Clinic n° 04 du 01/04/2009

 

ÉTHIQUE

* Chirurgien-dentiste   titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un mastère d'éthique médicale et biologique.  

Dans le domaine de la santé, c'est le travail qui coûte, pas les fournitures...

J'ai mis longtemps à chercher une métaphore avant de penser qu'on se trompait d'enjeu. Rappel des éléments.

Il y a, d'une part, une minorité journalistique (dont l'objet est - par un sensationnalisme sans déontologie - de fournir du temps de cerveau disponible, avec l'audimat comme critère de qualité et la stupidité du téléspectateur comme préalable pédagogique) qui a lancé une énième attaque contre les pratiques en fait de prothèses dentaires.

D'autre part, se dessine un même mouvement chez certains parlementaires dont l'objet est, pour eux aussi, de survivre dans leur métier donc de viser une forme de démagogie aux fins de leur réélection. Et l'ONCD1 craint à raison que la mesure qui vise à distinguer montant du « dispositif médical » et des « prestations associées2 » ne revienne par un autre texte.

Il y a eu un débat porté par les prothésistes dès lors que la prothèse est qualifiée de « dispositif médical. » Il était question de savoir qui était le fabricant, puisque c'est au fabricant que revient la responsabilité. La réponse du ministère3 est claire : « Le traitement prothétique dentaire [...] ne se réduit pas à la vente d'un dispositif. » Ce sont les professionnels de santé qui « assument l'entière responsabilité » et les « prothésistes dentaires n'ont d'obligations que vis-à-vis [...] du chirurgien-dentiste, dans le cadre d'un contrat de fourniture ».

C'est là que la question de la métaphore est venue, car je cherchais à comprendre et comparer. Si nous étions des rhumatologues, nous serait-il demandé de mentionner le prix d'achat de telle ou telle prothèse de hanche ? Non4. Si nous fabriquions des chemises, nous serait-il demandé de mentionner à part le prix des boutons, surtout si nous les achetions à l'étranger5 ? Non, les métaphores ne fonctionnent pas.

Alors pourquoi nous, chirurgiens-dentistes, devrions-nous mentionner le prix de ce dispositif médical sur mesure dont nous assurons la planification, les étapes conceptuelles et cliniques, l'adaptation et la responsabilité ? Doit-on faire de même avec le matériau foulé de restauration pour n'importe quel soin de carie ? Et pourquoi, cela, personne ne nous le demande ?

Quel est le problème ? Le problème c'est que les patients pensent que la prothèse « c'est cher en France » ; pour un traitement global, ça reste à voir6.

Je crois que c'est l'occasion de parler honnêtement aux patients, qui sont loin d'être stupides. Qu'on se le dise une bonne fois pour toutes : à l'hôpital, même avec les plus beaux scanners, ce qui prend 90 % du budget, ce sont les salaires. Et oui, dans le domaine de la santé c'est le travail des personnes très qualifiées qui coûte. Et oui, le prix de la prothèse, c'est surtout le prix du travail avant d'être le prix des fournitures. Il est temps de ne pas chercher à s'excuser en permanence et de parler franchement des réalités.

1. Voir le numéro de janvier 2009 de la Lettre de l'Ordre des chirurgiens-dentistes. 2. Je vous laisse apprécier le vocabulaire : nous sommes une prestation associée ! 3. JO du Sénat, 30 octobre 2008. 4. Cela fait définitivement partie de l'acte. Et comme le reste à charge pour le patient n'a proportionnellement rien à voir entre l'hôpital et la chirurgie dentaire, personne ne pose la question. 5. Les « patients », cependant, sont bien contents d'acheter leurs vêtements ou voitures dans des pays où la main-d'oeuvre est moins chère. Doit-on délocaliser aussi le chirurgien-dentiste ? 6. À vous de voir, à coûts de vie très variables, ce qu'on trouve à l'étranger (avec un moteur de recherche sur l'Internet) pour : « panoramique, détartrage, 2 soins de carie, traitement endo et CCM » (Hongrie : 419 ¤ ; Espagne : 730 ¤ ; Angleterre : 991 ¤ ; France : 196,63 ¤ plus le montant de votre CCM).