L’OBLITÉRATION PULPO-CANALAIRE DE L’INCISIVE CENTRALE MAXILLAIRE TRAUMATISÉE QUEL TRAITEMENT ? - Clinic n° 04 du 01/04/2021
 

Clinic n° 04 du 01/04/2021

 

Oblitération

Pulpaire

Eléonore DOUSSET*   Matthieu MARRET**   Fleur BERES***   Rémy SARAUX****  


*Exercice libéral limité à l’endodontie, Bordeaux.
**Ancien AHU, Faculté de Bordeaux. Ancien praticien attaché, CH Pellegrin, Bordeaux. Exercice libéral limité à l’endodontie, Bordeaux.
***MCU-PH, Responsable du DIUE, Hôpital Bretonneau.
****Ancien AHU, Exercice libéral limité à l’endodontie, Paris. DIU d’Endodontie, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris.

DÉFINITIONS ET RAPPELS

Définition

L’oblitération pulpo-canalaire (OPC) est définie par l’American Association of Endodontists (AAE) [1] comme : « La réponse pulpaire résultant d’un traumatisme, caractérisée par un dépôt rapide de tissu dur dans l’espace canalaire ».

Luxations et prévalence des OPC

Les traumatismes de l’incisive centrale maxillaire les plus fréquents sont...


Résumé

L’incisive centrale maxillaire définitive est la dent la plus souvent traumatisée. Suite au traumatisme, 4 à 24 % des dents s’oblitèrent. Jusqu’à 16 % de ces dents oblitérées se nécrosent dans le temps et une radio-clarté apicale est alors identifiée. La couronne clinique peut jaunir. C’est souvent pour ce motif que le patient consulte et que l’oblitération pulpo-canalaire est découverte.

La prise en charge de la dent oblitérée est un défi et une source d’appréhension pour le praticien. Le risque d’erreur iatrogène peut mener à une situation d’échec.

Récemment, de nouvelles techniques ont été décrites pour le traitement endodontique de la dent oblitérée : l’endodontie guidée et la microchirurgie endodontique en première intention.

DÉFINITIONS ET RAPPELS

Définition

L’oblitération pulpo-canalaire (OPC) est définie par l’American Association of Endodontists (AAE) [1] comme : « La réponse pulpaire résultant d’un traumatisme, caractérisée par un dépôt rapide de tissu dur dans l’espace canalaire ».

Luxations et prévalence des OPC

Les traumatismes de l’incisive centrale maxillaire les plus fréquents sont les fractures coronaires sans exposition pulpaire (44 %) et les luxations (concussions et subluxations : 40 %, extrusions et luxations latérales : 20 %) [2].

Andreasen a décrit cinq types de luxations [3] et certaines études se sont intéressées au pronostic des dents luxées et à la conduite à tenir.

Du point de vue endodontique, les principales complications des luxations sont la nécrose pulpaire avec parodontite apicale, l’oblitération pulpo-canalaire, l’ankylose et la résorption radiculaire.

De plus, le degré de déplacement lors de la luxation, le délai de traitement, le stade de maturation de la dent et les fractures coronaires concomitantes affectent le pronostic des dents luxées [4].

À partir de plusieurs études récentes [4-7], il a été constaté que les modèles de guérison pulpaire pouvaient généralement être divisés en 3 groupes selon le type de traumatisme subi par la pulpe.

Ainsi, après une luxation, la pulpe peut conserver sa vitalité sans changement radiographique (PS pour survie de la pulpe), s’oblitérer (OPC), ou se mortifier et créer une nécrose pulpaire (PN) (figure 1).

Les dents les plus sujettes à développer une oblitération pulpo-canalaire sont les dents permanentes immatures ayant subi une luxation extrusive, latérale ou intrusive.

Au contraire, les dents dont l’apex est fermé sont plus à même de se nécroser dans le temps.

La plupart des cas de nécrose pulpaire des dents luxées deviennent évidents dans les 4 mois qui suivent le traumatisme. Par conséquent, un examen de suivi fréquent est recommandé : tous les mois jusqu’à 6 mois puis tous les 6 mois, car l’une des issues peut être le développement d’une résorption radiculaire, pathologie ayant une évolution très rapide.

Dans certains cas, la nécrose pulpaire peut apparaître à une date beaucoup plus tardive et un suivi à long terme est donc essentiel [8].

Histopathologie

La réduction de la lumière pulpaire après un traumatisme est due à une apposition excessive et rapide de dentine due à la cicatrisation pulpaire par revascularisation, et non à une réelle pathologie pulpaire.

La synthèse et l’apposition de dentine le long de la cavité pulpaire se déroulent tout au long de la vie d’une dent saine. Lorsque le foramen apical est formé, le rythme d’apposition de dentine diminue drastiquement : de 4 µm/jour pour la dentine primaire, il passe à 0,4-0,8 µm/jour. L’apposition de cette dentine secondaire physiologique n’est pas uniforme [9].

Andreasen et al. émettent l’hypothèse que l’oblitération pulpo-canalaire est liée à une revascularisation après un traumatisme sévère au niveau du paquet vasculo-nerveux de la pulpe [3, 4].

La différence de chronologie entre la réparation nerveuse et la réparation vasculaire pourrait entraîner une perte de contrôle de la stimulation du nerf sympathique sur l’activité sécrétoire odontoblastique, entraînant un dépôt rapide de dentine jusqu’à 3,5 µm/jour [10] et, finalement, une oblitération de la lumière canalaire.

Ce mécanisme de régulation sur la synthèse de la dentine peut ne jamais être rétabli, conduisant à une oblitération complète. Étant donné que l’oblitération progresse dans une direction corono-apicale, une oblitération pulpo-canalaire partielle affecte généralement la chambre pulpaire et la partie coronaire du canal, tandis que la partie radiculaire du canal reste visible, bien que nettement diminuée [3].

Le mécanisme d’apposition reste un sujet de controverse selon les auteurs pour qui les cellules impliquées pourraient être soit des odontoblastes primaires stimulés par le traumatisme, soit des cellules nouvellement différenciées dérivant de la lignée odontoblastique, voire même des cémentoblastes et des ostéoblastes.

Dans tous les cas, aucun micro-organisme n’a été observé.

Tableau clinique et radiologique de l’OPC

Réponse au test de sensibilité pulpaire

Immédiatement après le traumatisme, la dent affectée ne répond pas toujours aux tests de sensibilité pulpaire mais cette réponse peut redevenir positive après plusieurs semaines.

La dent oblitérée ne répond pas ou alors faiblement aux tests de sensibilité pulpaire et la réponse au test diminue lorsque l’oblitération s’accentue.

Les tests de sensibilité pulpaire n’ont pas de valeur pour le diagnostic.

Teinte de la couronne clinique

La couronne clinique peut jaunir progressivement dans 67 à 79 % des cas. Ce changement de teinte est causé par le dépôt de dentine qui affecte les propriétés de transmission de la lumière de la couronne (figure 2).

Plus rarement, la couronne clinique peut également griser (2,5-12 % des dents présentant une oblitération pulpo-canalaire). Cette altération peut être attribuée à la diffusion des produits de dégradation issus de l’hémorragie pulpaire ou de la décomposition des tissus nécrotiques dans les tubules dentinaires [5].

La dyschromie de la couronne clinique devient alors un défi esthétique pour le chirurgien-dentiste.

Cependant, la dyschromie de la couronne et la réponse au test de sensibilité ne sont pas des critères pour définir l’état pulpaire d’une dent présentant une oblitération pulpo-canalaire.

Symptomatologie

Dans la majorité des cas, les dents présentant une oblitération pulpo-canalaire sont asymptomatiques et la découverte de l’OPC se fait de façon fortuite [5].

L’interrogatoire est primordial afin de connaître un antécédent de traumatisme, même ancien.

Une douleur spontanée à la percussion, un léger gonflement ou une fistule sont autant de symptômes qui peuvent suggérer une manifestation clinique d’une nécrose et donc de la présence d’une LIPOE. Le diagnostic se confirmera avec la radiographie.

Radiologiquement

La formation rapide d’un tissu dur au niveau de la cavité pulpaire est généralement diagnostiquée grâce à une radiographie dans la première année suivant le traumatisme.

Une réduction de la taille de l’espace pulpo-canalaire de la dent traumatisée est observée, pouvant mener à une oblitération totale [11].

Même si l’oblitération paraît totale radiologiquement, cela ne veut pas forcément dire qu’il n’y a plus d’espace canalaire. En effet, la résolution des radiographies conventionnelles n’est pas suffisante.

1 à 16 % des dents présentant une oblitération pulpo-canalaire se nécrosent dans les 2 ans après le traumatisme, avec le développement d’une radio-clarté apicale 4 ans après le traumatisme [5].

Décision thérapeutique

Le motif de consultation du patient présentant une OPC de l’incisive centrale maxillaire est souvent esthétique. Sur le plan endodontique, c’est la pathologie qui doit être traitée. Le traitement endodontique ne doit donc pas être entrepris pour des raisons esthétiques.

L’American Association of Endodontists propose une grille d’évaluation de la difficulté de réalisation d’un traitement endodontique en fonction de critères pré-opératoires [1].

Quand le canal ne peut être distinctement identifié radiologiquement, le traitement endodontique entre dans la catégorie des traitements difficiles et devrait être délégué à un endodontiste.

Lorsque le traitement endodontique d’une incisive dont le canal est oblitéré doit être réalisé, plusieurs options thérapeutiques s’offrent au chirurgien-dentiste : le traitement endodontique orthograde conventionnel, l’endodontie guidée, et la microchirurgie endodontique en première intention, le choix étant fait en fonction de son expertise et de la situation clinique.

TRAITEMENT ENDODONTIQUE ORTHOGRADE

Cavité d’accès

Classiquement, la cavité d’accès idéale pour le traitement endodontique d’une incisive maxillaire est triangulaire et centrée sur la face palatine. La base du triangle est parallèle au bord incisif et son sommet est localisé juste au-dessus du cingulum, sur la ligne médiane. La cavité n’intéresse que la face palatine.

Pour la cavité d’accès d’une incisive centrale maxillaire présentant une OPC, le point d’entrée de la cavité d’accès peut être réalisé au niveau du bord libre pour favoriser un accès rectiligne. Quoiqu’il en soit, l’espace caméral est toujours au centre, au niveau de la jonction amélo-cémentaire.

Il convient de se rappeler que les différences de teinte des parois canalaires constituent une véritable cartographie et que les aides optiques comme le microscope permettent avant tout de pouvoir lire cette carte.

Le canal est généralement gris foncé et contraste avec la teinte claire et vitreuse de la dentine axiale.

Différentes aides visuelles permettent également de mettre en évidence les entrées canalaires [12] :

- l’effervescence née de la réaction entre la solution d’hypochlorite de sodium et les matières organiques ;

- l’utilisation de colorants comme le bleu de méthylène ou la fluorescéine de sodium : ils possèdent une affinité pour tous les tissus organiques, qu’il s’agisse de tissu pulpaire vivant ou nécrosé ;

- la transillumination : l’apport de lumière co-axiale permet de mettre en évidence les différences de couleur entre la dentine primaire et la dentine réactionnelle.

Instrumentation

Il existe de nombreux types de fraises sur rotatifs mais les ultra-sons permettent à la fois d’augmenter le contrôle et la sécurité tout en maintenant une force de coupe importante.

Les instruments ultrasonores employés en endodontie sont nombreux et sont spécifiques à leur fonction. Leur avantage principal est leur forme moins encombrante grâce à un design spécifique qui permet à la pointe de ne pas être dans le prolongement de la pièce à main. Cela permet un dégagement total du champ visuel lors de leur utilisation sous microscope. L’utilisation des inserts à ultrasons limite le risque de perforation lié à l’utilisation de fraises montées sur turbine. Ils peuvent également servir à la progression en profondeur dans le canal. Utilisés à faible puissance et grâce à leur pointe fine, ils permettent d’être précis et économes en tissu [13].

Les fraises long col telles que les fraises Munce (Munce Discovery Burs, CJM Engineering, États-Unis) montées sur contre-angle bague bleue permettent également d’avoir un champ visuel important.

Problématiques du traitement d’une dent présentant une oblitération pulpo-canalaire

L’oblitération pulpaire se produit en direction corono-apicale, la principale difficulté réside donc dans la localisation de l’entrée canalaire. Dès que le passage dans le canal a été initié par une lime de cathétérisme, les instruments de mise en forme auront tendance à progresser plus facilement au fur et à mesure qu’ils iront en direction apicale. Mais localiser le canal puis le mettre en forme jusqu’à la longueur de travail peut conduire à des erreurs iatrogènes : fausse route, perforation iatrogène, délabrement excessif, fractures instrumentales. Ces aléas thérapeutiques diminuent le taux de succès à long terme et peuvent compromettre la survie de la dent [10] (figures 3 et 4).

ENDODONTIE GUIDÉE

Indications

La technique du guidage en endodontie a été décrite initialement par Kfir et al. en 2013 [14].

Le but était de créer un guide afin de traiter une dent présentant une anomalie morphologique, en s’appuyant sur les données de la tomographie volumique à faisceau conique.

Les fichiers DICOM du CBCT exportés en format STL permettent l’impression de répliques dentaires en résine acrylique. Grâce à ces répliques, il est déterminé un axe idéal de travail et d’accès au canal. Puis un guide à appui dentaire donnant la trajectoire d’accès est réalisé et le traitement endodontique effectué.

L’endodontie guidée pallie les aléas thérapeutiques qui peuvent être rencontrés lors du traitement endodontique orthograde d’une dent oblitérée, grâce à l’utilisation d’un guide.

Le canal doit être visible pour planifier le point d’entrée et l’axe pour la pénétration des forets dans la partie oblitérée.

L’absence de canal visible sur une radiographie rétro-alvéolaire ne signifie pas forcément qu’il n’y a plus d’espace canalaire. Il est donc nécessaire d’avoir une haute résolution de l’ordre de 80 à 150 microns pour la réalisation du CBCT.

Le champ d’acquisition doit être limité à la région d’intérêt et doit englober la dent concernée et ses structures environnantes, afin de réduire la dose de rayonnements.

Cas clinique : traitement endodontique guidé d’une 11 présentant une OPC

Histoire de la maladie

Une patiente a été adressée à l’équipe du DIU à l’hôpital Bretonneau pour la prise en charge du traitement endodontique de la 11. La patiente rapporte un antécédent de traumatisme dans l’enfance et un traitement orthodontique. Ses dents 11 et 21 ont jauni et sa demande actuelle est l’amélioration de leur esthétique. Un traitement endodontique orthograde a été initié par plusieurs confrères sur la 11 mais le canal n’a pu être négocié.

Examen clinique (figure 5)

• Les couronnes cliniques de 11 et 21 sont jaunâtres.

• Une cavité d’accès endodontique a été initiée pour la 11, obturée provisoirement par une restauration non étanche.

• La 11 et la 21 ne répondent pas au test de sensibilité pulpaire (Pulp Tester).

• La percussion axiale et la palpation vestibulaire sont asymptomatiques et le sondage est physiologique tout autour de ces 2 dents. La percussion de la 21 révèle un bruit métallique.

Examen radiographique (figure 6)

• La 11 présente une oblitération pulpo-canalaire, et une image péri-apicale radio-claire.

• La 21 présente une oblitération pulpo-canalaire, ainsi qu’une résorption radiculaire externe apicale de remplacement.

Diagnostic

La 11 et la 21 sont nécrosées. Un traitement a précédemment été initié sur la 11 et elle présente une parodontite apicale chronique ; la 21 est ankylosée et présente une résorption apicale externe.

Décision thérapeutique

Du fait de l’existence d’une cavité d’accès, l’abord orthograde avec l’aide d’un guide endodontique a été décidé pour la 11. La 21 ne nécessite pas de traitement actuellement et sera surveillée.

Étapes pré-opératoires

Acquisition

Un CBCT petit champ haute résolution est réalisé. Grâce à la reconstruction 3D, la dent à traiter peut être analysée dans les 3 sens de l’espace (figure 7).

Empreinte optique

Une empreinte optique intrabuccale du secteur antérieur est réalisée ; l’étendue de la zone concernée (de la dent 14 à la dent 24) permettra au guide d’être positionné de façon stable.

Planification

La planification est réalisée avec le logiciel Blue Sky Plan 4. Dans un premier temps, les fichiers DICOM du CBCT sont importés dans le logiciel. Puis les dimensions du foret endodontique qui sera ensuite utilisé lors de la séance clinique (société FFDM : diamètre = 0,78 mm) sont paramétrées comme pour une planification implantaire. La position et l’axe du foret sont ensuite superposées aux images DICOM afin d’être au niveau de la lumière canalaire. Dans le cas présenté, la lumière était peu distincte, et il a été décidé de simuler la position du canal au centre de la racine.

Les dimensions de la douille qui prendra place dans le guide sont également paramétrées (figure 8).

Des fenêtres de contrôle du positionnement sont configurées. Les données du guide sont exportées en fichier STL et envoyées à l’imprimante 3D du laboratoire de prothèse de l’UFR Odontologie-Montrouge.

Séance clinique

Le guide est mis en place et son positionnement est contrôlé grâce aux fenêtres occlusales (figure 9). Le point d’entrée du foret est marqué avec une pointe de critérium au travers de la douille (figures 10 et 11).

La trépanation dans l’émail est réalisée avec une fraise montée sur turbine.

Une fois dans la dentine, le foret peut alors être utilisé pour pénétrer la partie oblitérée du canal, dans une approche minimalement invasive.

Puis la recherche de la perméabilité est effectuée avec une lime de cathétérisme de faible diamètre (figure 12).

Avantages

La technique d’endodontie guidée est en plein essor. Elle permet aux praticiens les moins expérimentés, ou sans microscope opératoire, de traiter les cas d’oblitération canalaire les plus simples avec davantage de sécurité. Dans les situations plus difficiles, elle permet aux opérateurs plus spécialisés et travaillant sous microscope une perte de substance minimale et un temps opératoire réduit [15, 16].

Ainsi, l’indication d’une chirurgie endodontique plus invasive peut être reportée.

Inconvénients

L’utilisation d’un guide représente un coût supplémentaire (impression du guide et export des données sur le logiciel), un temps pré-opératoire augmenté (empreinte optique, conceptualisation, impression du guide), une courbe d’apprentissage avec un manque de consensus sur la question.

Les intermédiaires, potentiellement sources d’erreurs, sont également nombreux :

- CBCT : il doit être de haute résolution pour permettre une bonne planification. De plus, le CBCT est une reconstruction d’images et ne représente donc pas la réalité ;

- empreinte numérique : elle doit être précise, réalisée sur des tissus séchés. Là encore, c’est une reconstitution d’images ;

- conceptualisation du guide : l’expérience de l’opérateur et sa connaissance du logiciel sont primordiaux ;

- impression du guide : il peut y avoir des imperfections liées à l’imprimante ;

- foret : les forets sont flexibles et peuvent dévier de l’axe.

Plusieurs études ont montré l’efficacité et la précision des techniques guidées pour le traitement des dents oblitérées. Ces études ont relevé des déviations inférieures à 0,50 mm et des déviations angulaires entre le projet et le forage final de 1,81° et 1,59° en utilisant respectivement des forets de 1,5 mm et 0,85 mm de diamètre.

Finalement, lorsque la préparation canalaire guidée réalisée est comparée à ce qui était modélisé, on observe des déviations [17].

Les imprécisions à chaque étape peuvent conduire à des aléas cliniques : mauvaise insertion du guide, déviation du foret par rapport à la planification et risque de perforation [18].

Dans le cas présenté, une déviation du foret par rapport au trajet planifié a conduit à une perforation radiculaire.

Une chirurgie endodontique de complément a donc été réalisée (figure 13).

L’absence de canal visible sur le CBCT semble être une contre-indication à la technique d’endodontie guidée.

MICROCHIRURGIE ENDODONTIQUE EN PREMIÈRE INTENTION

Indications

La microchirurgie endodontique est actuellement indiquée par l’AAE en seconde intention pour les dents calcifiées [1].

Comme nous l’avons vu précédemment, la localisation de l’orifice canalaire peut s’avérer difficile. Et même si le traitement est correctement mené, la dent se retrouve fragilisée et son taux de survie réduit [5] (figure 14).

Le traitement endodontique rétrograde en première intention, sans cavité d’accès, a été décrit et semble trouver son indication dans les cas d’OPC sévère [19-21].

Cas clinique : microchirurgies endodontiques de 21 et 22 présentant des OPC

Histoire de la maladie

Un patient est adressé pour la prise en charge d’une infection endodontique de la 21.

Il nous rapporte avoir eu un traumatisme dentaire lorsqu’il était enfant. Sa dent 21 a jauni progressivement et une couronne céramique a été posée il y a 4 ans pour des raisons esthétiques. Il y a 1 an, il a noté l’apparition d’un abcès en vestibulaire de 21 et l’infection a été traitée par antibiothérapie.

Examen clinique (figure 15)

• La 21 porte une couronne céramique réalisée récemment et adaptée au niveau des limites ; son esthétique est correcte et convient au patient.

• La 22 est indemne de restauration, présente une usure du bord libre, une teinte plus saturée que la controlatérale 12 ; elle ne répond pas au test de sensibilité pulpaire (Cryospray).

• On observe la présence d’une fistule dans le vestibule en regard de la 22.

• La percussion et la pression ne sont pas douloureuses sur 21 et 22.

• La palpation vestibulaire est sensible en regard de 21 et 22.

• Les dents ont une mobilité physiologique et le sondage parodontal tout autour des deux dents est régulier et inférieur à 3 mm.

Examen radiographique (figure 16)

• L’examen 2D (radiographie rétro-alvéolaire) montre une image péri-apicale radio-claire autour des apex de 21 et 22. Les canaux de 21 et 22 semblent oblitérés.

• L’examen 3D (CBCT) révèle la présence d’une image péri-apicale radio-claire ayant un volume de 6 × 8 × 12 mm (score CBCT PAI 5D) ainsi qu’une oblitération pulpo-canalaire complète sur 21 et du tiers coronaire pour 22.

Diagnostic

Les dents 21 et 22 sont nécrosées et présentent une parodontite apicale chronique [1].

Décision thérapeutique

Deux options thérapeutiques ont été considérées :

- le traitement endodontique orthograde de 21, en passant au travers de la couronne, et le traitement orthograde de 22, avec ou sans la réalisation d’un guide endodontique (dans une approche minimalement invasive) ;

- le traitement endodontique rétrograde de 21 et 22.

La première option a été écartée en raison de l’absence de canal visible au CBCT - prérequis pour réaliser la planification d’un traitement endodontique guidé - et des contraintes techniques liées au traitement orthograde - dépose de la couronne récente et satisfaisante ou trépanation au travers de la couronne de 21 (avec un risque pour l’intégrité de la céramique) et recherche du canal de 21 et 22 avec un risque de délabrement excessif et d’aléas thérapeutiques (perforation, fausse route, bris instrumental…) pouvant réduire le pronostic à long terme.

Il a donc été décidé avec le patient de réaliser des microchirurgies endodontiques en première intention pour 21 et 22.

Séance clinique

Après une décontamination exobuccale à la chlorhexidine dermique et endobuccale avec de la Bétadine®, une anesthésie profonde est réalisée (articaïne 1/100 000) en para-apical de 11 à 23, sous-périostée au niveau de la ligne de réflexion mucco-gingivale, et en palatin au niveau de la papille rétro-incisive (articaïne 1/200 000).

En l’absence de pathologie parodontale et avec une hauteur suffisante de gencive attachée, il a été décidé de réaliser une incision de Luebke-Ochsenbein de 11 à 22 afin de préserver l’ajustage sulculaire de la couronne de 21, puis intra-sulculaire au niveau de 23 avec une décharge distale. Le décollement du lambeau est de pleine épaisseur, en commençant par l’angle entre l’incision horizontale et l’incision de décharge. La fenestration osseuse vestibulaire est mise en évidence en regard de la fistule, puis élargie avec une fraise boule à os afin de permettre l’accès aux instruments de rétro-préparation (figure 17).

La lésion est éliminée avec des curettes et les ultrasons. La résection apicale est réalisée avec une fraise Zekrya chirurgicale. L’hémostase à l’aide de sulfate ferrique Astringedent® (Ultradent) permet un examen de la surface réséquée (figure 18).

La rétro-préparation est réalisée pour la 21 et la 22 sur 6 mm (AS3D et AS6D, Acteon) à puissance moyenne et sous irrigation (figure 19). Les canaux sont irrigués à la chlorhexidine (di-gluconate à 2 %, préparation magistrale) puis sont séchés à l’aide de pointes de papier.

L’intégrité radiculaire est vérifiée (absence de fêlures) au microscope à fort grossissement avant d’obturer au ciment biocéramique TotalFill® Putty (FKG) (figure 20 à 22).

La crypte est nettoyée et un caillot reformé. Un Pangen® est placé puis les sutures sont réalisées avec du fil Vicryl coated 6.0 (points uniques).

Les conseils post-opératoires ont été donnés (à l’écrit et à l’oral) et un rendez-vous de contrôle est planifié à 6 mois.

Dans cette situation, la chirurgie endodontique semble être une solution plus conservatrice, la dent n’étant pas fragilisée par une cavité d’accès ou par la recherche de l’orifice canalaire. De plus, l’intégrité prothétique et son ajustage ne pâtissent pas des gestes opératoires.

La partie apicale du canal dont le diamètre est le plus important a été facilement accessible [20, 21].

Avantages

L’accès à l’endodonte sans cavité d’accès préserve l’intégrité de la structure coronaire et permet un accès direct à la région contaminée. La partie apicale est aussi la zone qui contient la plupart des canaux accessoires, latéraux et secondaires [20].

Le pronostic du traitement endodontique rétrograde en première intention est bon.

Dans l’étude de Jonasson en 2017 [21], 90 % des dents présentant une OPC et qui avaient reçu un traitement endodontique rétrograde en première intention ont montré une guérison totale à 2 ans.

Inconvénients

La chirurgie endodontique ne permet pas de traiter l’ensemble du système canalaire et nécessite une courbe d’apprentissage.

CONCLUSION

L’oblitération pulpo-canalaire est un processus de réparation dans le temps avec une issue clinique favorable à 84 % (absence de développement de radio-clarté apicale).

La surveillance est de rigueur si la dent n’est pas symptomatique ou si aucune radio-clarté apicale n’est visible lors des contrôles radiologiques initiaux.

Lorsque la dent est symptomatique et qu’une radio-clarté apicale est identifiée, le choix du traitement se posera en fonction de plusieurs critères : la présence ou non d’une restauration coronaire, le délabrement coronaire engendré par le traitement, l’expérience du praticien, sa maîtrise des techniques et la disponibilité du plateau technique.

L’endodontie guidée est une nouvelle proposition thérapeutique en pleine évolution. La technique doit encore évoluer afin d’éviter les échecs et être plus reproductible.

Il n’y a pas à ce jour d’étude comparative à long terme sur l’endodontie orthograde minimalement invasive (guidée) et la chirurgie endodontique en première intention.

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Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

Remerciements

À l’équipe PCB pour l’aide apportée sur le cas d’endodontie guidée, au Dr Philippe François pour l’impression du guide endodontique et pour les photographies de la séance clinique, à l’équipe du DIUE de Bretonneau et notamment au Drs Valentin Marchi et Romain Gabriel pour la prise en charge de la chirurgie endodontique complémentaire du cas d’endodontie guidée.