Pas à pas
Olivier ÉTIENNE* Étienne WALTMANN** René SERFATY***
*PhD, DDS, MCU-PH, Prothèse
Faculté dentaire
1, place de l’Hôpital
67000 Strasbourg
**PhD, DDS, MCU-PH, Prothèse
Faculté dentaire
1, place de l’Hôpital
67000 Strasbourg
***PhD, DDS, MCU-PH, Odontologie restauratrice
Faculté dentaire
1, place de l’Hôpital
67000 Strasbourg
La fermeture du puits d’accès en prothèse supra-implantaire transvissée doit répondre à des impératifs d’étanchéité mais aussi de rendu esthétique. Sur un plan fonctionnel, cette obturation doit empêcher la pénétration bactérienne vers la profondeur et stabiliser durablement tout contact occlusal à son niveau. Le recours à une armature en zircone dans les constructions plurales transvissées permet d’obtenir à la fois le résultat esthétique souhaité et l’étanchéité bactériologique attendue. De tels objectifs peuvent être atteints à condition de bien analyser les matériaux en présence et d’optimiser leurs interactions grâce à une préparation adéquate des interfaces en jeu. Le but de cet article est de proposer une procédure clinique simple, codifiée et reproductible, permettant d’obtenir un résultat esthétique et fonctionnel.
Le choix d’une restauration scellée ou transvissée en prothèse supra-implantaire est dépendant de nombreux facteurs mécaniques et cliniques [1-3]. En faveur de l’option transvissée, citons la possibilité de réintervention et l’absence de débris de scellement dans la zone péri-implantaire. Pourtant, cette décision repose souvent sur des habitudes cliniques, des concepts « d’écoles » ou sur des a priori, comme le moindre résultat esthétique de la solution transvissée par rapport à la solution scellée [4, 5]. Cette préoccupation était largement justifiée pour les restaurations transvissées de type céramo-métalliques où l’aspect grisé du métal pouvait rendre les issues de puits particulièrement inesthétiques (fig. 1 et 2). Seules quelques propositions, destinées à améliorer ce résultat esthétique et fondées soit sur l’utilisation d’une couche opacifiante (opaqueur) [5] soit sur l’utilisation de composites de stratification en masse dentine opaque [6], ont été publiées. Malheureusement, ces solutions ne règlent que partiellement le problème. En effet, Kim et al. [7] ont montré que pour cacher une surface métallique, une épaisseur de 1 à 2 mm de composite opaque est nécessaire. Ainsi, la seule option envisageable face à une armature transvissée métallique réside dans l’augmentation de l’épaisseur de la céramique aux dépens de l’armature sous-jacente. Cette solution engendre évidemment des contraintes mécaniques et un risque de fracture de la céramique plus important.
Les armatures transvissées en zircone ont été proposées dès 2002 (Procera Zirconia, Nobel Biocare) à la place des alliages métalliques habituels. Elles sont aujourd’hui disponibles pour des pièces prothétiques unitaires ou plurales. Leur précision d’adaptation à l’implant semble particulièrement bonne, voire meilleure que celle observée dans les assemblages titane-titane [8].
Cette armature en zircone est secondairement recouverte d’une céramique cosmétique, feldspathique ou synthétique, créant ainsi un puits d’accès à travers une double couche de matériaux (fig. 3). Les propriétés spécifiques de chacun de ces matériaux imposent une séquence de temps cliniques bien définis qui doit être respectée afin d’assurer le cahier des charges fonctionnel et esthétique.
Parmi les étapes cliniques préalables, celle de la validation de la passivité de l’armature transvissée est un prérequis indispensable sous peine d’introduire des contraintes mécaniques néfastes lors du torque final (fig. 4 et 5). Cette passivité garantit à la fois un meilleur comportement mécanique des vis dans le temps et l’absence de contraintes supplémentaires entre la zircone et la céramique de stratification.
Lors du rendez-vous suivant, les réglages occlusaux et proximaux sont réalisés dans un premier temps avant de positionner la restauration et de la transvisser manuellement. À ce stade, un délai de quelques semaines peut être indiqué afin de valider le bon comportement immédiat et la bonne intégration du bridge. Une obturation temporaire à l’aide d’une résine modifiée de type Telio CS Inlay/Onlay (Ivoclar Vivadent) est alors suffisante.
Après ce délai de validation, la séance de fermeture à long terme des puits d’accès peut être envisagée. Elle suit une procédure standardisée reposant sur l’analyse et l’exploitation des matériaux en présence (fig. 6).
En premier lieu, la restauration doit être démontée et contrôlée. Hors de la bouche, un acide fluorhydrique est utilisé dans la partie supérieure du puits correspondant à la céramique feldspathique de surface. Cette procédure de préparation est largement utilisée et documentée dans les procédés de collage des vitrocéramiques [9, 10]. L’acide fluorhydrique mordance la composante vitreuse de la céramique (fig. 7) et permet ainsi d’obtenir un ancrage micromécanique à ce niveau. Il est sans effet sur la zircone sous-jacente. Le temps d’application recommandé pour les céramiques feldspathiques est de 2 minutes [11], après lesquelles le gel de mordançage doit être rincé soigneusement puis séché. La neutralisation de la surface à l’aide d’une solution de bicarbonate, autrefois conseillée, ne semble plus nécessaire [12].
Une fois mordancé, le bridge est repositionné et les vis définitives peuvent être serrées à la clef dynamométrique, au torque recommandé (fig. 8). La tête de vis est ensuite recouverte d’une petite boulette de coton ou de téflon compactée, permettant un démontage si nécessaire dans le futur. Le compactage du coton ou de teflon est important car il ne doit pas constituer une source d’enfoncement des matériaux sus-jacents dans le temps. Une couche de résine de temporisation de type Telio CS Inlay/Onlay recouvre cette boulette compacte et est polymérisée (fig. 9). Ce matériau peut lui aussi être déposé aisément si besoin, à l’aide d’une curette, sans risque d’altérer la tête de vis ou la zircone périphérique. À ce stade, la céramique mordancée préalablement doit être nettoyée des contaminations qu’elle a subies. Pour cela, un mordançage simple à l’acide orthophosphorique pendant 30 secondes est suffisant (fig. 10).
Une fois rincée et séchée, la surface interne du puits est recouverte d’un silane afin d’améliorer l’adhésion chimique à venir (fig. 11). L’adhésif peut alors être étalé sur cette surface préparée avant d’être polymérisé (fig. 12 et 13). Les masses de composites sont ensuite stratifiées de la profondeur vers la surface, en utilisant des masses dentine puis émail, et ce en prenant soin de positionner les apports de composite contre les bords afin de limiter les problèmes de contraction de polymérisation (fig. 14 et 15). Enfin, l’addition de colorants (par exemple Tetric Color(r), Ivoclar Vivadent) au sein des dernières couches amélaires permet de simuler un sillon naturel. Le polissage final donne alors son aspect esthétique à la fermeture du puits (fig. 16).
L’esthétique des restaurations supra-implantaires transvissées peut aujourd’hui bénéficier pleinement des nouveaux matériaux, à condition de respecter un protocole rigoureux. La fermeture du puits d’accès doit être envisagée comme une étape importante, tant pour la satisfaction immédiate que procure le résultat esthétique que pour la bonne étanchéité du système à long terme. Le recours à une armature en zircone en prothèse supra-implantaire exige un réglage occlusal statique et dynamique très rigoureux, qui doit être recontrôlé régulièrement dans le temps.