Dossier
Roger JOERGER* Xavier VAN BELLINGHEN** Alexis JENNY***
*MCU-PH, Faculté de Chirurgie dentaire de Strasbourg. Exercice libéral, Strasbourg.
**DE de kinésithérapie MCU-PH, Faculté de Chirurgie dentaire de Strasbourg.
***Attaché d’enseignement, Faculté de Chirurgie dentaire de Strasbourg.
Après l’anamnèse et l’examen clinique, le praticien recourt à l’axiographie pour compléter ou étayer son diagnostic. L’axiographie mécanique en particulier est un moyen simple, peu coûteux et suffisant dans la plupart des cas pour explorer l’ATM directement au fauteuil, sans aucune aide complémentaire. Elle ne remplace cependant pas l’IRM, elle la précède et la complète. Les praticiens sont souvent peu adeptes de cette technique pourtant généreuse en renseignements et d’une aide précieuse dans le pronostic des dyskinésies dento-articulaires.
L’examen axiographique permet, dans les situations cliniques de dysfonctions dento-articulaires difficiles, de contribuer avec facilité et élégance à l’établissement d’un diagnostic très précis et objectif.
Le diagnostic des DDA (dyskinésies dento-articulaires), DTM (dysfonctions temporo-mandibulaires), DCM (dysfonctions cranio-mandibulaires), DAM (dysfonctions de l’appareil manducateur) s’effectue en 4 étapes chronologiques : l’anamnèse, l’examen clinique endo et exobuccal, l’axiographie et, si besoin, l’imagerie médicale en privilégiant l’IRM [1]. Le diagnostic peut être établi très rapidement, dès l’anamnèse (ex. : « j’ai la mâchoire bloquée, je n’arrive plus à ouvrir la bouche »), mais il peut aussi ressembler à une véritable enquête afin de « débusquer » la nature de la pathologie. Bien souvent, un diagnostic précis se mérite et l’axiographie constitue une méthode sûre, fiable, peu coûteuse et simple à mettre en œuvre afin d’établir le diagnostic, d’évaluer le pronostic et de choisir la modalité thérapeutique la plus appropriée [2, 3].
Un axiographe ne sert plus actuellement à évaluer les paramètres de réglage d’un articulateur, pour la simple raison qu’un articulateur ne sait pas mastiquer « à l’endroit » et qu’il est donc incapable de recréer les guidages fonctionnels d’entrée et de sortie de cycle [4-6]. Il ne sert qu’au diagnostic, ce qui suppose que les drapeaux d’enregistrement soient fins et le plus proche possible des téguments afin de minimiser les artéfacts ; en exercice d’omnipratique occlusodontique, un axiographe mécanique suffit amplement (type SAM2®) (figure 1).
L’électronique a simplement l’avantage de visionner les tracés en temps réel et à fort grossissement dans les plans XYZ (figures 2 et 3). Si l’on souhaite utiliser une fourchette para-occlusale afin d’enregistrer la mastication, le diagnostic des DDA sera facilité car la mastication « exacerbe » la pathologie, l’amplifie, la visualise mieux [7, 8]. Mais, en pratique, l’utilisation d’une fourchette occlusale garnie de silicone assure une précision suffisante.
Elle se limite sur le plan axiographique à l’état de coaptation du disque sur la tête du condyle. Les muscles masticateurs sont explorés par la palpation directe ou par l’électromyographie.
Le disque ressemble à un béret sur la tête, avec un isthme central fin et un bourrelet périphérique d’épaisseur variable : plus épais à l’arrière qu’à l’avant, plus épais en médial qu’en latéral. Il est fortement amarré à l’arrière par la lame rétro-discale déterminant une zone richement vascularisée et innervée et se prolonge à l’avant par les muscles ptérygoïdiens latéraux, les insertions du temporal et du masséter [9] (figure 4). Une modification positive ou négative des guidages occlusaux fonctionnels pourra se répercuter sur la dynamique des éléments de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM), visible au niveau du cycle masticatoire.
Il existe de nombreuses propositions de classification des DDA. Cependant, une seule question nous intéresse, commune à l’examen radiographique (figure 5) : « où est le disque articulaire, dans quel état est-il, comment est la corticale osseuse, existe-t-il des signes d’inflammation ? ». Deux cliniciens américains, Farrar et McCarty, proposent en 1968 une classification fondée sur la position du disque sur la tête du condyle qui, à peine modifiée, peut servir de référence dans une pratique courante [10, 11] (tableau 1).
L’enregistrement de la mastication s’effectue généralement en 4 étapes : selon les philosophies occlusales, marquage éventuel d’une relation centrée (RC) en rouge, position induite par l’opérateur qui manipule son patient en exerçant une contrainte de compression sur l’ATM, plaçant celle-ci quelque part dans l’aire des entrées de cycle ; de nombreuses positions en RC sont possibles en fonction de la force exercée sur la mandibule (un peu, beaucoup, à la folie ?). Marquage de la position de référence unique en noir (l’OIM, si elle est fiable bien sûr) [12-15]. Enregistrement de 3 mouvements à vide à partir de l’OIM [16] pour examiner le mouvement ATM-disque articulaire : ouverture, fermeture et diduction centrifuge.
Le tracé physiologique « normal » d’un adulte denté sans traitement et en classe I, doté d’entrées et de sorties de cycle de mastication généralisées, présente les caractéristiques suivantes : le tracé est concave vers le haut, régulier et fluide, répétitif, sans dédoublement ni ressaut ; l’amplitude est d’une quinzaine de millimètres au moins ; l’angle de Fischer est positif et apparaît vers le sixième millimètre (figure 6).
• La capsulite, inflammation de la capsule articulaire, constitue la première manifestation de la pathologie, avec une augmentation du jeu disque-condyle ; le tracé se dédouble et débute par une sigmoïde qui signe la faible dissociation disque/condyle (figures 7 à 9).
• Le déplacement discal réductible : 2 claquements signent la réassociation d’abord puis la dissociation du binôme disque/condyle (figure 10).
• Le déplacement discal permanent aigu ou chronique montre un tracé rectiligne, un condyle sans disque, avec les différents degrés d’ouverture buccale allant du blocage à l’amplitude importante (figures 11 et 12).
• L’articulation est détruite et présente des remaniements osseux plus ou moins accentués avec des amplitudes de mobilité pouvant aller jusqu’à l’ankylose fonctionnelle (figures 13 et 14).
D’autres tracés sont bien entendu dignes d’intérêt, tels que ceux de la mastication, de la déglutition ou de la croissance chez l’enfant [17-20] (figures 15 à 17).
L’interprétation d’un tracé axiographique s’inscrit dans le contexte d’une anamnèse bien conduite et d’un examen clinique approfondi. Elle s’avère nécessaire pour confirmer un diagnostic mais n’est pas infaillible et demande parfois un examen IRM complémentaire.
Le bilan axiographique suscite un moment de réflexion de la part du praticien car le pronostic se situe après le diagnostic et avant le traitement : peut-on intervenir, à quelles conditions, avec quelles chances de réussite, de quelle manière ? L’étape complémentaire de l’axiographie sera l’examen du cycle de mastication.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.