Clinic n° 05 du 01/05/2011

 

GÉRER

CHRONIQUE

Edmond BINHAS  

Les changements considérables de comportement de nos patients, devenus consommateurs de santé, nous imposent une révision de notre approche de leur bouche. Il devient de plus en plus important d’accepter l’idée que l’approche exclusivement thérapeutique, réfractaire à la prise en compte de la demande esthétique du patient, est désormais insuffisante. Même si elle reste toujours aussi fondamentale, elle ne peut plus ignorer la demande croissante pour des traitements...


Les changements considérables de comportement de nos patients, devenus consommateurs de santé, nous imposent une révision de notre approche de leur bouche. Il devient de plus en plus important d’accepter l’idée que l’approche exclusivement thérapeutique, réfractaire à la prise en compte de la demande esthétique du patient, est désormais insuffisante. Même si elle reste toujours aussi fondamentale, elle ne peut plus ignorer la demande croissante pour des traitements esthétiques. Il suffit de voir les dépenses colossales dans les traitements médicaux esthétiques ou le succès des émissions télévisées du type Relookage extrême. Il s’agit, en réalité, d’une vraie lame de fond qui touche l’ensemble des pays occidentaux et, de plus en plus, tous les autres.

D’ailleurs, la définition de la santé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est désormais : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental, psychologique et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Le concept de bien-être social comporte bien la notion d’esthétique générale et, plus particulièrement, dentaire. Dans de nombreux pays, l’esthétique est un support à la dignité permettant aux plus démunis de continuer à avoir un lien social. Aujourd’hui, en France, dans de nombreux domaines, un sourire sans édentement est une condition d’accès à l’emploi. Il faut donc accepter l’idée que les standards de base à propos du sourire ont définitivement changé.

Par ailleurs, l’une des grandes caractéristiques du patient consommateur est qu’il dépense son argent dans des choses dont il n’a pas besoin. Personnellement, je suis convaincu qu’une bouche saine et un sourire complet sont préférables à une dépense pour des vacances ou l’écran plat dernier cri. Or, l’un des premiers motivateurs d’achat de cette génération de patients réside dans l’apparence d’une bonne santé. Vous savez pertinemment que, désormais, le désir de jeunesse et de beauté est une demande croissante. À l’heure où les baby-boomers ont aujourd’hui 60 ans et plus, ils veulent paraître 20 ans de moins. Pouvons-nous réinventer leurs désirs ? Pourrons-nous longtemps résister à cette demande alors même que l’OMS considère que la santé doit prendre en compte le bien-être psychosocial ? Nos patients ont-ils tort de vouloir un plus beau sourire ? La réponse à mes yeux est, vous l’aurez compris, non. Eux n’ont pas à changer et ils ne le feront pas d’ailleurs. C’est à nous de changer de point de vue.

Mais une autre tendance encore plus récente se fait jour : celle du mieux-être.

Aujourd’hui, certaines personnes même en parfaite santé physique, mentale, psychologique et sociale souhaitent être encore mieux. Ainsi, nous savons bien que de nombreux patients avec les dents de teinte A1 souhaitent une teinte A0. Cette nouvelle tendance ne va pas sans poser un problème d’éthique. Où doit-on s’arrêter chez un patient en parfaite santé physique ? La réponse ne peut être qu’individuelle en fonction des convictions de chacun.

En cette période de changement rapide, nous devons impérativement prendre en compte ces nouveaux paradigmes sous peine d’être confrontés à des patients de plus en plus insatisfaits et, donc, de plus en plus exigeants.

Cela ne pourra se réaliser sans une compréhension de plus en plus fine des comportements humains et une réponse adaptée aux désirs de nos patients s’ils sont réalistes cliniquement et sans risques médicaux.