CHIRURGIE PRÉIMPLANTAIRE
Dr Jean-Louis ROCHE* Dr Antony BEYRAND**
*167 promenade des Flots-Bleus
06700 Saint-Laurent-du-Var
Cet article a pour but de montrer les résultats obtenus par l’utilisation d’un matériau synthétique dans les comblements sinusiens. Il s’agit d’un cas clinique utilisant une nouvelle préparation de phosphate tricalcique (β-TCP) d’hydroxyapatite (HA) et de collagène : le Matri™BONE.
Ce matériau, original dans sa formulation, apporte également une réponse à la problématique éthique des allogreffes de xénogreffes.
De nombreuses solutions thérapeutiques sont disponibles pour réaliser un comblement osseux. Même si les autogreffes, voire les allogreffes, apparaissent comme une solution performante de substitution osseuse, leurs inconvénients ont poussé les scientifiques à étudier d’autres matériaux, synthétiques ou naturels, ouvrant des perspectives nouvelles aux cliniciens.
Les phosphates tricalciques et les apatites ont trouvé ainsi leur application dans différentes spécialités chirurgicales.
Le Matri™BONE (biom’up), est un de ces produits, rassemblant phosphate tricalcique, hydroxyapatite et matrice de collagène. Le collagène est extrait et purifié à partir de tissus porcins. Il bénéficie d’une étape d’inactivation virale et bactérienne validée. Il présente une galénique originale et une activité qui facilite l’adhésion et la croissance cellulaire tout en conservant la cohésion du matériau final [1].
L’utilisation d’un matériau synthétique plutôt qu’une autogreffe ou une allogreffe a montré son efficacité.
Le patient est à la fois le donneur et le receveur. Par la présence de cellules ostéoblastiques, l’os autogène est un matériau ostéo-inducteur. Cependant, il présente de nombreux inconvénients :
• durée importante du temps opératoire et nécessité de deux sites opératoires ;
• douleurs résiduelles après implantation ;
• disponibilité limitée des sites donneurs ;
• morbidité importante sur le site de prélèvement.
Ainsi, le pourcentage de complications associées à l’utilisation d’une autogreffe est compris entre 8,5 et 20 %.
Le donneur et le receveur sont différents mais de la même espèce biologique. Les allogreffes proviennent de banques d’os, en grandes quantités, mais présentent néanmoins d’importants inconvénients :
• risques de contamination virale (hépatite, VIH) ;
• retard du remodelage osseux par l’hôte.
Les substituts osseux permettent de remplacer les greffes osseuses naturelles pour le comblement osseux avec, pour avantages majeurs, l’absence de morbidité et de problème de disponibilité. Les biocéramiques permettent également un meilleur contrôle de la résorption et de la substitution pour l’os néoformé [2].
On distingue les substituts d’origine bovine et ceux d’origine corallienne. Ces biomatériaux présentent la macroporosité conservée de leur matériel d’origine. Si les substituts osseux d’origine naturelle montrent une certaine efficacité, la possibilité de transmission infectieuse (origine bovine) ou des performances non optimales (origine corallienne) ont guidé les chercheurs vers un biomatériau d’origine synthétique.
Les substituts osseux d’origine synthétique, que nous allons présenter dans cet article, permettent d’apporter des réponses aux problèmes posés par les solutions décrites précédemment.
Les céramiques de phosphate de calcium sont de plus en plus utilisées du fait de leur sécurité microbiologique, de leur efficacité, de leur grande disponibilité ainsi que de l’absence de morbidité liée à leur utilisation [3, 4].
Les substituts osseux d’origine synthétique actuellement disponibles sont les céramiques de phosphate de calcium et, notamment, l’hydroxyapatite (HA), le β-tricalcium de phosphate (β-TCP) et le biphasic calcium phosphate (BCP), un biomatériau composé de ces deux céramiques.
Le Matri™BONE (biom’up, France) est une matrice minéralisée, composée de collagène de type I + III porcin et de substitut osseux synthétique, mélange d’HA et de ™-TCP [5, 6].
L’épaisseur du produit testé est d’environ 6 mm. Il a été conçu pour permettre la régénération osseuse dans le cas de défauts osseux de faibles volumes.
Dans le cas de l’étude actuelle, le substitut osseux présente un rapport HA/TCP de 60/40 et une granulométrie de 0,5 à 1 mm. La proportion massique du substitut osseux et du collagène est de 90/10.
Grâce à la matrice collagénique, on obtient une éponge facile à manipuler évitant l’effritement du substitut osseux sous forme sèche ou humide (fig. 1).
Le substitut biphasique (BCP) est un mélange d’hydroxyapatite et de β-TCP synthétique.
Il permet d’associer la stabilité de l’hydroxyapatite (support d’adhésion pour les ostéoblastes) et la résorption du tricalcium de phosphate (libération d’ions) [7].
Le produit est constitué de macropores qui servent à guider les cellules en profondeur de l’implant (ostéoconduction), la présence de collagène exerce également un chimiotactisme sur les cellules et assure leur support. Les ostéoblastes ayant colonisé le matériau vont métaboliser le collagène et le substitut osseux et former à la place un tissu osseux différencié. L’os néoformé subit rapidement un remodelage osseux.
Il est important de contrôler le processus de résorption/substitution osseuse, nécessaire à un véritable substitut osseux.
Le substitut biphasique, par son mélange hydroxyapatite et β-TCP équilibré ainsi que sa structure micro-macroporeuse, permet cette cinétique.
Les phénomènes de dissolution des cristaux (essentiellement le tricalcium de phosphate) provoquent la libération d’ions dans les fluides biologiques. Cette saturation en ions conduit à une précipitation cristalline (produite en présence des propres protéines du patient) constituée de cristaux d’apatite biologique identiques aux cristaux d’os.
Cette précipitation à court terme permet d’augmenter les propriétés mécaniques initiales et constitue désormais la nouvelle interface avec les cellules et les tissus [8-10].
La présence de collagène permet d’assurer une hémostase au moment de la pose du produit et fournit aux cellules une architecture dans laquelle elles peuvent migrer afin de coloniser tout le matériau. La dégradation du collagène libère des acides aminés, source nutritive pour les cellules.
L’afflux de sang dans la matrice permet la colonisation du matériau par des cellules et des facteurs de croissance, éléments précurseurs de la régénération osseuse.
L’utilisation d’un substitut osseux synthétique tel que le Matri™BONE peut être indiqué dans les cas de :
• comblement partiel sinusien ;
• greffe d’apposition osseuse ;
• petits comblements.
Dans le cas présent, ce patient, habitant la Suisse, demande l’utilisation d’un matériau de comblement synthétique ainsi que la pose d’un implant non métallique : implant monobloc zircone (Z-System) (fig. 2).
L’accès chirurgical se fait de façon classique par volet osseux latéral (Caldwell-Luc) (fig. 3).
La muqueuse sinusienne est réclinée et une « membrane » de PRF (platelet rich fibrine) biom’up est placée à sa surface afin de la protéger des particules de TCP-HA (fig. 4).
Une plaquette de Matri™BONE est choisie, elle sera réhydratée par le sang du patient et découpée en bandelettes pour faciliter sa manipulation (fig. 5 et 6).
On constate que le Matri™BONE, bien que réhydraté, conserve au sein de sa matrice collagénique une très bonne cohésion des particules de TCP-HA, ce qui permet de le manipuler très facilement et de le fouler dans la cavité sinusienne (fig. 7 et 8). Cette particularité différencie, de façon très positive, le Matri™BONE des autres produits similaires, conditionnés en seringue ou en cupule avec granules en vrac.
Une membrane de collagène (Covamax, biom’up) est ensuite posée en fermeture de volet latéral et les sutures sont réalisées (fig. 9 et 10).
Dès l’implantation, la présence d’hydroxyapatite et de tricalcium de phosphate fournit respectivement l’architecture et l’apport en ions nécessaire à la minéralisation du tissu aux ostéoblastes.
Le biomatériau, dit bioactif, entre en contact avec les cellules et les tissus du site osseux implantés. Les interactions entre le matériau et les cellules se produisent au sein de ses macropores, dont la taille doit être contrôlée, et la céramique commence alors sa dégradation.
La dégradation des substituts osseux est de deux types : intracellulaire ou extracellulaire.
Le collagène est complètement résorbé au bout de 1 mois alors que le substitut osseux persiste et permet un remodelage osseux en 3 à 6 mois en fonction de l’indication et de la qualité du tissu osseux.
Le comblement semble, à la radiographie, dense et homogène (fig. 11 et 12). La radiodensité est due à la présence d’hydroxyapatite au sein du remaniement.
Les résultats des prélèvements osseux obtenus par carottage lors de la pose des implants sont les suivants (fig. 13) :
• les fragments d’hydroxyapatite résiduels sont visibles en violet ;
• les points noirs sont caractéristiques des canaux de Havers ;
• la coupe montre une forte densité cellulaire témoignant d’une bonne activité cellulaire, sans toxicité du matériau, et un os en remodelage ;
• l’os semble plus dense que la normale ; cela peut être dû à la forte présence d’ostéocytes qui jouent un rôle majeur dans la formation de l’os.
Le traitement d’une perte osseuse par greffe osseuse est encore aujourd’hui la stratégie thérapeutique la plus utilisée. Cependant, les nombreux inconvénients liés à son utilisation, avec notamment une morbidité importante du site de prélèvement et la possibilité de transmission infectieuse, ont motivé les cliniciens à chercher de nouveaux matériaux de substitution osseuse.
Les substituts osseux synthétiques présentent des propriétés intéressantes pour le comblement de perte osseuse car ils sont ostéoconducteurs, bioactifs, biocompatibles et biorésorbables. Ils sont de plus en plus utilisés en chirurgie orthopédique et dentaire du fait de leur quantité illimitée et de leur structure malléable et adaptable à la perte de substance. De plus, ils évitent le prélèvement d’une greffe ce qui réduit le temps opératoire, la morbidité et les complications éventuelles.
Les matériaux synthétiques, par leur originalité, répondent donc à de multiples indications.
En outre, dans le cas présenté ici, l’utilisation du Matri™BONE, dans sa présentation originale, a permis une bonne manipulation du produit, sans effritement, ainsi que l’obtention d’une bonne hémostase ; le temps opératoire en a été accéléré (fig. 14).
D’après les résultats de l’étude et des prélèvements osseux, nous pouvons dire que le Matri™BONE, dans sa formule actuelle, permet une bonne repousse osseuse avec, très rapidement, une densité suffisante pour le soutien des implants dentaires (fig. 15 et 16).
TESTEZ VOS CONNAISSANCES SUITE À LA LECTURE DE CET ARTICLE EN RÉPONDANT AUX QUESTIONS SUIVANTES :
1 Les biocéramiques permettent un meilleur contrôle de la résorption et de la substitution pour l’os néoformé ?
a. Vrai
b. Faux
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