Roland L'HERRON - Clinic n° 08 du 01/09/2009
 

Clinic n° 08 du 01/09/2009

 

INTERVIEW

AnneChantal de Divonne  

Tout juste élu président de la CNSD, Roland L'Herron se saisissait du dossier du prix des prothèses. Premiers pas d'une nouvelle gouvernance du syndicat...

Sous quel signe se place votre mandat : continuité, rupture ?

Si, par continuité, on entend la volonté de défendre la politique conventionnelle, les soins pour tous et les valeurs libérales, alors oui on peut parler de continuité politique. En revanche, s'il s'agit de la façon d'aborder les relations avec les autres organismes professionnels et les thématiques d'action commune, on peut parler sinon de rupture, tout au moins d'évolution profonde. Je pense que notre intérêt est de présenter chaque fois que possible un front uni. Dès le mois de juin, nous avons produit, avec l'Ordre et L'UJCD*, un argumentaire commun pour nous opposer à l'article de la loi HPST* obligeant les chirurgiens-dentistes à faire figurer le prix d'achat des prothèses sur les devis.

Aujourd'hui pourtant, cet article de loi sur les prothèses est voté. Que peut espérer la profession ?

Les sénateurs About et Milon tenaient absolument à le conserver malgré l'avis contraire de l'Assemblée nationale et du gouvernement. Nous avons obtenu qu'un décret soit nécessaire. On peut toujours miser sur l'espoir que ce décret ne paraisse jamais ; cela est déjà arrivé. Mais c'est une épée de Damoclès sur la profession ! La meilleure solution est à mon sens de faire des propositions plutôt que de s'arc-bouter sur un refus et, par là, risquer de se voir imposer le pire des textes. Nous devons réfléchir avec les autres professions visées puisque ce ne sont pas seulement les dispositifs sur mesure qui sont concernés mais tous les dispositifs médicaux. Notre ligne politique est claire : que le prix d'achat de la prothèse soit inscrit ou non, nos honoraires sont justifiés et ne changeront pas. Le secteur à honoraires libres est le seul moyen que nous ayons actuellement pour faire face à la croissance exponentielle de nos obligations réglementaires.

Quels autres articles de la loi HPST vous paraissent les plus importants pour la profession ?

La création de l'internat qualifiant, avec la spécialité en chirurgie buccale qui devrait suivre, est un point très positif mais nous restons très vigilants sur les conditions de sa création : cette spécialité doit être commune avec les médecins, faute de quoi nous nous y opposerons. En revanche, nous n'apprécions pas l'article (18) qui reconnaît au directeur de caisse l'appréciation du tact et de la mesure ! Ce n'est pas son rôle et cela remet en cause les prérogatives du Conseil de l'Ordre. Deux autres sujets nous interpellent. D'abord la représentation des syndicats dans la mise en place des URPS* au sein des ARS*. La représentativité des grands syndicats nationaux va se trouver « diluée ».

L'autre point d'interrogation concerne le développement professionnel continu qui est le résultat de la juxtaposition de la formation continue et de l'EPP*. Or, ces pratiques professionnelles se fondent sur des recommandations opposables qui ne prennent nullement en compte le financement des actes. Nous sommes confrontés aujourd'hui au décalage entre la contrainte réglementaire, qui réclame l'excellence, et la valeur d'un acte qui conditionne le plateau technique. On ne peut pas continuer d'augmenter les contraintes sans prendre en compte le paramètre du financement.

Dans son discours devant La Mutualité à Bordeaux, Nicolas Sarkozy a insisté sur un renforcement du partenariat avec les complémentaires...

Le président de la République nous dit que « les complémentaires doivent être affectées à la régulation et doivent s'efforcer d'affecter les ressources là où sont les priorités ». N'est-ce pas déjà le rôle de la Sécurité sociale ?

La complémentaire a toutefois un rôle important à jouer car elle est la source de financement potentiel de notre exercice. Nous devons donc développer nos partenariats avec elle, mais pas dans n'importe quelles conditions. Le conventionnement collectif est remis en question. Les ARS essaient de faire passer l'idée de contrats régionaux ; les assurances privées cherchent le conventionnement individuel au sein de réseaux fermés pour faire baisser les prix. Dans un tel schéma, je ne suis pas certain que les patients soient gagnants, notamment les plus vulnérables. La Sécurité sociale assure des personnes, la complémentaire assure des risques et le risque n'est pas le même pour tout le monde. Les cotisations vont inévitablement augmenter et une certaine frange de la population aura difficilement accès à cette couverture.

En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas opposés à cette source de financement importante, bien au contraire nous l'appelons de nos voeux ; mais nous souhaitons un cadre avec des règles bien définies et nous ne contractualiserons qu'avec des réseaux ouverts à tous les praticiens.

Quelles sont vos priorités pour la rentrée ?

L'élaboration des décrets d'application de la loi HPST, mais également le PLFSS* car il sera certainement question de la participation des complémentaires. Nous serons vigilants mais également force de propositions car le syndicalisme d'opposition systématique ne fait plus recette ; il nous faut proposer si nous voulons être entendus. La rentrée sera aussi marquée par la suite des deux recours que nous avons en Conseil d'État : le premier contestant la cotisation exceptionnelle de l'ASM* fixée par le directeur de l'UNCAM*; le second, en soutien à l'ouverture par l'UNCAM de la CCAM* aux chirurgiens-dentistes pour 98 actes de chirurgie buccale. L'Ordre des médecins conteste cette décision et remet donc en question notre capacité professionnelle ; nous ne pouvons l'admettre et nous mettons tout en oeuvre pour que le Conseil d'État nous reconnaisse dans nos droits.

* ARS : Agence régionale de santé. ASM : avantage social maladie. CCAM : classification commune des actes médicaux. EPP : évaluation des pratiques professionnelles HPST : hôpital, patients, santé et territoires. PLFSS : Projet de loi de financement de la Sécurité sociale. UJCD : Union des jeunes chirurgiens-dentistes. UNCAM : Union nationale des caisses d'assurance maladie. URPS : Union régionale des professionnels de santé.