C’est mon avis !
Le sujet de la désertification des professionnels de santé dans certaines zones de notre beau pays est souvent rattaché au nombre de praticiens. Ainsi, le président de l’ONCD, dans la Lettre du mois d’avril, précise qu’il devrait y avoir 26 000 praticiens en 2030 avec le numerus clausus actuel, soit une diminution de près de la moitié de praticiens puisque nous sommes actuellement près de 45 000, et le retour à la situation de 1975 alors que la France ne...
Le sujet de la désertification des professionnels de santé dans certaines zones de notre beau pays est souvent rattaché au nombre de praticiens. Ainsi, le président de l’ONCD, dans la Lettre du mois d’avril, précise qu’il devrait y avoir 26 000 praticiens en 2030 avec le numerus clausus actuel, soit une diminution de près de la moitié de praticiens puisque nous sommes actuellement près de 45 000, et le retour à la situation de 1975 alors que la France ne comptait que 53 millions d’habitants.
Le problème est donc évident : les zones désertées risquent d’augmenter et une partie de la population de se trouver en pénurie d’accès aux soins dentaires. La solution est bien évidemment de relever le numerus clausus, mais pour cela il faut augmenter le nombre d’étudiants, et cela coûte cher. On peut également attirer des praticiens européens, formés dans les pays de l’Union, donc à coût zéro pour l’Éducation nationale, comme l’autorisent les lois européennes sur la libre circulation, mais il va falloir rendre l’exercice de la dentisterie en France attractif pour nos confrères européens, ce qui n’est pas une mince affaire.
Derrière cette problématique des chiffres viennent s’ajouter l’évolution de notre profession et, en particulier, sa féminisation. En constante augmentation, elle était d’environ 20 % en 1970, de 25 % en 1980, de 30 % en 1990 et de 35 % en 2005. Ce phénomène va s’amplifier sachant qu’actuellement près de 60 % de filles réussissent l’examen d’accès aux carrières médicales pour seulement 40 % de garçons : exactement l’inverse des années 1970. Les féministes se réjouissent, les économistes s’inquiètent sachant que la féminisation d’une profession signe sa paupérisation.
Ce qui est beaucoup plus inquiétant pour notre profession, c’est l’évolution de notre société. Un étudiant des années 1970, formé par l’État quasiment gratuitement pour lui – 1968 était passé par là – envisageait une carrière professionnelle à plein temps. Les étudiantes en grande majorité également, laissant le soin des tâches ménagères à des employés. Le plein temps de l’époque comprenait en général 5 jours de cabinet, pour environ 50 à 60 heures de fauteuil. Dans la génération actuelle, les garçons envisagent toujours le plein temps, qui pour eux se situe autour de 35 heures par semaine, et les filles préfèrent le mi-temps, soit moins de 20 heures. En 40 ans, le retour sur investissement des études médicales dans ce pays s’est effondré. Si on calcule qu’un étudiant tous sexes confondus dans les années 1970 allait travailler environ 49 heures, un étudiant entrant à la faculté aujourd’hui envisage de travailler 26 heures par semaine.
On comprend la lenteur de la remontée du numerus clausus au vu de sa faible rentabilité ; aller faire son marché dans les pays européens devient extrêmement économique, le défi sera de retenir les confrères qui en viendront, ce qui pour l’instant ne semble pas acquis si on considère l’expérience des infirmières espagnoles ou des médecins polonais.