Clinic n° 10 du 01/11/2009

 

DE BOUCHE À OREILLE

Frédéric Besse frbesse@hotmail.com  

nLa conséquence la plus évidente de la paupérisation de notre société pour notre profession est le transfert inévitable du financement de la majorité des actes dentaires vers des assurances privées. Pour l'instant, au stade de la préparation des mentalités, les organismes complémentaires ont mis en place des plates-formes de conseil à leurs assurés, les incitant à demander plusieurs devis avant de commencer les soins. Cette approche rhétorique, réduisant volontairement le...


nLa conséquence la plus évidente de la paupérisation de notre société pour notre profession est le transfert inévitable du financement de la majorité des actes dentaires vers des assurances privées. Pour l'instant, au stade de la préparation des mentalités, les organismes complémentaires ont mis en place des plates-formes de conseil à leurs assurés, les incitant à demander plusieurs devis avant de commencer les soins. Cette approche rhétorique, réduisant volontairement le rôle du chirurgien-dentiste à celui de revendeur de soins et de prothèse, est scandaleuse, et on ne peut que s'étonner de la passivité de notre Conseil de l'Ordre et de nos syndicats face à une attitude aussi agressive. Continuer d'accepter de faire des devis comparatifs à des patients à la recherche de soins bon marché, c'est faire le lit de la fin de l'exercice libéral. C'est accepter de devenir de simples sous-traitants de compagnies dont le seul but sera de dépenser le moins d'argent possible pour soigner leurs clients, en recherchant la réduction des coûts par la mise en concurrence de professionnels de santé contraints de réduire leurs honoraires pour survivre. Continuer d'accepter de faire des devis comparatifs, c'est accepter le marchandage, la TVA, les publicités tape-à-l'oeil, les semaines de la céramique à 150 ?... Continuer d'accepter de faire des devis comparatifs, c'est renier nos compétences pour devenir des marchands de soins soumis à une seule loi : celle du marché, du moins-disant, du plus racoleur.

Alors que tout, dans notre cursus, dans nos responsabilités et notre compétence nous permet de donner des avis. Un avis est médicalement argumenté et soutenu. Un avis est le résultat d'une réflexion profonde pour laquelle nous sommes formés et avons soutenu une thèse de doctorat. Un avis est la marque de notre compétence. Bien sûr, deux avis venant de deux praticiens différents à propos d'un même cas peuvent entraîner deux plans de traitement différents. Bien sûr, dans ce cas, les honoraires inscrits dans la partie devis du document remis à nos patients seront différents. Nos patients choisiront alors, en connaissance de cause, et peut-être après un troisième avis, l'option qui leur convient le mieux, quelles que soient les raisons de ce choix. Mais alors espérons que ce ne soit pas uniquement pour des raisons pécuniaires.

Nos organismes représentatifs doivent intégrer ce principe et forcer les assureurs à changer leur approche, faute de quoi nous pourrions bien nous retrouver prisonniers de nos propres négligences. Il en est de même pour la fin du traitement, lorsque le patient vient demander... « une facture pour sa mutuelle » ! L'expression, là encore, est loin d'être anodine.

À nous d'éduquer nos patients à recevoir des relevés d'honoraires. Personne ne fera ce travail de revalorisation à notre place, et une partie du prestige de notre profession pourrait disparaître si nous n'y prenons pas garde. n