IMPLANTOLOGIE
De nos jours, la simplification des systèmes et des protocoles implantaires est un moyen d'étendre la pratique de la prothèse sur implants à un plus grand nombre d'omnipraticiens. En vue de simplifier et de diminuer les étapes cliniques et de laboratoire, la société Zimmer Dental® propose un nouveau protocole prothétique : One Abutment-One TimeTM. Cet article a pour objectif, au travers d'un cas clinique, de détailler les différentes étapes prothétiques et de mettre en évidence les intérêts et les limites de ce protocole, tout en vérifiant que cette simplification n'altère ni la fiabilité ni la précision du résultat esthétique et fonctionnel.
La restauration des secteurs antérieurs et postérieurs par prothèse implanto-portée constitue un problème complexe qui implique la conservation des volumes osseux et des tissus mous, pour l'obtention d'un résultat optimal sur les plans fonctionnel et esthétique. Plusieurs phénomènes, pendant la phase prothétique, sont susceptibles de provoquer une lyse osseuse et une récession des tissus mous. Parmi ces nombreux phénomènes, on peut citer : les contraintes liées à la fonction occlusale [1,2], l'infiltration bactérienne le long du pilier [3,4], le microhiatus de la jonction implant-pilier ainsi que son micromouvement [5,6] et les manipulations répétées des composants prothétiques [7]. En effet, l'étude d'Abrahamsson et al . [7] a montré que le vissage et le dévissage répétés de la vis de cicatrisation étaient responsables d'une récession tissulaire. Ainsi il est préférable de dévisser le moins possible les composants transmuqueux et de mettre en place immédiatement la restauration prothétique [8,9] pour éviter de modifier l'espace biologique. C'est sur ce principe que repose le protocole One Abutment-One TimeTM.
Zimmer Dental® présente un protocole de restauration prothétique sur implant : One Abutment-One TimeTM. Le principe repose sur la mise en place immédiate, au stade 2 chirurgical, du pilier définitif. Cela permet de respecter les tissus mous et de gagner du temps en supprimant une étape prothétique. Le concept permet de supprimer le recours à la vis de cicatrisation, ce qui réduit d'autant le nombre de rendez-vous. Les kits d'essayage des piliers Hex-LockTM Contour permettent au chirurgien-dentiste de déterminer la hauteur des tissus mous, l'évasement et l'angulation avant de pouvoir choisir le pilier Hex-LockTM Contour approprié. Celui-ci est alors mis en place avec un couple de serrage de 30 Ncm. La connexion par hexagone interne à friction élimine pratiquement tous les micromouvements et sécurise l'étage du pilier contre le dévissage [10,11]. Ainsi le pilier, fermement en place, va préserver les tissus pendant la phase de cicatrisation. Après la mise en place du pilier, le chirurgien-dentiste va clipser la coiffe d'empreinte directement sur le pilier et réaliser une prise d'empreinte suivant les techniques d'empreinte traditionnelles de réalisation des couronnes et des bridges. La coiffe sera prélevée dans l'empreinte. Ensuite, une couronne transitoire est réalisée, à l'aide de la chape provisoire contour, puis scellée. Le patient quitte le cabinet avec sa restauration transitoire en place. Les composants prothétiques préformés peuvent représenter une importante économie de temps pour le laboratoire. La chape calcinable contour est utilisée pour la confection de l'armature de la future couronne prothétique. En général, celle-ci est mise en place dès la deuxième visite de restauration, ce qui peut économiser deux ou trois visites par rapport à la technique conventionnelle en deux temps.
Les piliers Hex-LockTM Contour sont indiqués dans les secteurs antérieurs ou postérieurs, pour les édentements unitaires ou pluraux. Ils sont conçus pour les restaurations scellées et sont disponibles pour les 4 diamètres des implants Tapered Screw-Vent® (3,7 mm, 4,1 mm, 4,7 mm et 6 mm). Il y a 4 diamètres d'implants mais 3 plateformes prothétiques : 3,5 mm pour les implants 3,7 et 4,1 mm ; 4,5 mm pour l'implant 4,7 mm, et 5,7 mm pour l'implant 6 mm. Ces piliers droits ou angulés (17°), en alliage de titane, présentent un contour festonné avec une hauteur plus faible en face vestibulaire qu'en face linguale (fig. 1). Les hauteurs disponibles sont de 1, 2 et 3 mm (face vestibulaire) pour les piliers droits, et de 1 et 2 mm pour les piliers angulés. Les piliers Hex-LockTM Contour présentent des rainures horizontales au sommet pour une meilleure rétention de la coiffe d'empreinte. Pour éviter une rotation de la chape prothétique, le corps du pilier n'est pas cylindrique mais conique et comporte une rainure verticale en face linguale (fig. 2). De plus, ces piliers présentent 3 profils d'émergence (4,5 mm ; 5,5 mm et 6,5 mm).
La concavité apicale du pilier, plus fin à la base, va offrir plus d'espace autour de l'implant pour les tissus mous et stabiliser l'espace biologique [12].
Lors du deuxième temps chirurgical, le choix du pilier Hex-LockTM Contour est facilité par les kits d'essayage autoclavables. Les piliers d'essayage en nylon sont les répliques des piliers Hex-LockTM Contour. Les kits d'essayage vont permettre de prendre en compte les différents paramètres pour déterminer et choisir le pilier le plus approprié. Ce choix va s'effectuer en fonction du diamètre de l'implant et de son angulation, de la hauteur transgingivale et de l'évasement de la future couronne prothétique.
Le premier critère à prendre en compte est le profil d'émergence du futur pilier. Pour faciliter le repérage, un code couleur permet de différencier les 3 profils d'émergence : brun pour un profil de 4,5 mm, rose pour un profil de 5 mm et jaune pour un profil de 6,5 mm (fig. 3).
Le profil d'émergence est fonction du diamètre de l'implant. En effet, les piliers avec un profil d'émergence de 4,5 mm vont s'utiliser sur les implants de 3,7 mm, 4,1 mm et 4,7 mm de diamètre (concept du plateform-switching ). Les piliers avec un profil d'émergence de 5,5 mm vont s'utiliser sur les implants de diamètre 4,7 mm et les piliers avec un profil d'émergence de 6,5 mm vont s'utiliser sur les implants de 6 mm de diamètre.
Le deuxième critère à considérer est l'angulation de l'implant. Le choix d'un pilier angulé à 17° va permettre de rectifier un axe d'implant trop incliné.
Le troisième critère à prendre en compte est la hauteur transgingivale et le biotype parodontal. Le but est d'obtenir une limite du contour festonné en vestibulaire légèrement sous-gingivale ou juxtagingivale (fig. 4 à 6). Selon le type d'incision effectué pour la dénudation de l'implant, le choix sera plus ou moins aisé. L'utilisation d'un bistouri circulaire (dans le cas d'un biotype gingival épais et d'une hauteur de gencive adhérente suffisante) va faciliter la détermination du contour festonnée du pilier par rapport aux tissus mous (fig. 7 à 9).
Le quatrième critère est l'espace disponible entre le sommet du pilier et les dents antagonistes ainsi que l'espace entre les faces proximales du pilier et des dents (fig. 10 et 11). L'espace doit être suffisant pour permettre la réalisation prothétique sans retoucher en hauteur le pilier. En effet, à son sommet, il existe des rainures horizontales pour la rétention de la chape d'empreinte. Toute modification de ces rainures va entraîner l'impossibilité de la clipser.
Après avoir trouvé le pilier d'essayage en nylon le mieux adapté, l'annotation en surimpression correspond à la référence du pilier Hex-LockTM Contour (fig. 12).
Le pilier définitif est alors mis en place et la vis est serrée avec un couple de 30 Ncm. Une radiographie de contrôle permet de vérifier la bonne adaptation sur l'implant.
Une fois le pilier Hex-LockTM Contour vissé définitivement sur l'implant, les tissus gingivaux doivent être protégés en interséances. Deux possibilités se présentent :
- soit le scellement de la coiffe de confort sur le pilier (coiffe transparente) (fig. 13) ;
- soit la réalisation d'une couronne transitoire, en utilisant la chape provisoire (couleur jaune) (fig. 14 et 15). Cette chape permet une précision d'adaptation sur le pilier, limitant ainsi un excès de ciment provisoire (fig. 16 et 17).
L'utilisation d'une couronne transitoire va permettre d'optimiser le résultat esthétique en guidant et en améliorant la forme des tissus mous avant la réalisation de la prothèse définitive (en rectifiant le profil d'émergence et la situation du point de contact pour l'obtention des papilles selon les règles de Tarnow et al. [13]).
La prise d'empreinte va être simplifiée par l'utilisation d'une coiffe d'empreinte en plastique qui se clipse sur le pilier (fig. 18). Celle-ci est dotée du même code couleur que les kits d'essayage et existe en deux versions : une pour le pilier droit et une autre pour le pilier angulé. Ainsi, une fois la couronne transitoire retirée, la coiffe d'empreinte est clipsée sur le pilier. L'empreinte est réalisée avec un porte-empreinte du commerce, en injectant préalablement du matériau à empreinte autour de la coiffe (fig. 19).
Après la prise du matériau, le porte-empreinte est retiré avec la coiffe d'empreinte à l'intérieur, puis l'analogue du pilier est soigneusement positionné dans cette coiffe (fig. 20 et 21).
Cette technique d'empreinte est une solution de remplacement de la technique du repositionnement ou de celle du pick-up. Dans une étude récente, Lee et al . [14] ont évalué la précision des empreintes implantaires. Ainsi, sur 41 articles (publiés de 1980 à 2008) les résultats montrent que dans les situations avec 3 implants ou moins, il n'y a aucune différence entre la technique pick-up et la technique de repositionnement. En revanche, pour 4 implants ou plus, la technique du pick-up semble être plus précise.
Il existe très peu d'articles sur la précision des empreintes utilisant des transferts en plastique clipsés sur les piliers. Les résultats sont très divergents. En effet, Walker et al . [15] ainsi que Akça et al . [16] obtiennent des résultats moins précis qu'avec la technique de repositionnement. Walker et al . [15] annoncent une différence de précision pouvant aller jusqu'à 24 %. En revanche, Burawi et al . [17]ainsi que Lorenzoni et al . [18] affirment que la technique d'empreinte par capuchon en plastique améliore la précision et le repositionnement de l'analogue. Une méta-analyse est impossible entre ces différentes études car les implants, les piliers et les systèmes de capuchon en plastique sont différents. On ne peut en aucun cas extrapoler du résultat qu'on pourrait obtenir avec le protocole One Abutment-One TimeTM sans mener une étude propre à ce système.
Au laboratoire, l'empreinte est coulée afin d'obtenir un modèle de travail qui englobe l'analogue de pilier et qui garde l'enregistrement des tissus mous par l'application d'une fausse gencive (fig. 22 et 23).
Le travail du laboratoire est facilité par l'utilisation d'une chape calcinable contour adaptée au pilier (fig. 24 et 25) et par le travail clinique effectué sur la couronne transitoire déterminant ainsi la forme, le profil d'émergence et la position des points de contact. La chape calcinable contour est utilisée pour la confection de l'armature de la future couronne prothétique. En général, celle-ci est mise en place dès la deuxième visite de restauration, après validation de l'adaptation (radiographie), de la position des points de contact, de l'occlusion, de la forme et de la teinte (fig. 26 à 28).
Le protocole One Abutment-One TimeTM présente de nombreux bénéfices tels :
- le maintien des tissus mous par l'installation en un temps du pilier Hex-LockTM Contour, en évitant ainsi les manipulations répétées des composants prothétiques ;
- la simplification du choix du pilier par les kits d'essayage ;
- la simplification des différentes étapes cliniques et de laboratoire par la présence des codes couleurs sur les différents composants ;
- la diminution du temps au fauteuil et des coûts du laboratoire grâce à la simplicité du protocole et à l'existence de tous les composants facilitant la réalisation de la restauration prothétique (piliers d'essayage, coiffes d'empreinte, chapes provisoires, analogues de pilier, chapes calcinables, coiffes de confort) ;
- une plus grande satisfaction du patient grâce à la couronne transitoire scellée pendant la période de cicatrisation des tissus mous ;
- l'accessibilité aisée à la prothèse sur implant pour des omnipraticiens (pas d'utilisation de tournevis, seulement une coiffe d'empreinte à clipser et une prise d'empreinte traditionnelle).
Cependant, ce protocole est à éviter lorsque l'on doit retoucher le pilier définitif, retouche qui est source de complications et de perte de précision. En effet, toute modification risque d'altérer les rainures de rétention et entraîner l'impossibilité de clipser la chape d'empreinte. Néanmoins, de petites retouches peuvent être apportées au moment de la pose de la couronne définitive en utilisant une chape de correction. Dernièrement, des piliers courts Hex-LockTM Contour ont été spécialement conçus pour les espaces interocclusaux réduits en secteur postérieur et éviter ainsi la retouche des piliers.
Des points sont à améliorer, comme rendre les piliers d'essayage et les coiffes d'empreinte radio-opaques, pour contrôler l'adaptation de ces composants. En effet, seuls les contrôles tactiles et parfois sonores (« clic ») sont possibles.
De même, la chape provisoire et la coiffe de confort ne se clipsent pas sur le pilier et nécessitent un ciment de scellement qui peut irriter la gencive marginale.
Des études complémentaires devront être entreprises pour vérifier la précision de ce type d'empreinte avant de pouvoir affirmer que l'on peut appliquer ce protocole dans tous les cas d'édentement plural.
Le concept One Abutment-One TimeTM est un concept complet qui permet de respecter les tissus mous, de simplifier les étapes cliniques et de laboratoire tout en maîtrisant le temps et le coût. C'est une technique adaptée à la restauration unitaire ; toutefois des études complémentaires sur la précision de ce type d'empreinte sont nécessaires avant d'étendre ce protocole à toutes les situations cliniques d'édentement, protocole qui peut contribuer à la préservation osseuse péri-implantaire et garantir des résultats esthétiques et fonctionnels stables.
Une version courte de cet article est parue dans notre numéro spécial Zimmer Dental (Clinic, septembre 2009).