Nathalie Delphin
Dans le podcast « Les expertes de la santé* » réalisé par Femmes de santé**, Nathalie DELPHIN, présidente du SFCD, raconte son combat pour faire évoluer le congé maternité des femmes libérales. Pour CLINIC, elle détaille les démarches pour trouver des solutions et les résultats obtenus : chômage partiel, suspension des cotisations Urssaf et report des échéances de crédits.
CLINIC : POURQUOI VOUS ÊTES-VOUS INTÉRESSÉE AU CONGÉ MATERNITÉ POUR LES FEMMES LIBÉRALES ?
Nathalie Delphin : En 1995, le Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD) s’est battu pour créer le congé maternité pour toutes les libérales, c’était un bon début. Mais, lorsqu’on s’intéresse à ce sujet, on se rend compte de l’incompréhension des hommes, des politiques en particulier, qui estiment que la maternité est un choix à assumer par les femmes. Or, financièrement, c’est extrêmement compliqué. En 2022, les indemnités journalières auxquelles nous avons droit s’élèvent à 56,35 € par jour. C’est insuffisant pour combler les charges fixes, le loyer et les salaires. Il faut donc trouver des solutions au niveau politique. Le combat pour une véritable reconnaissance de la maternité des libérales en France est loin d’être achevé.
RACONTEZ-NOUS VOTRE EXPÉRIENCE ET LES COMBATS QUI EN ONT DÉCOULÉ ?
J’ai eu trois grossesses et, à chaque fois, j’ai été confrontée à une problématique. Lors de ma 1re grossesse, en 2001, j’étais collaboratrice : je suis partie en congé maternité et, deux jours plus tard, j’ai reçu une lettre en recommandé m’indiquant que ce n’était pas la peine de revenir. Ça a été un de mes premiers combats pour que le contrat de collaboratrice libérale protège les femmes enceintes. Avec le SFCD, nous avons fait appliquer le fait qu’il était interdit de remercier une collaboratrice enceinte jusqu’à 8 semaines après le retour de congé maternité.
Lors de ma 2e grossesse, j’étais toujours collaboratrice. Cette fois, je n’ai pas été remerciée, mais je ne me suis arrêtée qu’un mois, car c’était difficile financièrement et je suis revenue très fatiguée.
Pour la 3e, j’étais titulaire de mon cabinet, j’avais fait des investissements et j’avais des salariés. J’ai décidé de profiter du congé maternité auquel j’avais droit. Mais, même en ayant anticipé côté finance, les économies ont vite fondu comme neige au soleil. J’ai essayé de trouver des solutions en me tournant vers ma prévoyance et vers l’Urssaf. Ils ne m’ont rien proposé. La caisse de retraite voulait bien diminuer mes indemnités, mais en diminuant le nombre de mes trimestres. Quant à mon banquier, il a accepté de m’octroyer un crédit pour payer mes charges, mais il m’a culpabilisée d’avoir fait ce choix.
DE QUELLE MANIÈRE AVEZ-VOUS ALORS RÉUSSI À FAIRE AVANCER LES DROITS DES FEMMES LIBÉRALES ?
J'ai mené une enquête auprès de consœurs via mon syndicat. Les réponses m’ont effarée : certaines femmes sont allées jusqu'à provoquer leur accouchement un vendredi soir pour reprendre le travail le plus tôt possible après, pour éviter des problèmes financiers. Cela est inacceptable ! J’ai alors fait la liste de ce dont les femmes avaient besoin, pour pouvoir réfléchir à des solutions. Nous avons demandé que les charges soient suspendues pendant la grossesse et lissées l’année suivante. Pour nos salariés, nous avons demandé à bénéficier du chômage partiel et pour les crédits, de pouvoir repousser les échéances. Ce sont des choses simples et qui ne coûtent rien à la société.
QUELS RÉSULTATS AVEZ-VOUS OBTENUS ?
Ce qui nous a permis d’obtenir des avancées, c’est le Covid et la fermeture des cabinets dentaires imposée à tous. Des confrères m’ont appelée pour me dire qu’ils se demandaient comment faire. Un peu ironiquement, je leur répondais : « Félicitations, vous venez d’accoucher ! ». Ce qu’ont vécu tous les confrères pendant ce confinement, c’est ce que vivent les consœurs pendant leur congé maternité. Et ce qui a été mis en place pour aider les professions libérales, c’est ce que nous demandions pour les femmes. Nous avons alors démontré aux politiques que, ce qu’ils avaient réussi à mettre en place pendant le Covid, ils pouvaient tout aussi naturellement l’appliquer aux femmes enceintes.
Nous avons ainsi obtenu le chômage partiel, la suspension des cotisations Urssaf et le report des échéances de crédits. J’aimerais que ces aménagements soient automatiques mais actuellement nous devons encore les réclamer. Il reste encore des combats à mener, notamment pour augmenter les indemnités journalières. Ce qui va beaucoup nous aider, c’est que désormais, les co-parents veulent aussi accompagner la naissance de leur bébé. Nous devons travailler à la fois sur la maternité et la parentalité.
Propos recueillis par Anne-Gaëlle Moulun