LES PROTOCOLES D’IMPLANTATION EN SECTEUR ANTÉRIEUR - Clinic n° 07 du 01/07/2022
 

Clinic n° 07 du 01/07/2022

 

Dossier

Ronan BARRÉ*   Matthieu RIMBERT**   Damien FEUILLET***   Raphaël BARTH****   François BOSCHIN*****   Romain DEGAEY******  


*Ancien AHU en Biologie. Chargé d’enseignement en Parodontologie. Président de la SFPIO Sud-Ouest. Co-fondateur du Cursus #PerioMind. Exercice libéral en Parodontologie et en Implantologie à Vic-Fezensac.
**Ancien AHU en Parodontologie. Trésorier de la SFPIO Sud-Ouest. Membre de la Bioteam Occitanie. Exercice libéral en Parodontologie et en Implantologie à Toulouse.
***Ancien interne des Hôpitaux, Ancien AHU en Parodontologie, Ancien attaché hospitalier. Président de la SFPIO Rhône-Alpes. Exercice libéral en Parodontologie et en Implantologie à Lyon.
****Ancien attaché du service de Parodontologie à Lyon. Trésorier de la SFPIO Rhône-Alpes. Exercice libéral en Parodontologie et en Implantologie à Lyon.
*****MCU-PH en Parodontologie. Responsable du Département de Parodontologie et du DU d’Implantologie clinique, Faculté Dentaire de Lille. Responsable de l’UF d’Implantologie, Service d’Odontologie, CHRU de Lille. Exercice libéral en Parodontologie et en Implantologie à Marcq-en-Barœul.
******Ancien interne des Hôpitaux de Lille, Ancien AHU en Parodontologie. Exercice libéral en Parodontologie, Implantologie et Chirurgie orale à Marcq-en-Barœul.

Demandez le tuto ! Les protocoles d’implantation en secteur antérieur en version immédiate, précoce ou différée ne s’envisagent pas de la même manière. Quand extraire, quand implanter, comment gérer la phase de prothèse provisoire ? Il est indispensable de connaître les protocoles et les temps opératoires afin de limiter les risques d’écueils lors de l’intervention ainsi qu’à long terme.

Dans le secteur antérieur, il est clairement préférable que le protocole de remplacement d’une dent par implant soit établi avant l’avulsion de celle-ci. Le choix de la technique s’appuie particulièrement sur une analyse clinique et des examens radiographiques tridimensionnels objectivant la position, le volume et la conformation des tissus durs et muqueux préexistants.

CHOIX THÉRAPEUTIQUES IMPLANTAIRES

Lorsqu’une dent compromise doit être remplacée par un implant, le praticien a le choix entre 4 protocoles thérapeutiques différents [1] (figure 1).

• Soit il peut placer l’implant le jour de l’extraction, c’est le protocole d’extraction/implantation immédiate.

• Soit il peut attendre 1 à 2 mois après l’extraction pour permettre la cicatrisation des tissus mous supra-alvéolaires, c’est le protocole d’implantation précoce avec cicatrisation muqueuse.

• Soit il peut attendre 3 à 4 mois après l’extraction pour obtenir un début de cicatrisation osseuse, c’est le protocole d’implantation précoce avec cicatrisation osseuse partielle.

• Soit il peut attendre 6 mois et plus après l’extraction pour obtenir une cicatrisation osseuse complète, c’est le protocole d’implantation différée.

Chacun de ces protocoles a ses avantages et ses inconvénients et correspond à une situation clinique spécifique [2].

Protocole d’extraction/implantation immédiate

C’est celui qui apporte le plus de satisfaction au praticien et au patient. En effet, ce dernier peut voir remplacer en une seule intervention la dent qui lui fait défaut. Du point de vue biologique, le fait de limiter le nombre de temps chirurgicaux sur le site évite la formation d’un tissu cicatriciel et permet un meilleur respect de l’architecture naturelle des tissus. Mais cet attrait à court terme peut se transformer en déception à long terme si les tissus péri-implantaires ne sont pas stables [3].

Les conditions pour envisager sereinement un protocole d’extraction/implantation immédiate sont les suivantes :

– paroi osseuse vestibulaire résiduelle intacte et épaisse ;

– phénotype gingival épais ;

– absence d’infection purulente du site ;

– volume osseux globalement suffisant pour permettre un bon positionnement 3D de l’implant et une bonne stabilité primaire (figure 2).

La figure 3 expose une situation pour laquelle la paroi vestibulaire est épaisse et intacte avec un phénotype parodontal épais. Le site ne présente pas d’infection purulente. Le volume osseux apical est exploitable pour stabiliser l’implant, rendant la situation favorable à une implantation immédiate.

Cette situation idéale est rarement rencontrée en secteur incisif maxillaire où moins de 5 % des sites présentent une paroi osseuse vestibulaire épaisse… Il convient donc d’évaluer le risque d’appliquer cette procédure à chaque cas clinique et de déterminer si ce risque est inférieur au bénéfice attendu [4]. Pour cela, certaines variables doivent être étudiées avant l’intervention (tableau 1).

Le phénotype gingival suppose un haut risque de récession quand il est fin [5]. La manière la plus simple d’en évaluer l’épaisseur est de glisser une sonde parodontale dans le sulcus dentaire. Si l’on voit la sonde par transparence, c’est que le phénotype est fin (figure 4).

La forme de contour gingival festonnée augmente également le risque de récession tissulaire. Ce paramètre est à mettre en corrélation avec une forme triangulaire des incisives [3].

La présence d’un bandeau de tissu kératinisé stable d’au moins 2 mm de hauteur en regard du collet de la dent limite le risque de récession et favorise l’hygiène locale [6].

La position de la crête osseuse doit idéalement être à 3 mm du collet clinique de la future dent sur implant. Si elle est plus apicale, le risque de récession est élevé [3].

Outre la prise en compte de ces prérequis, le praticien doit adapter son protocole chirurgical. Ainsi, l’indispensable préservation des parois osseuses alvéolaires impose une extraction atraumatique afin d’éviter toute perte osseuse lors de cette étape. Une fois la dent extraite, le placement de l’implant se réalise, idéalement, sans lever de lambeau, afin de préserver l’architecture des tissus environnants [3]. Mais cela induit une visibilité partielle des tissus durs au cours de l’intervention. Il faut donc analyser au mieux les volumes osseux du site ainsi que l’extension du canal naso-palatin, à partir d’un examen radiologique 3D pré-opératoire de bonne qualité. De plus, lors de l’intervention, une investigation des parois osseuses à l’aide d’une sonde parodontale est indispensable au départ pour s’assurer de leur intégrité suite à l’avulsion puis, lors de la séquence de forage, pour prévenir une éventuelle perforation de la table osseuse ou du canal naso-palatin [2] (figure 5).

Si un doute existe, il est nécessaire de lever un lambeau.

Une autre particularité de cette intervention d’extraction/implantation immédiate est le positionnement tridimensionnel de l’implant qui peut être rendu difficile par la différence de résistance des parois alvéolaires qui ont tendance à vestibuler le forage. Il est, dès lors, très intéressant de prévoir au préalable un dispositif de guidage chirurgical. Cela permet d’assurer ce positionnement 3D qui est déterminant pour le résultat esthétique mais également pour prévenir le risque de récession [6].

Une position palatine de l’implant permet de ménager un espace d’au moins 2 mm entre l’implant et la paroi alvéolaire vestibulaire. Cet espace peut alors être comblé à l’aide d’un substitut osseux à résorption lente qui permettra de limiter la perte osseuse vestibulaire et de pérenniser l’environnement péri-implantaire dans le temps [2].

Protocole d’implantation précoce

Quand les conditions ne sont pas réunies pour pratiquer un protocole d’extraction/implantation immédiate, il est nécessaire d’avulser la dent et de retarder la pose de l’implant. Selon les situations, celle-ci pourra se faire après 1 à 2 mois. C’est le protocole d’implantation précoce.

Ce délai va avoir des conséquences positives sur le site opératoire :

– les tissus mous cicatrisent spontanément et ferment l’alvéole, offrant ainsi une surface kératinisée supplémentaire ;

– l’os alvéolaire fasciculé se résorbe et un épaississement des tissus mous se produit localement ;

– les infections se résolvent, ce qui réduit le risque bactérien sur le site implantaire ;

– en apical de l’alvéole, la néo-formation osseuse a débuté et favorise la préparation du lit implantaire.

Cependant, par rapport à l’implantation immédiate, la fermeture des tissus va nous amener à devoir recréer secondairement l’espace supra-crestal et à sculpter un profil d’émergence permettant d’obtenir une réhabilitation implanto-portée esthétique.

L’intervention de pose d’implant se réalise dans un deuxième temps chirurgical par rapport à l’extraction, avec un lambeau d’accès dont l’incision crestale sera pratiquée à l’aplomb de la paroi osseuse palatine afin d’emporter l’épaississement tissulaire obtenu avec le lambeau. Ainsi, ce gain d’épaisseur muqueux permet en général de se passer d’une greffe de tissu conjonctif lors de l’intervention [2].

Le positionnement tridimensionnel de l’implant répond aux mêmes impératifs que pour le protocole d’extraction/­implantation immédiate, mais le forage dans la crête osseuse ne subit plus de résistance latérale car les parois alvéolaires se sont résorbées, ce qui le rend plus facile. Extemporanément, un protocole de régénération osseuse guidée est généralement pratiqué afin de réhabiliter le volume osseux vestibulaire [2].

La figure 6 expose une situation pour laquelle la paroi vestibulaire fine nécessite d’être épaissie afin d’assurer une pérennité de la restauration impliquant une implantation précoce.

La figure 7 se caractérise par une infection aiguë d’origine endodontique associée à une paroi osseuse vestibulaire déficiente nécessitant également un protocole d’implantation précoce.

Protocole d’implantation précoce avec cicatrisation osseuse partielle

Dans les rares cas où une lésion osseuse péri-apicale compromet l’obtention d’une stabilité primaire suffisante pour la pose d’un implant (figure 8), l’implantation doit être davantage retardée. Après un délai de 3 à 4 mois, on voit la mise en place d’une cicatrisation osseuse alvéolaire plus poussée et la quantité de tissu osseux apical obtenu permet d’escompter un support suffisant pour stabiliser l’implant. Ce protocole est également pertinent dans le cas d’alvéoles très larges [2].

Protocole d’implantation différée

Si le volume osseux apical reste insuffisant pour stabiliser l’implant à cause d’une lésion kystique très volumineuse ou d’une dent incluse par exemple, il vaut mieux attendre une cicatrisation osseuse plus complète et préférer un protocole d’implantation différée au-delà de 6 mois.

D’autres circonstances ne permettent pas l’implantation précoce. C’est le cas notamment des patients n’ayant pas terminé leur croissance pour lesquels l’implantation doit être repoussée. Une grossesse ou des impératifs privés peuvent aussi conduire à différer l’implantation. Dans ces situations, il est recommandé de compléter l’extraction par un protocole de préservation alvéolaire avec la mise en place d’un substitut osseux à faible taux de résorption. Cela permettra de limiter la résorption de la crête osseuse et évitera souvent une reconstruction osseuse pour le placement de l’implant [2]. En revanche, il est souvent nécessaire d’aménager les tissus mous car le délai entre l’extraction et la pose de l’implant aura altéré l’architecture gingivale initiale [5].

En outre, l’implantation doit être également retardée dans le cas de défauts osseux majeurs nécessitant une reconstruction tridimensionnelle du site osseux préalable à l’implantation. Le délai peut alors être porté à 8 mois afin de placer l’implant dans un tissu osseux suffisamment mature pour assurer une bonne stabilité primaire. C’est la situation rencontrée dans la figure 9 pour laquelle un implant en position très vestibulaire est déposé et où une reconstruction osseuse a été entreprise préalablement à la pose d’implant.

Toutes ces stratégies sont fondées sur des considérations de cicatrisation et de maturation des tissus. Cependant, pour respecter la vie sociale du patient, une solution de temporisation assurant l’esthétique et la préservation du site sous-jacent doit lui être assurée.

CHOIX THÉRAPEUTIQUES DE TEMPORISATION

La temporisation était classiquement assurée par une prothèse partielle amovible mais, aujourd’hui, une couronne collée aux dents adjacentes (figure 10), un bridge collé (figures 11 et 12) ou une gouttière thermoformée (figure 13) contenant une dent du commerce lui sont préférés pour le confort du patient et pour éviter les pressions sur le site opératoire. Dans le contexte du protocole d’extraction/implantation immédiate (figure 14), il est idéal de pouvoir placer une couronne provisoire directement vissée à l’implant qui va pouvoir guider la cicatrisation des tissus mous et préparer parfaitement le lit de la future couronne d’usage [3]. Ce protocole très attractif pour le patient doit s’assortir de précautions primordiales pour obtenir un résultat esthétique car un échec pourrait compromettre l’implant lui-même (tableau 2).

Il est indispensable d’obtenir le concours du patient dans ces étapes. Il doit être capable de conserver une alimentation liquide pendant 2 semaines, puis souple pendant les 4 mois suivants avec une interdiction formelle d’inciser notamment les sandwichs… Il est évident dans un tel contexte que la couronne provisoire n’a qu’un objectif esthétique et doit être non fonctionnelle, c’est à dire être en sous-occlusion statique et dynamique [3].

Le niveau gingival pré-opératoire doit être harmonieux avec la dent controlatérale et avec les dents adjacentes car ce protocole ne permet pas un gain de hauteur gingivale. On observe plus volontiers une légère récession lors de la cicatrisation. D’ailleurs, une greffe de tissu conjonctif enfoui accompagne avantageusement l’intervention d’extraction/implantation/mise en esthétique immédiate pour assurer le maintien du volume des tissus mous dans le temps [7].

Le placement tridimensionnel de l’implant doit permettre l’édification de l’espace supra-crestal et assurer l’émergence de la vis en palatin, au niveau du cingulum de la dent. Dans le sens vertical, un col implantaire positionné à 3 mm sous le collet clinique de la future couronne va permettre la définition d’un profil d’émergence adapté qui soutiendra et guidera les tissus mous pour permettre leur stabilité à long terme [3].

Afin obtenir une stabilité implantaire suffisante pour supporter la réhabilitation provisoire, un couple d’insertion implantaire d’au moins 35 N.cm est recommandé. Dans ce but, le volume osseux doit disposer d’au moins 4 mm au-delà de l’apex de l’alvéole, ainsi qu’en palatin.

Le choix du système implantaire, en s’orientant notamment vers un implant conique auto-taraudant, ainsi qu’un protocole de forage spécifique à cette technique apparaissent ici essentiels [8].

Dans le cas où toutes ces précautions ne peuvent pas être respectées, il faut envisager une temporisation classique et l’étape de la couronne provisoire vissée doit être différée après la cicatrisation osseuse péri-implantaire.

CONCLUSION

Il est ainsi possible de remplacer une dent par un implant selon quatre procédures aux indications complémentaires.

Toute avulsion implique, d’une part, une réponse de cicatrisation des alvéoles et, d’autre part, un processus de résorption des tissus durs et mous. La balance entre ces deux phénomènes est liée au profil de risque individuel qu’il convient d’appréhender avant la séquence thérapeutique.

BIBLIOGRAPHIE

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  • 8. Rieder D, Eggert J, Krafft T, Weber HP, Wichmann MG, Heckmann SM. Impact of placement and restoration timing on single-implant esthetic outcome: A randomized clinical trial. Clin Oral Impl Res 2016;27:80-86.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.