OSTÉOTOMIE ALVÉOLAIRE MANDIBULAIRE POSTÉRIEURE PRÉ-IMPLANTAIRE - Clinic n° 05 du 01/05/2021
 

Clinic n° 05 du 01/05/2021

 

Chirurgie

Orale

Emmanuel MASSON REGNAULT  

Ancien AHUAttaché universitaire, Faculté d’odontologie de BordeauxEnseignant au DU de Chirurgie osseuse préimplantaire de Nice, Exercice libéral en chirurgie orale, Angoulême.

La correction des insuffisances verticales osseuse en implantologie est un défi pour le chirurgien oral ou le chirurgien-dentiste. Différentes techniques sont décrites dans la littérature comme les techniques de coffrage, les techniques de régénération osseuse guidée à l’aide de membrane armée en titane, les ostéotomies segmentaires et la distraction [1-2]. Les taux de succès dans les...


Résumé

Les atrophies osseuses mandibulaires postérieures posent un problème récurrent en implantologie car elles contre-indiquent la mise en place d’implants. La proximité du nerf alvéolaire inférieur est souvent une source importante de stress pour le praticien. La technique d’ostéotomie permettra la mise en place d’implant dentaire dans ce secteur dans un second temps : 4 à 6 mois. Cette technique rapporte un taux de succès compris entre 90 et 100 % selon les auteurs. Description pas à pas de la technique d’ostéotomie segmentaire pré-implantaire mandibulaire postérieure.

La correction des insuffisances verticales osseuse en implantologie est un défi pour le chirurgien oral ou le chirurgien-dentiste. Différentes techniques sont décrites dans la littérature comme les techniques de coffrage, les techniques de régénération osseuse guidée à l’aide de membrane armée en titane, les ostéotomies segmentaires et la distraction [1-2]. Les taux de succès dans les augmentations verticales sont inférieurs à ceux des techniques par augmentation osseuse horizontale.

La mise en place d’implant court présente une alternative intéressante mais la gestion des échecs sera d’autant plus compliquée que le volume osseux au départ est faible. De plus, la pose d’implants courts n’est plus indiquée en dessous de 5-6 mm de hauteur résiduelle au-dessus du canal mandibulaire.

Ces techniques d’ostéotomie segmentaire (figures 1 à 4) ont, dans notre pratique, une place importante dans les régions postérieures mandibulaires où la position du canal mandibulaire restreint souvent la mise en place d’implant dentaire, contrairement au maxillaire où les comblements sous-sinusiens sont pratiqués de manière courante et prédictible [3].

LA TECHNIQUE PAS À PAS

Nous proposons une description de la technique des ostéotomies segmentaires d’augmentation verticale. Décrite par Jensen, cette technique est fondée sur le concept de lambeau osseux pédiculé par le périoste [4]. La réalisation de cette technique nécessite donc un rigoureux respect de ce principe dans les voies d’abord du site à greffer et dans l’étendue des décollements qui conditionneront le succès de l’intervention.

Cette technique est adaptée lorsque la hauteur osseuse résiduelle est supérieure à 2 mm, avec une hauteur prothétique importante afin de laisser une amplitude de correction en tenant compte de la future prothèse supra-implantaire.

La proximité du foramen mentonnier n’est pas une contre-indication à la réalisation de cette technique puisqu’elle peut être réalisée de façon concomitante à un abaissement du foramen mentonnier.

Un minimum de 2 mm de hauteur osseuse au-dessus du canal mandibulaire est nécessaire pour la réaliser afin de ne pas traumatiser le nerf alvéolaire inférieur. La littérature rapporte des paresthésies transitoires lors des augmentations du volume osseux dans la région mandibulaire postérieure [1]. Dans notre expérience, aucune paresthésie définitive n’est rapportée.

L’incision doit être réalisée dans le fond du vestibule à distance de la ligne mucco-gingivale. La transposition verticale du fragment crestal entraînera une crestalisation de la voie d’abord qui doit être prise en compte dès le départ de l’intervention. Une distance de 1 cm de la ligne mucco-gingivale est au minimum nécessaire (figures 5 et 6).

Si cette technique est réalisée dans la région de foramen mentonnier, une double incision strictement muqueuse sera réalisée. Puis, la dissection se fera au ciseau de Metzenbaum pour isoler le nerf mentonnier. Les décollements sont strictement limités au versant vestibulaire et à la zone nécessaire pour réaliser l’ostéotomie et l’ostéosynthèse.

L’ostéotomie sera réalisée au piezotome ou à l’aide d’une fraise fine sur toute l’étendue du secteur à augmenter (figure 7). Les ostéotomies verticales à chaque extrémité sont réalisées en prenant soin de ne pas perforer la muqueuse. L’ostéotomie doit être la plus complète possible pour éviter un bad split.

Une fracture en bois vert est réalisée. Le fragment peut alors être mobilisé. Au niveau mandibulaire postérieur, à l’aide d’un décolleur, le mylo-hyoïdien est brossé verticalement entre la mandibule et le fragment crestal pour obtenir plus de laxité.

Deux plaques d’ostéosynthèse de 0,6 mm d’épaisseur avec des vis de 4 mm sont mises en place pour maintenir le fragment à distance et verticalement (figure 8).

L’espace ainsi créé sera comblé par le biomatériau de votre choix (figure 9).

La mise en place d’une membrane résorbable n’est pas nécessaire. L’utilisation de PRF ou PRP permettra une revascularisation de l’os greffé plus rapide [5].

La fermeture est réalisée en deux plans : fil résorbable pour le plan profond et fil résorbable ou non résorbable pour le plan superficiel.

Dans cette technique, un greffon cortical peut faire fonction de matériel d’ostéosynthèse pour y associer une augmentation horizontale. Les gains osseux verticaux rapportés dans la littérature sont en moyenne de 5 mm [6].

La mise en place des implants peut être réalisée 4 à 6 mois après l’intervention, associée à l’ablation du matériel d’ostéosynthèse.

Les complications sont très rares dans cette technique et le gain osseux dans notre pratique peut atteindre 10 mm si l’espace prothétique le permet [1]. Cette technique préserve la qualité de la vascularisation et donc la qualité de l’os néoformé [7].

La stabilité des augmentations verticales pré-implantaires n’est plus à démontrer dès lors que les techniques facilitent la revascularisation [5].

La technique de latéralisation du nerf alvéolaire sera préférée si l’espace prothétique est limité.

Les figures 2, 10 et 11 illustrent radiologiquement la technique décrite.

COMPLICATIONS

La technique d’ostéotomie segmentaire postérieure en chirurgie pré-implantaire montre un taux de succès entre 90 et 100 % selon les auteurs dans la littérature [1]. Les complications les plus fréquemment rapportées sont :

- une exposition du matériel d’ostéosynthèse ;

- une mauvaise maîtrise de la position du fragment crestal du fait de la traction des tissus linguaux ;

- une paresthésie labio-mentonnière, transitoire le plus souvent ;

- une fracture du fragment crestal.

CONCLUSION

Les techniques d’augmentation osseuse pré-implantaire fondées sur le principe de lambeau ostéo-périosté représentent une alternative fiable avec un faible taux de complications [8]. Un résultat équivalent peut aussi être obtenu avec l’utilisation de grille titane ou de membrane armée. Ces techniques présentent un taux de complication plus élevé lié au risque d’exposition. Cette technique d’augmentation verticale doit, selon nous, être préférée dans les atrophies verticales mandibulaires postérieures [1].

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Kamperos G, Zografos I, Tzermpos F, Iatrou I. Segmental sandwich osteotomy of the posterior mandible in pre-implant surgery. A systematic review. Med Oral Patol Oral Cirugia Bucal 2017;22:e132-e141.
  • 2. Tulasne JF, Guiol J, Jeblaoui Y. Reconstruction pré-implantaire du secteur mandibulaire postérieur. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2012;113:307-321.
  • 3. Starch-Jensen T, Aludden H, Hallman M, Dahlin C, Christensen AE, Mordenfeld A. A systematic review and meta-analysis of long-term studies (five or more years) assessing maxillary sinus floor augmentation. Int J Oral Maxillofac Surg 2018;47:103-116.
  • 4. Jensen OT. Alveolar segmental “sandwich” osteotomies for posterior edentulous mandibular sites for dental implants. J Oral Maxillofac Surg 2006;64:471-475.
  • 5. Keestra JAJ, Barry O, de Jong L, Wahl G. Longterm effects of vertical bone augmentation: a systematic review. J Appl Oral Sci 2016;24:3-17.
  • 6. Nóia CF, Ortega-Lopes R, Kluppel LE, Sá BCM de. Sandwich osteotomies to treat vertical defects of the alveolar ridge. Implant Dent 2017;26:101-105.
  • 7. Benlidayi ME, Gaggl A, Buerger H, Kahraman OE, Sencar L, Brandtner C, et al. Comparative study of the osseous healing process following three different techniques of bone augmentation in the mandible: an experimental study. Int J Oral Maxillofac Surg 2014;43:1404-1410.
  • 8. Geng Y, Zhou M, Parvini P, Scarlat S, Naujokat H, Abraha SM, et al. Sandwich osteotomy in atrophic mandibles: a retrospective study with a 2- to 144-month follow-up. Clin Oral Implants Res 2019;30:1027-1037.

Liens d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.