Clinic n° 09 du 01/10/2014

 

Qu’en dites-vous ?

ANNE-CHANTAL DE DIVONNE  

Quelques années après l’obtention de leur diplôme, deux jeunes chirurgiens-dentistes reviennent sur leurs années étudiantes à la fac dentaire. Ont-ils reçu une bonne formation ? Ont-ils été bien préparés ? Deux regards bien différents sur ces années de fac et quelques pistes pour les années futures.

GLOBALEMENT TRÈS AGRÉABLE

Après la terrible sélection de la P1, j’ai trouvé mes études globalement très agréables. Les deux années qui ont suivi étaient des années de libération. J’ai beaucoup utilisé le système de ronéo qui permettait de ne pas aller aux cours théoriques. C’est à partir de la D2, avec de vrais patients, que l’on est plus conscient de l’intérêt des cours théoriques pour la clinique.

En revanche, la présence aux TP obligatoires était très intéressante. Car les séances concernaient l’intégralité des matières. Même si l’on augmentait les heures de TP, il n’y en aurait jamais assez. On se sent en fait assez démuni en terme de pratique quand on démarre la clinique puis le cabinet. L’expérience ne s’acquiert que par la pratique.

Je pense que les cours de gestion et de comptabilité manquent cruellement pendant nos études alors que cela fait partie du quotidien de la pratique libéral. Il ne serait pas nécessaire d’avoir beaucoup d’heures de cours, mais au moins quelques bases.

Pour ma part, j’ai complètement changé d’orientation assez rapidement après la fin de mes études. Au bout de deux ans d’omnipratique, j’ai travaillé en tant qu’assistante d’un praticien qui ne pratiquait que l’orthodontie et je me suis formée dans cette discipline, d’abord par un canal privé puis en m’inscrivant à des DU. Mais la formation initiale ne donnait absolument pas le bagage pour faire de l’orthodontie, même le moindre petit cas en cabinet. C’est une discipline qui reste extrêmement protégée alors que l’on va manquer de praticiens.

DÉVELOPPER UN ESPRIT PLUS CRITIQUE

J’ai été globalement satisfait de l’enseignement donné à la fac mais je trouve qu’en France, les étudiants ne sont pas suffisamment incités à découvrir d’autres façons de soigner et à développer un esprit critique. Ma curiosité naturelle a été stimulée par la troisième année d’études dentaires que j’ai eu la chance d’effectuer au Québec.

Cette expérience m’a fait prendre conscience du manque d’ouverture de certains de nos enseignants sur ce qui se fait ailleurs. Ils nous enseignaient des méthodes comme si elles étaient incontournables en nous apprenant aussi parfois une terminologie inconnue à l’étranger et même dans d’autres facs en France. Bien sûr ce n’était pas le cas de tous les enseignants. D’autres organisaient leurs cours de telle sorte que l’on avait conscience qu’il existait des approches différentes ; ils présentaient des résultats de recherche, nous incitaient à fouiller la littérature scientifique, à discuter…

Cette année au Québec m’a aussi montré d’autres formes d’apprentissage intéressantes. Au début, j’ai pris un peu de haut la façon d’enseigner et d’évaluer au Québec. Je la trouvais un peu simpliste par rapport à la masse de connaissances que nous devons acquérir en France pour nos examens. Finalement, avec le recul, je me suis aperçu qu’à partir d’un apprentissage assez simple mais très pragmatique, nous pouvons acquérir des notions importantes de base qui restent gravées dans la mémoire. Alors qu’avec un enseignement peut-être un peu trop pompeux et très riche comme en France, le risque est de ne plus se souvenir de rien. Et finalement de ne plus savoir pourquoi on a recours à telle ou telle méthode.

Depuis, j’encourage les étudiants à aller voir comment la dentisterie est enseignée ailleurs, à l’étranger mais aussi dans une autre fac en France.