Bénéfices et contraintes à l’utilisation de l'aspiration haut débit

Les systèmes d’aspiration à haut débit font partie des solutions visant à réduire la formation et la dispersion des bioaérosols à risque de contamination pour l’équipe dentaire. Une enquête par questionnaire, diffusée par l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité), a permis d’analyser les relations entre usage de l’aspiration haut débit et l’exposition au risque biologique perçu auprès de 260 chirurgiens-dentistes et 134 assistants dentaires français, ainsi que le confort postural, auditif, visuel, la maniabilité et la fiabilité associés.

À la question, « vous sentez-vous protégé vis-à-vis du risque aérosol ? », 31,4 % des chirurgiens-dentistes répondent « beaucoup » et « tout à fait », et aucun « pas du tout ». Concernant les assistants dentaires, 37,6 % se sentent protégés « beaucoup » et « tout à fait », et 14,3 % « pas du tout ». Le sentiment de se sentir protégé vis-à-vis des bioaérosols est significativement plus important chez les chirurgiens-dentistes que chez les assistants dentaires (p<0,0001). Les chirurgiens-dentistes ne sont pas plus nombreux à se sentir protégés, mais ils sont moins nombreux à s’estimer ne pas être protégés du tout.

Alexandre BAUDET : " Depuis la pandémie de COVID-19, les chirurgiens-dentistes sont bien familiarisés avec le risque lié aux bioaérosols mais aussi aux moyens pour réduire ce risque : utilisation de la digue, réalisation de bain de bouche pré-opératoire, utilisation d’une aspiration haut débit, utilisation d’un contre-angle rouge plutôt que d’une turbine, adaptation du débit d’eau, utilisation d’APR FFP2, aération des locaux… L’INRS met ici en évidence que notre profession est consciente du risque aérosol en odontologie et que les chirurgiens-dentistes savent y faire face. Les assistantes dentaires semblent moins informées sur le sujet car près de la moitié d’entre elles se sentent complètement ou à l’inverse pas du tout protégé de ce risque. Elles devraient être mieux sensibilisées."

Parmi les chirurgiens-dentistes, 85,3% déclarent qu’au moins un système d’aspiration haut débit est utilisé dans le cadre des soins qu’ils réalisent. La réduction de la concentration en bioaérosols ressort comme motif de recours de l’aspiration haut débit au même titre que « garder le site au sec » et « assurer la visibilité » pour les chirurgiens-dentistes et les assistants dentaires. Les chirurgiens-dentistes qui ont recours à un système d’aspiration haut débit dans la réalisation des soins (quel que soit l’utilisateur, chirurgien-dentiste ou assistant) se sentent significativement plus protégés des bioaérosols que les répondants qui n’y ont pas recours (p = 0,004). Pour les assistants dentaires, ceux qui utilisent l’aspiration dans un motif de réduction des bioaérosols se sentent significativement plus protégés que les autres (p = 0,0002).

AB : " L’utilisation de l’aspiration haut débit est effectivement un moyen efficace pour capter à la source les aérosols émis lors des soins dentaires. Les professionnels qui utilisent ce système ont raison de se sentir plus protégé car la littérature scientifique va dans ce sens. D’ailleurs une autre équipe de l’INRS travail sur ce sujet du captage des aérosols dentaires à la source et leurs résultats préliminaires montrent bien l’efficacité des aspirations haut débit pour réduire la propagation des aérosols dans l’air."

La maniabilité, le confort postural et le confort auditif associés à leur utilisation sont moins bien évalués que le confort visuel et la fiabilité pour les deux populations. Le confort auditif notamment est significativement moins élevé que le confort visuel, postural, la fiabilité et la maniabilité. Le confort auditif est « bon » pour 6,3 % des chirurgiens-dentistes, aucun ne l’a évalué comme « très bon » et il est évalué comme « très mauvais » par 28,1 % et « mauvais » par 38,9 % d’entre eux. Le confort auditif est « bon » et « très bon » pour seulement 9,8 % des assistants dentaires, il est évalué comme « très mauvais » par 34,6 % et « mauvais » par 30,1 % d’entre eux. Le confort postural est quant à lui significativement moindre chez les assistants dentaires en comparaison aux chirurgiens-dentistes (p = 0,0002), et donne lieu à la déclaration d’un nombre plus important de problèmes (courbatures, douleurs, gênes) parmi 5 localisations du membre supérieur et du dos proposées (p<0,0001).

AB : " Il serait effectivement intéressant d’améliorer l’ergonomie des systèmes d’aspirations des units dentaires et surtout celle des aspirations haut débit. Le bruit apparait ici comme le principal inconvénient ; c’est effectivement une contrainte importante du système et d’autant plus si le moteur d’aspiration est mal insonorisé et placé dans la salle de soins. Le 2^e inconvénient est l’inconfort postural généré notamment par le poids, la rigidité du tuyau de gros diamètre et donc le manque de maniabilité de l’aspiration haut débit. Cette contrainte ne doit pas être négligée car elle participe au risque de TMS [troubles musculo-squelettiques] auquel notre profession est déjà largement exposée. Des progrès doivent donc être fait pour améliorer le système afin de faciliter et augmenter son utilisation. "

Ces résultats mettent en évidence l’importance accordée à l’utilisation de l’aspiration haut débit dans la réduction de la concentration en bioaérosols, de façon complémentaire à d’autres moyens notamment chez les chirurgiens-dentistes. Ils mettent en évidence des situations d’inconfort auditif et postural perçus associés leur utilisation.

L’ensemble de l’étude et ses résultats sont consultables en accès libre dans la revue Références en santé au travail