Transmission du patrimoine
Patrimoine
NOTAIRE
L’organisation de la transmission familiale du patrimoine du chef d’entreprise libérale s’organise via une donation ou une donation-partage. Les aspects juridiques et fiscaux de ces opérations méritent d’être explicités.
La donation est un acte grave, tant pour le donateur qui se dessaisit irrévocablement que pour le donataire qui doit un rapport à ses cohéritiers en cas de donation simple. Seule une donation-partage organisera une véritable transmission anticipée.
L’imperfection de la donation simple atteint son paroxysme avec le don manuel qui, dans les faits, ne s’exprime que par un chèque ou un virement.
Vous pouvez donner à vos enfants des sommes d’argent en ne remplissant qu’un simple imprimé disponible auprès de l’administration fiscale. Mais attention aux risques. Pourquoi déclarer le don manuel et pourquoi préférer avoir recours à un acte authentique, c’est-à-dire à un notaire, plutôt qu’à l’imprimé fiscal ?
D’abord pour une question de qualification : la remise d’un chèque, ou un virement, peut être un prêt, un don, l’œuvre d’un mandataire ou un dépôt. L’imprimé fiscal de déclaration signé uniquement par le donataire n’a pas de valeur juridique. Rien n’indique donc qu’il s’agit d’une donation.
Si le donateur est marié en communauté (article 1422 du Code civil), la donation doit être autorisée par les deux époux et aucune preuve du respect de cette règle ne pourra résulter du don manuel. Plus grave : lorsque vous donnez de l’argent à vos enfants, vous souhaitez peut-être, et par précaution, que seuls vos enfants en soient propriétaires, mais pas leur conjoint. Or, si le donataire est marié sous le régime de la communauté (article 1421 du Code civil), les fonds sont présumés communs sauf à faire la preuve d’une donation pour établir le caractère propre des fonds.
Le don manuel, comme toute donation, est soumis au rapport revalorisé. Qu’est-ce que cela veut dire ? Tout simplement qu’une fois que le don manuel est effectué ou que la donation simple est signée, tout ne s’arrête pas là. Ces sommes transmises devront être réintégrées dans la succession du donateur et le donataire, qui aura bien fait fructifier son don, devra une indemnité à ceux qui n’ont pas reçu de don ou qui ont reçu le même mais qui ne l’ont pas aussi bien géré. Le donateur, inconscient de ce risque au moment de la donation ou du don manuel, génère ainsi sans le vouloir un grave déséquilibre entre ses enfants et ouvre la voie à des mésententes entre les héritiers.
On entend également dire que, fiscalement, le don manuel échappe à toute taxation car « cela ne se verra pas »… Or, la fiscalité du don manuel ne recèle pas de meilleure surprise puisqu’il doit être déclaré au plus tard lors de la succession du donateur. Son omission se prescrit par 10 ans, mais à compter seulement du décès du donateur…
Enfin, on pense faire des économies en évitant les frais d’un acte notarié, mais c’est une vision à court terme. En effet, lorsqu’on déclare le don manuel pour recomposer l’abattement (qui vient d’être ramené à 100 000 € par parent et par enfant tous les 15 ans), la réintégration du don dans une donation-partage ultérieure entraînera la perception d’un droit de partage qui a été relevé à 2,5 % sur les sommes ainsi réintégrées. L’addition est alors bien plus salée qu’elle ne l’aurait été avec une donation-partage.
Le véritable outil de transmission du patrimoine est donc la donation-partage, qui est une anticipation du partage successoral. Cet instrument très complet permet au donateur de transmettre en conservant des revenus, des pouvoirs, en réincorporant d’anciennes donations, avec éventuellement changement d’attribution, à des donataires rassurés par la dispense de rapport.
À la donation-partage sont attachés deux attributs essentiels :
– tout d’abord, la dispense de rapport (et ses inconvénients évoqués ci-dessus pour les dons manuels et les donations simples) car elle a consacré un partage, définitivement. On ne reviendra pas dessus. Cet objectif suppose qu’il existe un véritable partage entre deux au moins des descendants en ligne directe et au degré successible (ou leur représentant). Si le partage est inégalitaire, ce qui est possible, il emporte les effets d’un préciput puisque l’enfant sous-alloti ne pourra remettre en cause la donation-partage que s’il n’a pas sa part de réserve avec son lot et les biens existants ;
– ensuite, la maîtrise du risque de réduction grâce à l’évaluation figée au jour de la donation-partage.
Cet objectif supposera que tous les descendants ou leurs représentants aient participé à la donation-partage et qu’il n’y ait pas de réserve d’usufruit sur une somme d’argent.
Les questions relatives aux droits d’enregistrement et aux plus-values ayant été traitées, un seul aspect sera abordé, celui des avantages fiscaux générés par la signature d’un pacte Dutreil. Cela concerne non seulement les sociétés (à condition qu’elles aient une activité professionnelle commerciale, libérale, agricole ou artisanale) mais aussi les entreprises individuelles.
Cumulable avec tous les avantages généraux, l’engagement de conservation de titres se matérialise (sauf engagement réputé acquis) par la signature de ce qu’on appelle un pacte Dutreil.
En cas de transmission à titre gratuit, en pleine propriété (ou en nue-propriété à la condition que les droits de vote de l’usufruitier soient statutairement limités aux décisions concernant l’affectation des bénéfices), de titres de sociétés ou d’une entreprise individuelle (toute activité sauf holding purement financière), la valeur des titres soumis est réduite de 75 % aux conditions suivantes :
– le défunt ou le donateur a pris, préalablement à la transmission, pour lui et ses ayant droits, un engagement collectif avec d’autres associés sur 34 % des titres, d’une durée de 2 ans minimum, de conservation des titres qui devra être en cours de validité au jour de la transmission ;
– lors de la donation, chacun des donataires ou héritiers prend un engagement individuel de conserver les titres pendant une durée de 4 années à compter de la fin de l’engagement collectif, soit 6 ans au total, et l’un des signataires du pacte s’engage à exercer une fonction dirigeante pendant les 3 ans suivant la transmission.
La réduction de 50 % des droits sur les donations en pleine propriété a été maintenue pour les transmissions d’entreprises via un pacte Dutreil. Ces avantages se cumulent également avec le paiement fractionné et différé des droits.