Clinic n° 07 du 01/07/2019

 

Pédodontie

Camille LAULAN  

Docteur en chirurgie dentaireDU CFAODIU Odontologie pédiatriqueClinique et sédationCertifiée en hypnose médicaleExercice libéralBordeaux (33)

Le monde, y compris celui de la dentisterie, évolue rapidement. Le numérique est de plus en plus présent dans notre vie quotidienne et professionnelle et nous vivons dans une culture de performance, en demande de toujours plus de rapidité et d'efficacité. La numérisation en est un facteur majeur et a également pris possession du monde dentaire. La CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur) a connu un essor formidable ces dernières années et elle est de plus en plus...


Le monde, y compris celui de la dentisterie, évolue rapidement. Le numérique est de plus en plus présent dans notre vie quotidienne et professionnelle et nous vivons dans une culture de performance, en demande de toujours plus de rapidité et d'efficacité. La numérisation en est un facteur majeur et a également pris possession du monde dentaire. La CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur) a connu un essor formidable ces dernières années et elle est de plus en plus largement utilisée dans les cabinets dentaires. Les étapes de travail numérique sont en constante augmentation et les îlots numériques s'infiltrent de plus en plus dans le monde analogique. C'est tout d'abord un confort de travail pour le praticien mais également pour le patient. De plus, la mise en œuvre de ce type de traitement est rapide, « protocolisé », et les résultats sont fiables et reproductibles.

De nos jours, l'informatique tient une place très importante dans le domaine de la dentisterie moderne. À l'aide de la caméra d'empreinte optique Omnicam® de Dentsply Sirona et d'un cas clinique relevant du maintien de l'espace, nous allons voir comment cette avancée technologique nous permet de gagner du temps, de l'efficacité et de la prédictibilité dans nos traitements.

Maintien de l'espace

L'absence ou la perte prématurée d'une ou de plusieurs dents temporaires peut être le résultat soit d'une agénésie, soit d'un traumatisme, soit d'une lésion carieuse. Si cette perte n'est pas compensée, elle peut avoir des répercussions fonctionnelles et esthétiques immédiates et, sur le long terme, avoir un impact sur la maturation des différentes fonctions et le développement psychologique. Le maintien de l'espace mésio-distal et de la dimension verticale ainsi que la prévention ou la correction des habitudes néfastes sont des impératifs à respecter. La prévention et la conservation des dents temporaires doivent être l'objectif premier des praticiens mais, parfois, certaines situations cliniques ne laissent pas d'autres choix que l'avulsion...

Un mainteneur d'espace est un appareillage d'interception orthodontique. Il peut être soit fixe, soit amovible. Son but principal est le maintien du périmètre de l'arcade chez l'enfant après la perte prématurée d'une ou de plusieurs dents temporaires. Suivant la situation et le nombre de dents absentes, le mainteneur d'espace peut être soit unilatéral, soit bilatéral.

Le mainteneur d'espace fixe est un petit appareil, scellé à l'aide d'un ciment, qui va bloquer les dents de part et d'autre de l'espace libre afin de maintenir la place nécessaire de la dent définitive à venir. Une bague est placée sur la dent postérieure de la dent perdue et un bras métallique vient s'appuyer sur la dent antérieure ; une dent prothétique peut également être placée sur ce bras métallique. Il s'agit d'un dispositif passif qui va maintenir l'espace mais qui n'exerce aucune force iatrogène sur les dents ; il est enlevé dès que la dent permanente sous-jacente commence à faire son éruption [1].

Contrairement à l'idée reçue des parents, l'importance de ces dispositifs n'est pas seulement esthétique. Leur importance sur le plan fonctionnel est réelle et les conséquences sont d'autant plus importantes que le nombre de dents absentes est élevé. La perte prématurée d'une dent temporaire peut non seulement créer des encombrements dentaires mais également des asymétries d'arcade ainsi que des fermetures d'espace. En effet, la dent permanente ne peut pas spontanément remplacer la perte de la dent temporaire si elle n'est prête à faire son éruption. Les dents vont, de manière naturelle, avoir tendance à se resserrer et à fermer l'espace laissé vacant. La dent définitive ne pourra pas faire son éruption correctement, ce qui va entraîner des malpositions dentaires [2, 3].

De plus, il existe des répercussions au niveau des fonctions orales. La mastication va s'en trouver diminuée (mastication unilatérale) avec des retentissements tant au niveau digestif que du poids et de la taille de l'enfant. De plus, la déglutition restera de type infantile (succion-déglutition) et des tics musculaires résiduels peuvent persister comme l'interposition linguale et la contraction des lèvres.

L'objectif de ses dispositifs est donc multiple. Ils doivent permettre une bonne croissance alvéolo-dentaire tout en maintenant des rapports intra et inter-arcades normaux. En effet, en prévenant la mésialisation des dents postérieures au site d'avulsion, ils vont préserver la longueur d'arcade. Ils évitent également des phénomènes de version ou de rotation des dents adjacentes. Enfin, ils préviennent de possibles déviations des chemins d'éruptions, voire des rétentions des dents permanentes sous-jacentes [4].

Intérêt de la CFAO dans ces dispositifs

La dentisterie pédiatrique présente des particularités qui sont liées à l'âge du patient mais également à l'immaturité potentielle de ses dents. Il n'est pas toujours facile de placer une bague sur une dent temporaire du fait de son anatomie. En effet, le bombé important complique l'adaptation cervicale et la faible hauteur coronaire ne permet qu'une faible rétention. D'où l'intérêt de la prise d'empreinte optique qui permet une plus grande précision.

De plus, les soins dentaires peuvent être des situations sources de stress et d'angoisse pour l'enfant et cela peut entraîner un manque de coopération nuisant à la qualité des soins. La prise d'empreinte optique en pédodontie est moins anxiogène et permet de limiter ce stress ainsi que la présence des réflexes nauséeux. S'ajoute à cela un côté ludique et pédagogique pour l'enfant et les parents qui peuvent visualiser le problème en 3D [5, 6].

Cas clinique

Au travers de ce cas clinique, nous allons illustrer cet intérêt. Dans cet exemple, la jeune patiente a 7 ans et l'édentement résulte de la maladie carieuse. En effet, la patiente était en refus de soins. Seules les dents 64 et 74 avaient préalablement été extraites. Les soins conservateurs ont été effectués dans un premier temps à l'aide de prémédication, d'hypnose et de MEOPA (fig. 1).

Ensuite, deux mainteneurs d'espace ont été réalisés à l'aide d'une empreinte optique faite avec la caméra Omnicam® de Dentsply Sirona. Pour cette étape l'utilisation d'OptraGate® d'Ivoclar en taille junior est très intéressante, non seulement pour tenir les lèvres pendant l'empreinte mais également car ils existent en couleur bleue et rose... et, en pédodontie, plus l'enfant choisit et participe au soin, plus il l'accepte (fig. 2 à 5).

Lorsque le laboratoire reçoit le fichier STL, il doit préparer les modèles virtuels. Un maximum d'éléments est enregistré et les modèles sont mis en occlusion. Ensuite, le design de la bague optimisée est réalisé sur la dent concernée en évitant le collet pour un meilleur respect du parodonte (fig. 6 à 9).

Ici, les dents ayant été préalablement restaurées, des taquets ont été réalisés dans la résine composite afin de permettre une meilleure intégration et d'éviter des sur-occlusions. Enfin, un dispositif pour faciliter la dépose a également été intégré. Les bagues réalisées en 3D sont ensuite envoyées en microfusion et les dernières étapes d'ajustage de la dent prothétique se font directement sur les modèles imprimés. Ici, pour une meilleure intégration esthétique et fonctionnelle et par choix personnel, des dents prothétiques ont été réalisées. Il est bien évidemment possible, pour réduire le coût, de seulement réaliser un bras de maintien, le but premier étant de maintenir l'espace (fig. 10 et 11).

Cette méthode respecte le parodonte de l'enfant avec une adaptation cervicale optimale et un nettoyage facilité. L'autre avantage de ces bagues par frittage laser est leur adaptation à la face occlusale des dents. Il n'y a pas de sur-contour qu'il faut régler sur le modèle ou, parfois, en bouche (fig. 12 et 13).

Lorsque les mainteneurs d'espace arrivent au cabinet, ils ont été préalablement sablés au niveau de leurs intrados. La précision de l'ajustage permet un scellement optimisé avec une meilleure tenue dans le temps ainsi qu'une intégration aisée tant au niveau occlusal que global dans la bouche du patient. Ici, après nettoyage des excès, il n'a pas été nécessaire de faire des retouches occlusales (fig. 14 à 17).

Pour le scellement de ces mainteneurs d'espace, le ciment utilisé est le Transbond Plus Light Cure Band Adhesive® de 3M. Ce matériau monopâte photopolymérisable a pour avantage de contenir du fluor afin de prévenir les décalcifications. Le fait qu'il soit photopolymérisable permet également une mise en œuvre plus rapide avec moins de risque de contamination salivaire pendant le temps de prise comme avec des ciments verres ionomère classiques. De plus, sa couleur bleue permet une élimination facilitée des excès.

La dernière étape consiste à réaliser des radiographies rétro-alvéolaires, afin de vérifier l'ajustage des bagues et les excès éventuels de Transbond qu'il convient d'éliminer au début pour une meilleure intégration gingivale du mainteneur. Ces excès s'éliminent aisément aux ultra-sons (fig. 18 et 19).

La précision de l'adaptation de la bague faite par CFAO a de nombreux avantages. Cette technique permet, et ce n'est pas négligeable en pédodontie, de ne pas perdre la coopération de l'enfant lorsqu'elle est gagnée car l'essayage de nombreuses bagues n'est pas agréable et peut vite décourager l'enfant et le praticien. Ici, la réalisation de la bague se fait sur mesure, sur le modèle virtuel créé à partir des fichiers STL envoyés au laboratoire.

Les complications majeures inhérentes à ce type de dispositifs sont les descellements, les fractures et les effractions de l'espace biologique. Une étude rétrospective de 7 ans montre que 60 % des défaillances des mainteneurs sont dues à une perte de ciment [7]. Le fait que ces mainteneurs soient bien plus adaptés à la morphologie de la dent et que du ciment photopolymérisable soit utilisé doit faire baisser ce pourcentage mais nous manquons d'études complémentaires pour le confirmer.

La plupart des erreurs étant induites par des défauts de conception ou des problèmes de suivi des patients, il est impératif d'élaborer un contrôle périodique de ces mainteneurs d'espace tous les 3 à 6 mois afin de les modifier, les remplacer ou les supprimer [8].

Conclusion

Les dispositifs orthodontiques de maintien de l'espace ne sont malheureusement que trop rarement proposés et mis en œuvre dans la pratique libérale. Ceci est dû en partie à des problèmes de coopération et d'efficacité dans leur réalisation avec les techniques conventionnelles. La CFAO est donc un bon outil pour palier ce problème et éviter les conséquences néfastes que peut avoir la perte prématurée d'une ou de plusieurs dents temporaires, et ce tant sur la dentition, les fonctions oro-faciales, la croissance cranio-faciale que le développement psychologique. En termes d'efficacité, les traitements réalisés par CFAO et impression 3D sont bien plus fiables et précis que ceux qui peuvent être réalisés par un prothésiste de façon conventionnelle et ouvrent encore de belles perspectives d'avenir.

Liens d'intérêts :

L'auteur n'a pas précisé ses éventuels liens d'intérêts concernant cet article.

Bibliographie

  • [1] Wang Sun, Yue-hua Ling, Wei Zheng. Report of seven cases for space management during mixed dentition using remaining space. Shanghai J Stomatol 2015;24:378-381.
  • [2] American Academy of Pediatric Dentistry (AAPD). Guidelines on management of the developing dentition and occlusion in pediatric dentistry, 2014 (https://www.aapd.org/globalassets/media/policies_guidelines/bp_developdentition.pdf).
  • [3] Laing E, Ashley P, Naini FB, Gill DS. Space maintenance. Int J Paediatr Dent 2009;19:155-162.
  • [4] Collège des Enseignants en Odontologie Pédiatrique. Guide d'Odontologie pédiatrique, la clinique par la preuve, 2e édition. Paris : Éditions CdP, 2018:203-220.
  • [5] Kabbara R. La CFAO chez l'enfant. Thèse d'exercice, Université du droit et de la santé, 2017.
  • [6] Intérêts de la CFAO directe en odontologie pédiatrique. Le Fil Dentaire magazine dentaire (blog), 26 septembre 2016 (https://www.lefildentaire.com/articles/clinique/esthetique/interets-de-la-cfao-directe-en-odontologie-pediatrique/).
  • [7] Fathian M, Kennedy DB, Nouri MR. Laboratory-made space maintainers: a 7-year retrospective study from private pediatric dental practice. Pediatr Dent 2007;29:500-506.
  • [8] Naulin-Ifi C. Odontologie pédiatrique clinique. Paris : Éditions CdP, coll. JPIO, 2011.