AU PARLEMENT
ACTUALITÉ
Les sénateurs puis les députés se sont à nouveau penchés sur la question de l’information à donner au patient dans le cas d’un acte de restauration prothétique. Les sénateurs ont suivi l’avis du Gouvernement défavorable à une information détaillée sur le prix d’achat de la prothèse et des prestations associées. Mais en commission, les députés ont voté pour la fourniture au patient de la facture du prothésiste. Retour sur un sujet à controverse qui dépasse le clivage traditionnel gauche-droite.
Le 21 juillet 2009, la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST) est votée. L’article 57 du texte, adopté contre l’avis du Gouvernement, stipule que lorsqu’un acte ou une prestation inclut la fourniture d’un dispositif médical, une « information écrite délivrée gratuitement au patient comprend, de manière dissociée, le prix d’achat de chaque élément de l’appareillage proposé, le prix de toutes les prestations associées, ainsi qu’une copie de la déclaration de fabrication du dispositif médical ». La publication de l’ordonnance « Dispositifs médicaux » issue d’un texte européen a conduit, en mars 2010, à la suppression de la partie concernant la délivrance au patient de la copie des documents garantissant la qualité et la sécurité du dispositif.
Quant au premier volet de l’article 57, il n’est pas appliqué. Les syndicats le jugent inefficace en termes de transparence, inapplicable et discriminatoire. Des solutions sont recherchées avec des représentants du ministère de la Santé. En vain. Cette situation n’empêche pourtant pas la DGCCRF de mener des contrôles de cabinets dentaires au cours de l’été 2010. Devant une situation qui apparaît sans issue, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, s’engage au mois de septembre dernier à revoir la formulation de l’article 57. La proposition de loi du sénateur Jean-Pierre Fourcade (UMP, Île-de-France), qui a pour but de modifier certaines dispositions de la loi HPST « d’application difficile » et d’introduire de nouvelles dispositions « de nature à rendre plus effective l’application de la loi », apparaît comme le meilleur support.
Cependant, la proposition du sénateur déçoit la profession. L’expression « prix d’achat » est remplacée par « le coût ». Mais le texte examiné à la commission des affaires sociales n’est pas retenu. Les sénateurs préfèrent conserver l’article 57 de la loi HPST. Rien n’est perdu pour autant. À la satisfaction de la profession 1 mois plus tard, le 9 mars, les sénateurs suivent l’avis du ministre de la Santé qui s’oppose à l’article 57 et votent en séance publique pour l’amendement de Gilbert Barbier (RDSE, Franche-Comté) qui substitue l’expression « prix de vente » du dispositif à celle de « prix d’achat ». Au cours de la séance, Xavier Bertrand avait insisté sur le fait que « les dentistes sont aujourd’hui la seule profession dans le secteur médical, voire au-delà, qui soit soumise à l’obligation d’indiquer le prix d’achat. À quand une obligation semblable pour les prothésistes, pour les opticiens et pour les autres professionnels de santé ?[…] De nombreux dentistes ont eu le sentiment d’être montrés du doigt ».
Le vote du Sénat a une forte résonance sur les ondes et dans la presse quotidienne. Que n’a-t-on entendu et lu ! « Prothèses dentaires : les tarifs moins transparents », « Le lobbying a eu raison de l’intérêt des patients… Du coup, la perspective d’une baisse des prix s’éloigne »…
Si la CNSD, présente sur le front, a bien su faire passer le message de la profession auprès du Gouvernement et des sénateurs, les médias sont en effet, moins réceptifs. « Oui, nous avons réussi à convaincre le Gouvernement et les sénateurs que l’information sur le prix d’achat de la prothèse était un traitement d’exception qui nous était infligé, que cela ne réglerait en rien les difficultés d’accès aux soins de nos patients dont la cause est ailleurs, et que la vraie transparence devrait se faire sur la traçabilité et la garantie de qualité des dispositifs médicaux. Où est l’ignominie ? », interroge Catherine Mojaïsky, secrétaire générale de la CNSD, devant les accusations. Pour l’UJCD, si le nouveau texte adopté par les sénateurs « ne lève pas toutes les ambiguïtés introduites par la loi HPST, il contribue cependant à restaurer la considération à laquelle tout chirurgien-dentiste, professionnel de santé et citoyen, a droit de la part du législateur. »
Le soulagement sera de courte durée. Le texte examiné le 30 mars à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale est à nouveau amendé à la demande du rapporteur Valérie Boyer (UMP, Rhône). À l’information sur le « prix de vente » de l’appareillage et des prestations associées, l’amendement ajoute deux informations : une information relative à la provenance du dispositif médical utilisé et, à l’issue de l’acte, « une copie de la facture du dispositif ». Et Valérie Boyer précise « comme cela est prévu par le Code de la Sécurité sociale sans jamais avoir été appliqué ». En fin de discussion de cet amendement (AS211), Valérie Boyer affirme que « les professionnels de santé [en] approuvent la rédaction ».
L’amendement de Valérie Boyer « est rejeté à l’unanimité » par les 25 associations membres de l’ADF qui représentent 30 000 chirurgiens-dentistes, rétorque l’association dentaire dans un communiqué rédigé lors de son conseil d’administration 2 jours plus tard et signé de ses 2 secrétaires généraux. L’ADF dénonce, au nom de la profession, « la confusion entretenue par l’utilisation de termes commerciaux ». Un propos jugé « inacceptable » quand la profession est « reconnue pour son rôle primordial dans la santé publique ».
Le vote en séance publique à l’Assemblée Nationale le 12 avril devait être déterminant.