Clinic n° 10 du 01/11/2009

 

RECHERCHE DOCUMENTAIRE

Paul MONSARRAT*   Michel SIXOU**   Jean-Noël VERGNES***  


*Département d'épidémiologie, Centre français d'evidence-based dentistry, Faculté de chirurgie dentaire, 3 chemin des Maraîchers, 31062 Toulouse Cedex.
**Département d'épidémiologie, Centre français d'evidence-based dentistry, Faculté de chirurgie dentaire, 3 chemin des Maraîchers, 31062 Toulouse Cedex.
***Département d'épidémiologie,
Centre français d'evidence-based dentistry,
Faculté de chirurgie dentaire,
3 chemin des Maraîchers,
31062 Toulouse Cedex.

Tout au long de sa formation continue, le chirurgien-dentiste se doit de se tenir au courant des dernières données avérées de la science, à la fois pour améliorer encore et toujours sa pratique clinique, mais aussi pour augmenter son rendement et diminuer ses risques d'échecs potentiels. Optimiser ses recherches documentaires devient donc vital et nécessite la consultation de données synthétiques, facilement accessibles et fiables : les revues systématiques de la littérature.

Pourquoi lire des publications scientifiques ? Pour ne pas tomber dans la routine quotidienne, pour se tenir informé des recherches récentes, pour améliorer sa pratique selon les dernières données avérées de la science et, ainsi, augmenter son rendement et diminuer ses échecs. Il suffit souvent de savoir se poser la bonne question pour être efficace. Savoir optimiser ses recherches après une semaine de plus de 45 heures semble tout aussi difficile qu'indispensable.

Il existe aujourd'hui un moyen scientifique pour synthétiser l'information médicale : la revue systématique de la littérature, ou méta-analyse. Nous allons décrypter l'utilité de ce type d'étude en illustrant notre propos par les cinq questions fondamentales : pourquoi, quoi, comment, où et qui ?

Pourquoi ?

La dentisterie est en permanente évolution, remise sans cesse en question grâce aux avancées techniques dans le domaine des sciences fondamentales. Cependant, il faut garder à l'esprit que ces progrès scientifiques ne peuvent se faire que par, pour et avec les praticiens. En effet, la dentisterie moderne ne peut pleinement s'exercer que grâce aux découvertes scientifiques dans tous les domaines, mais ce sont les chirurgiens qui l'appliquent et rendent cette science utile au quotidien (fig. 1). En pratique courante, il est rare qu'il se passe un jour sans que l'on soit face au besoin de connaître de nouveaux éléments sur une prise en charge de certains patients ou sur différents traitements [1,2]...

La méta-analyse est un terme introduit en 1976 par Glass, initialement dans le monde des sciences sociales, puis étendu au monde de la médecine. Il s'agit d'une démarche visant à regrouper les résultats de plusieurs essais thérapeutiques pour en faire une synthèse reproductible : cela augmente la puissance statistique, ce qui revient à dire que l'on diminue le risque de lire et d'appliquer les résultats d'un article isolé en totale contradiction avec les autres existants dans le même domaine. La revue de la littérature repose sur trois maîtres mots : exhaustivité, reproductibilité de la démarche et compilation statistique des résultats [3].

Quoi ?

Il existe deux grands types de questions auxquelles tentent de répondre les revues systématiques :

- des questions relatives aux facteurs de risque ou aux critères diagnostiques. Les revues systématiques de telles études orientent le praticien vers une meilleure connaissance des différents facteurs de risque des pathologies bucco-dentaires ou vers le perfectionnement de son activité diagnostique ;

- des questions relatives à une intervention (prescription, acte conservateur, prothétique ou chirurgical). Les revues systématiques de ces études (essais cliniques) permettent au chirurgien-dentiste de choisir le traitement le plus adapté à son patient (fig. 2).

Comment ?

La recherche des revues systématiques permet d'optimiser le temps. Il y a deux manières d'accéder à l'information [2] :

- la démarche passive permet d'obtenir des informations de manière fortuite en feuilletant par exemple les revues et les journaux dentaires auxquels on est abonné, ou en consultant des sites Internet. Il est possible par ce moyen d'accéder à des revues systématiques ;

- la recherche active (fig. 3) qui nécessite un effort supplémentaire pour aller chercher les informations là où elles se trouvent, essentiellement au moyen de revues et de bases de données à l'aide de mots clés de recherche. L'avantage essentiel de la recherche active de revues systématiques est de permettre au chirurgien-dentiste d'optimiser son temps de recherche documentaire, uniquement pour les questions qu'il se pose.

Où ?

Avec la démocratisation d'Internet, il devient aisé de se connecter aux différentes bases de données électroniques qui proposent des revues systématiques en odontologie [2,4] :

- le groupe Cochrane sur la santé bucco-dentaire [6,7] publie des revues systématiques d'essais cliniques dont les résumés sont accessibles gratuitement sur son site. Ces résumés sont également accessibles en français et gratuitement sur le site du Centre français d' evidence based dentistry à l'initiative du département d'épidémiologie de la faculté de chirurgie dentaire de Toulouse-III (. ups-tlse.fr/) ;

- la base de données Medline accessible par l'interface Pubmed (). À moins que vous ne bénéficiez d'un accès gratuit illimité à toutes les revues, vous ne pourrez accéder qu'à des résumés, ce qui suffit en général largement pour apprécier la globalité d'un article scientifique ou d'une méta-analyse (si ce résumé est bien fait). Cette base de données anglophone permet d'accéder aux résumés de l'ensemble des revues systématiques publiées dans les journaux indexés, dont les revues systématiques Cochrane.

De la même manière qu'il est nécessaire de conserver un regard critique vis-à-vis du discours des représentants commerciaux, la lecture critique des revues systématiques est un outil supplémentaire qui garantit la raison et la mesure dans la prise de décision. Vous devez également exercer votre esprit critique pour sélectionner les documents valides et valables, et écarter ceux de trop faible qualité méthodologique. Pour cela, deux critères sont à passer à la loupe [2] (fig. 4) :

- la validité : il s'agit du degré de fiabilité, de crédibilité ;

- le biais, soit n'importe quel facteur autre que le facteur expérimental, qui peut changer les résultats des études de manière non aléatoire.

Voici un exemple de grille de lecture simplifiée ( tabl. 1) dont on peut se servir pour évaluer la qualité d'une revue de la littérature ou d'une méta-analyse. Un article de bonne qualité scientifique, a priori fiable et crédible sur le plan méthodologique, doit obtenir une note supérieure ou égale à 12 (correspond au grade A). On pourra alors rechercher son applicabilité clinique et évaluer le rapport bénéfice/risque avant de pouvoir l'appliquer à un patient donné [2,8 -10].

Qui ?

Des chercheurs dans le monde entier réalisent des revues systématiques pour synthétiser des informations devenues pléthoriques. Il appartient au chirurgien-dentiste de profiter de cette occasion en privilégiant une recherche documentaire active, ciblée prioritairement sur les revues systématiques [2].

C'est en ayant conscience de l'état des connaissances actuelles que le praticien peut profiter de son expérience pour pleinement prodiguer à son patient des soins adaptés et acceptés (fig. 5).

Et ensuite ?

Il s'agit de l'heure du bilan, qui consiste à déterminer si effectivement l'emploi d'un nouveau protocole a apporté un plus dans la pratique quotidienne, si ce protocole vous a ralenti ou au contraire vous a simplifié la vie. Tout cela en gardant à l'esprit que, même si un acte opératoire est plus long que d'habitude, le fait qu'il soit réalisé selon une méthode scientifiquement validée et éprouvée permet de diminuer à long terme le nombre d'échecs des traitements.

Pour plus d'informations

Bibliographie

  • 1. Centre For Evidence Based Dentistry..
  • 2. Healey D, Lyons K. Evidence-based practice in dentistry. New Zeal Dent J 2002;98:32-35.
  • 3. Sackett DL. Evidence-based medicine: how to practice and teach EBM. Evidence-Based Medicine 2000;5:136.
  • 4. Sutherland SE. Evidence-based Dentistry: part II. Searching for answers to clinical questions : how to use Medline. J Can Dent Assoc 2001;67:277-280.
  • 5. Sutherland SE, Walker S. Evidence-based dentistry: part III. Searching for answers to clinical questions : finding evidence on the Internet. J Can Dent Assoc 2001;67:320-323.
  • 6. The Cochrane Collaboration. http://www.cochrane.org/
  • 7. The Cochrane Oral Health Group. http://www.ohg.cochrane.org/
  • 8. ANAES. Guide d'analyse de la littérature et gradation des recommandations. Paris : ANAES, 2000.
  • 9. Eid N, Girot G, Robbiani E, Dot D. Dentisterie fondée sur la preuve : proposition de grilles de lecture simplifiées avec échelle de notation. Réal Clin 2004;15:105-109.
  • 10. Sutherland SE. Evidence-based dentistry: part IV. Research design and levels of evidence. J Can Dent Assoc 2001;67:375-378.