Endodontie guidée dynamique - Clinic n° 04 du 01/04/2022
 

Clinic n° 04 du 01/04/2022

 

Revue de presse

Internationale

Mathieu IZART  

La cavité d’accès, première étape du traitement endodontique, peut s’avérer parfois complexe mais sa bonne réalisation est l’une des clés de la réussite du traitement. L’article présenté se propose donc de comparer des cavités d’accès réalisées à main levée avec des cavités d’accès où la main du praticien est, cette fois, guidée par un système de navigation dynamique (sans guide physique). Le but principal est d’évaluer la perte de substance associée à sa...


La cavité d’accès, première étape du traitement endodontique, peut s’avérer parfois complexe mais sa bonne réalisation est l’une des clés de la réussite du traitement. L’article présenté se propose donc de comparer des cavités d’accès réalisées à main levée avec des cavités d’accès où la main du praticien est, cette fois, guidée par un système de navigation dynamique (sans guide physique). Le but principal est d’évaluer la perte de substance associée à sa réalisation. Ce système de navigation dynamique est une technique relativement récente mais il existe déjà quelques articles sur le sujet dans le domaine de l’implantologie et de l’endodontie.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Des blocs de dents antérieures ont été modélisés : 3 incisives centrales maxillaires, 3 latérales et 3 canines extraites ont été scannées et leurs images miroirs conceptualisées. De là, 3 modèles faits de jeux de 6 dents de même nature ont été imprimés. Étant donné qu’il y a deux opérateurs - un expérimenté et un jeune praticien - et deux techniques différentes, 12 modèles ont ainsi été produits, un pour chaque situation.

La technique en navigation dynamique requiert un CBCT et une empreinte optique du modèle. Une fois ceux-ci obtenus, il est possible de conceptualiser un trajet de forage idéal. Celui-ci sera mis en relation avec d’autres repères anatomiques afin d’obtenir des axes de repère. Un guide-repère équipé d’un capteur sera alors imprimé et calibré, mis en bouche à distance de la zone de travail. Le contre-angle est équipé de deux capteurs qui permettent d’obtenir une triangulation dans l’espace de la position de la fraise par rapport à l’axe de forage précédemment défini. Lors de la mise en route de l’appareil, le rapport, selon les trois sens de l’espace, de la fraise par rapport à l’axe de forage conceptualisé précédemment apparaît sur un écran en temps réel.

À ce stade, il ne reste plus qu’à réaliser la cavité d’accès. La main du praticien reste sans contraintes : seules les indications notées à l’écran guident le praticien dans son geste. Une fois toutes les cavités d’accès réalisées de cette manière, les deux praticiens reviennent deux semaines plus tard pour effectuer le reste des cavités d’accès sans guidage.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Une seule dent a été perforée, à la fois avec et sans guidage, par le jeune praticien. Pour les autres, une étude tomographique a été menée afin de quantifier la perte de substance liée à chaque cavité d’accès. Elle montre principalement deux choses.

Dans la technique conventionnelle, il existe une différence statistiquement significative des pertes de substance de la cavité d’accès en fonction de l’expérience clinique du praticien. Le plus expérimenté est plus économe en tissu d’un facteur 2 : 19,9 mm3 de perte de substance en moyenne (contre 39,4 mm3 en moyenne pour le jeune praticien).

Lorsque l’on s’intéresse aux résultats de l’endodontie guidée, on remarque deux choses : d’une part, les différences inter-opérateurs disparaissent et, d’autre part, il existe une différence statistiquement significative de perte de substance entre la cavité réalisée en étant guidée par rapport à celle à main levée. On passe ainsi en moyenne à 10,3 mm3 de tissu total soustrait pour le praticien expérimenté et à 10,6 mm3 pour le praticien jeune.

Les différences de temps de réalisation de cavité d’accès étaient comparables.

PERTINENCE CLINIQUE

En réalité, cette technique d’endodontie guidée ne diffère guère d’une autre technique déjà connue, celle que l’on appelait déjà endodontie guidée, où le geste est optimisé grâce à un guide physique supra-dentaire. Peut-être faudrait-il ainsi distinguer l’endodontie guidée dynamique de l’endodontie guidée statique. Si l’endodontie guidée dynamique fait ses preuves, elle aura l’avantage de lever un certain nombre de contraintes, notamment liées à l’encombrement.

On sait déjà pour l’endodontie guidée statique que le geste est supposé être moins délabrant par rapport au geste conventionnel, puisque l’on suit un trajet prédéfini et droit, sans « chercher » de part et d’autre son canal. Le bénéfice est réel puisqu’il permet de conserver de la dentine au niveau de la jonction amélo-cémentaire et donc préserver au maximum la résistance mécanique de la dent. Il semble donc ici qu’il en soit de même pour la technique dynamique et qu’elle soit reproductible. Néanmoins, cet article apporte une petite nuance supplémentaire : les résultats semblent plus constants, et ce quelle que soit l’expérience clinique de l’opérateur. Il y a là un atout indéniable de la technologie qui met à la portée de tous des gestes techniques parfois fastidieux.

Contrairement à d’autres articles, la technique guidée ne semble pas ici faire gagner de temps opératoire. Une des hypothèses pouvant expliquer cela serait une prise en main encore un peu complexe. Quoi qu’il en soit, la technique guidée nécessitant un temps pré-opératoire accru, le gain de temps ne semble pas être le motif principal qui conduit à son utilisation. Elle ne serait donc choisie que pour certains cas spécifiques (canaux calcifiés…). À cela, ajoutons que la teinte dentinaire n’est pas visible sur les dents en résine. On pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la perte de substance soit moindre sur des dents naturelles en technique conventionnelle.

La technique en elle-même n’est donc pas encore complète et ses indications sont encore à définir clairement. Mais la technologie est là, pleine de potentialités. Si les machines ne nous remplacent pas encore, du moins la technologie est-elle déjà suffisamment évoluée pour guider notre geste vers plus de précision et d’assurance.

La Revue de presse est coordonnée par

Philippe FRANCOIS

MCU-PH en Biomatériaux, UFR d’Odontologie-Montrouge, Université de Paris, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Bretonneau.

Ont collaboré à cette revue de presse :

Adrian BRUN

MCU-PH en Parodontologie, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Henri-Mondor

Charline CERVELLERA

Spécialiste qualifiée en Chirurgie orale, DDS, University of California, Los Angeles, Intern in Oral and Maxillofacial Surgery, Mass General Hospital/Harvard School of Dental Medicine, Boston.

Philippe FRANCOIS

MCU-PH en Biomatériaux, UFR d’Odontologie-Montrouge, Université de Paris, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Bretonneau.

Martin GAUDINAT

Chirurgien oral, Assistant spécialiste des hôpitaux, Service de Chirurgie maxillo-faciale, Hôpital de la Croix-Rousse, HCL, Lyon.

Mathieu IZART

AHU en Odontologie restauratrice et Endodontie, UFR d’Odontologie-Montrouge, Université de Paris, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Bretonneau.