l'IDS de Cologne en mars dernier, j'ai pu l'essayer sur le stand EDS. Je n'avais encore jamais vu les instruments et j'ai été particulièrement séduit par l'extraordinaire souplesse des limes NiTi. J'ai préparé entièrement deux molaires, mises à la disposition des visiteurs pour les démonstrations. J'ai été vraiment bluffé par la facilité à pénétrer les canaux, puis à les élargir au bon diamètre. De retour chez moi, l'importateur m'a procuré l'ensemble complet pour poursuivre mes essais.

Sentiments mitigés

Habitué que je suis à l'Endocursor, j'ai retrouvé le même plaisir à progresser jusqu'au bout du canal avec les limes 8, 10 et 15. L'absence de stress est vraiment géniale, à tel point qu'on se prend à appuyer très fort ou à faire tourner le moteur à fond sans la moindre appréhension. Malheureusement, cette façon de procéder n'est pas recommandable. À partir du numéro 20, l'acier n'est plus très souple. Si bien qu'à plusieurs reprises, j'ai perdu de la longueur. Les forets ont une capacité de coupe remarquable. Mais attention : malgré leur conicité bien étudiée, une perforation latérale et une butée restent toujours possibles !

Au final, ce nouveau système m'a laissé perplexe. Sans doute n'est-il pas aussi facile à employer qu'il le donne à penser, car j'ai obtenu des résultats inconstants. Malgré le méplat censé agir comme une lame supplémentaire, je comprends mal comment le mouvement de la lime, qui n'est qu'une amorce de rotation, lui permet de retirer suffisamment de matière pour progresser jusqu'à l'apex. Devant la difficulté pour atteindre la longueur de travail, on a tendance à multiplier les mouvements de va-et-vient axiaux. Cela n'a d'autre conséquence que de redresser les courbures, voire de créer des butées. La progression ne me paraît possible que si le canal est déjà assez large au départ, au moins par endroits. Les limes de fort diamètre y pénètrent sans trop d'effort et n'agissent que pour lisser les parois et le mettre en forme. Cela confirme la faible efficacité l'Endo-Express dans les reprises de traitement. Je ressors donc de cet essai avec une impression très mitigée : le produit est attachant, rassurant au premier abord, mais il m'a laissé une sensation bizarre. Est-ce moi ou les autres qui se trompent ?