En dépit de la forte concurrence des GMS* sur le marché de l’hygiène bucco-dentaire, les pharmacies tirent leur épingle du jeu, notamment grâce aux prescriptions. Les ventes de bains de bouche quotidiens, de produits contre l’halitose, les gingivites ou les dents sensibles progressent. État des lieux.
« Au fil des années, on observe une croissance du budget consacré à l’achat de produits d’hygiène bucco-dentaire. Le nombre de tubes de pâte dentifrice et de brosses à dents augmente. Cela est lié aux efforts de la profession dans le cadre de l’éducation thérapeutique pratiquée quotidiennement dans nos cabinets dentaires, mais aussi aux campagnes collectives de prévention, notamment auprès des 6 à 18 ans », analyse-t-on à l’Union des jeunes chirurgiens-dentistes (UJCD). Dans ce contexte porteur, les catégories phares du marché bucco-dentaire en pharmacie montrent toujours des signes de croissance. Le segment des dentifrices progresse ainsi de 1 % en valeur (97,5 millions d’euros) et de 0,3 % en volume avec 22,5 millions d’unités vendues1. Il est boosté par Fluocaril® (Procter & Gamble) qui domine tous segments confondus avec 22,9 % de part de marché en valeur (+ 1 %), selon Nielsen en juin 2012. Sa référence phare, Fluocaril® bi-fluoré 250 mg, représente à elle seule 15,5 % de part de marché en valeur en pharmacie.
Même si les références cosmétiques ont réussi à se faire une place dans les rayons des officines – les dentifrices blancheur représentent en effet 9,9 % de part de marché en valeur et 8,7 % en volume2 –, le marché bucco-dentaire en pharmacie répond à une demande de soin. En tête, les dentifrices contre les gingivites et les dents sensibles qui pèsent 53,1 % de part de marché en valeur et 52,1 % en volume, loin devant ceux liés à la prévention (22,8 % en volume et 24,9 % en valeur). Les dentifrices pour enfants totalisent 7,1 % des ventes en valeur, les références homéopathiques 3,7 %. Côté marques, Fluocaril® dispose d’une référence « Dents Sensibles » alors que la protection des gencives est confiée à Parogencyl® Prévention gencives. GSK Santé Grand Public compte 4 références de la gamme Sensodyne® Pro : Répare & Protège, Rapide, Soin Complet et Traitement Sensibilité. Elmex® (laboratoires Gaba) répond aux problèmes d’hypersensibilité occasionnelle avec Elmex Sensitive® et Méridol® prend en charge les thématiques de gencives fragiles et de formation de plaque dentaire avec Méridol® Protection Gencives. De son côté, Pierre Fabre affiche plusieurs références : le gel dentifrice fluoré Arthrodont® Protect, la pâte médicale gingivale Arthrodont®, le dentifrice Elgydium® Dents sensibles et le dentifrice Nutri-Émail®.
Soixante-dix pour cent des ventes de bains de bouche sont réalisées en pharmacie, contre seulement 30 % en GMS. Le segment total représente 31 millions d’unités vendues pour un chiffre d’affaires de 112 millions d’euros1.
Ce sont bien évidemment les médicaments remboursés avec autorisation de mise sur le marché (AMM) et les traitements OTC (over the counter, ou automédication) avec AMM qui réalisent l’essentiel de l’activité en officine, soutenus par la prescription médicale. Ces références, qui représentent plus de 85 % des ventes en valeur, répondent au premier motif de demande du public, à savoir la prise en charge des maux de la bouche. Pour autant, le segment des traitements est en repli (- 4,2 % en valeur). « Il faut chercher la croissance du côté des formules à usage quotidien, qui progressent de 3,8 % », observe Claire Viano, chef de produit Listerine® chez Johnson & Johnson. Leader des bains de bouche à usage quotidien en pharmacie avec 40,4 % de part de marché en valeur (+ 16 %) devant Méridol (19,5 %) et Elmex® (14,2 %), Listerine® a lancé fin 2011, uniquement en officine, Listerine® Zéro. Cette référence, au goût moins intense que les autres et sans alcool, utilisable dès 6 ans, a complété une gamme composée de 5 solutions dentaires aux différents usages : Total Care, Stay White, Coolmint, Protection Dents et Gencives, Total Care Protection Émail.
Le segment des bains de bouche reste dynamique, notamment grâce à la présence de nombreux acteurs : Fluocaril® avec son bain de bouche bi-fluoré qui vise l’haleine fraîche, la prévention du tartre et la reminéralisation de l’émail ; Elgydium® avec sa solution fluorée Protection émail contre les caries et la sensibilité dentaire. De son côté, Elmex® (Gaba) s’attaque à la protection contre les caries (Elmex® Protection Caries), aux collets dénudés et à l’hypersensibilité dentinaire (Elmex® Sensitive) ainsi qu’à l’érosion dentaire (Elmex® Protection Érosion) alors que Méridol® (Gaba) cible les problèmes de gencives et l’halitose avec les bains de bouche Méridol® Protection Gencives et Méridol® Halitosis. Éludril® (Laboratoires Pierre Fabre Santé) reste, quant à lui, leader sur le marché des bains de bouche traitants, en traitement local d’appoint des affections de la cavité buccale. Eludril (Laboratoires Pierre Fabre Santé), reste, quant à lui, leader sur le marché des bains de bouche traitants, en traitement local d’appoint des affections de la cavité buccale, devançant Hextril (Johnson& Johnson) et Paroex (Gum).
Le segment doit aussi son dynamisme aux lancements. Par exemple, GSK vient de sortir son bain de bouche à usage quotidien, Parodontax® sans alcool, destiné à lutter contre la plaque dentaire.
Chez GUM, l’offre est désormais déclinée par indication. Le laboratoire propose ainsi 5 bains de bouche spécifiques sans alcool : Gingidex® pour les gencives sensibles ; Original White® pour la blancheur ; SensiVital® contre l’hypersensibilité ; HaliControl® pour lutter contre l’halitose et GUM Ortho® qui allie action antibactérienne et reminéralisation supérieure dans les zones difficiles à atteindre.
Voilà un problème qui reste encore tabou. Qu’elle soit d’origine physiologique ou pathologique, la mauvaise haleine peut se soigner, entre autres, avec des bains de bouche. Sunstar se positionne sur ce segment avec sa gamme GUM HaliControl®. Elle comprend 4 références au goût mentholé qui peuvent s’utiliser quotidiennement : un bain de bouche sans alcool, un gel dentifrice, un gratte-langue et des pastilles sans sucre. « Au départ, tous les dentifrices revendiquaient la fraîcheur. Avec GUM HaliControl®, nous avons développé un positionnement pathologique pour répondre à une vraie problématique et agir sur les sulfurés », note Nathalie Guillaume, responsable marketing Sunstar. Le pharmacien peut aussi proposer à ses clients la gamme Méridol® Halitosis de Gaba (bain de bouche, dentifrice, gratte-langue et brosse à dents). Le bain de bouche offre une solution efficace contre les problèmes d’halitose grâce à l’association fluorure d’étain/fluorure d’amines olafluor, qui ralentit le métabolisme des bactéries responsables de la mauvaise haleine, au lactate de zinc, qui neutralise les composés sulfurés volatils, et aux inhibiteurs de composés malodorants, qui empêchent la production de ces composés sulfurés volatils. Produit innovant, il peut s’employer au long cours car il ne contient pas de chlorhexidine ni d’alcool. De leur côté, les laboratoires Pierre Fabre lancent une nouvelle forme galénique d’Alibi, marque leader sur ce segment avec 50 % de part de marché : Alibi Flash Feuillets orodispersibles, complémentaires des pastilles et du spray Alibi. Ricqlès (laboratoires Super Diet) s’attaque au problème avec, entre autres, son dentifrice Haleine Pure Extra Fraîche. Enfin, Omega Pharma investit le marché avec CB12, une solution buccale neutralisant et bloquant les substances à l’origine de la mauvaise haleine.
Beaucoup de références bucco-dentaires spécifiques sont prescrites par les chirurgiens-dentistes. Du coup, les marques mettent en place des équipes de vente pour toucher également cette cible. Si Fluocaril compte une équipe d’une quinzaine de personnes, Pierre Fabre Santé dispose du plus gros réseau de visiteurs dentaires (une quarantaine de personnes). « Arthrodont® est le produit le plus prescrit par les chirurgiens-dentistes et les médecins généralistes, souligne Frédérique Dehainault, chef de groupe France Pierre Fabre Santé. C’est le traitement de référence pour les problèmes de gencives. Il peut également être conseillé aux patients diabétiques et aux patients cardiaques qui peuvent présenter des problèmes de gencives, des interactions ayant été montrées entre les maladies parodontales et ces maladies systémiques. C’est pour cela que l’on visite aussi les généralistes. »
En tant que spécialiste du bain de bouche, Listerine a renforcé ses actions de communication scientifique vers les professionnels de santé à travers les visites dans les cabinets dentaires, la formation des étudiants en dentaire ou encore sa présence lors des congrès.
Enquête écrite en collaboration avec Pharmacien Manager.
1 IMS, CAM juin 2012.
2 Source : Ospharm, CAM mai 2012.
3 Nielsen, CAM juillet 2012.
* Grandes et moyennes surfaces
À côté des grands leaders du secteur, les consommateurs peuvent trouver, dans les officines des groupements PlusPharmacie (enseignes PharmaVie et Familyprix) et Pharmodel Group, une offre de marques propres plutôt intéressante. Lancée en novembre 2011, la gamme B.Concept hygiène bucco-dentaire de PlusPharmacie compte 8 produits (3 brosses à dents, 3 dentifrices et 2 solutions dentaires) auxquelles vont s’ajouter 4 nouvelles références en octobre : 1 brosse à dents enfant 3-6 ans clignotante, 1 brosse à dents junior 7 ans et plus, 1 dentifrice enfant 3-6 ans enrichi en calcium, fluor, provitamine B5 et sans paraben, et 1 dentifrice junior 7 ans et plus enrichi en calcium, fluor, vitamine E et sans paraben.
Objectif : augmenter le trafic dans le point de vente et proposer une offre de qualité à prix attractifs aux consommateurs. Pour aller chercher des consommateurs hors pharmacie, Pharmodel Group a une recette : une gamme courte (4 brosses à dents et 2 dentifrices) sur les catégories phares du segment (gencives sensibles et protection caries), qui constituent 65 % des ventes. Les 750 officines Pharmodel devraient proposer la nouvelle gamme d’ici à 12 mois. Un bain de bouche complétera l’offre dans 2 mois et 3 autres références début 2013 « pour entrer dans le top 5 des sorties consommateurs des officines affiliées ».
Depuis plusieurs années, le marché bucco-dentaire en GMS est en croissance. La raison ? Le dynamisme du segment des dentifrices, dominé par Signal, Colgate, Sensodyne et Aquafresh, qui a enregistré une hausse en valeur de 3,6 % en 2010, de 5,3 % en 2011 et de 1,4 % pour les 8 premiers mois de l’année 2012. Selon SymphonyIRI2, les dentifrices pèsent 389 millions d’euros de chiffre d’affaires (+ 3,9 %) pour 200 millions d’unités vendues (+ 2,1 %). La catégorie a bénéficié de l’activité soutenue des marques qui se sont montrées très innovantes, notamment au niveau de l’offre thérapeutique (Sensodyne, Sanogyl, Vademecum, Tonigencyl…) qui a progressé, en valeur, de 10,4 %3 et de 9,9 % en cumul annuel de juin à juillet 2012. Leur atout : un plus pour le consommateur (reminéralisation, blancheur, dents sensibles, soin gencives…). Les ventes en valeur des dentifrices à promesse cosmétique (en majorité des références blancheur) gagnent de leur côté 3,9 % (+ 0,8 % en volume), l’attente de blancheur demeurant la première du marché devant la sensibilité dentaire. De la croissance également du côté des bains de bouche, avec + 23,4 % en valeur (46,6 millions d’euros) et + 18,3 % en volume avec 11 millions d’unités vendues2. Une évolution à deux chiffres que l’on retrouve depuis le lancement de Listerine (Johnson & Johnson) en GMS fin 2009, qui a largement communiqué sur ce geste essentiel à une bonne hygiène bucco-dentaire. Avec 34,6 % de part de marché, la marque est quasiment coleader du marché avec Plax de Colgate (36,6 %).
• QUELS PRODUITS PRESCRIVEZ-VOUS ?
D’abord des médicaments. Les principes actifs appartiennent essentiellement aux familles des antalgiques, des antibiotiques, des anti-inflammatoires et des médicaments du système nerveux central (pour l’essentiel des régulateurs d’humeurs), des bains de bouche et, enfin, des pâtes gingivales pour traiter les aphtoses. Les praticiens prescrivent ensuite des recommandations en matière d’hygiène bucco-dentaire : toutes les familles liées au brossage et au port d’appareils amovibles.
• L’OFFRE EN PHARMACIE CORRESPOND-ELLE À VOS ATTENTES ?
Globalement, l’équipe constituée par le chirurgien-dentiste et le pharmacien est un tandem qui fonctionne bien. La plupart des praticiens connaissent bien les pharmaciens qui délivrent leurs prescriptions et ils enrichissent souvent leur pratique au travers de dialogues confraternels. Le pharmacien peut ainsi adapter son offre et la gestion de son stock en fonction de la prescription et des conseils thérapeutiques ou des conseils en matière d’hygiène bucco-dentaire des chirurgiens-dentistes avec lesquels il travaille.
• QUELS ARGUMENTS ORIENTERONT LE PRATICIEN VERS UN PRODUIT ?
La relation visiteur médical-praticien est complexe. Le premier a un rôle marketing qui va au-delà de la relation de confiance qu’il doit établir avec le praticien pour faire passer son message. Le second a des habitudes thérapeutiques et s’il écoute le visiteur avec attention, souvent il n’est pas dupe du discours qu’on lui propose et ne croit pas au « produit miracle » même s’il feint d’y adhérer ! Au-delà de cette image d’Épinal, il n’en reste pas moins que le visiteur du laboratoire délivre une information au praticien qui peut parfois déclencher une réflexion et profiter à sa pratique. La plupart du temps cependant, c’est une information multicanal qui va opérer cette mutation (formation continue, dialogue avec des confrères, revues de littérature médicale…).