Clinic n° 09 du 01/10/2012

 

Qu’en dites-vous ?

La profession inaugure une nouvelle fonction, celle du référent qui veille dans son département à ce que les personnes handicapées aient accès aux soins bucco-dentaires. Pour ces référents, souvent déjà très impliqués dans ce type de soins comme le montrent ces quelques témoignages, cette nouvelle fonction va permettre de fédérer et de dynamiser des initiatives menées jusqu’à présent de façon souvent éparse.

UN ENGAGEMENT DE LONGUE DATE

Je m’occupe de la santé bucco-dentaire de personnes handicapées depuis de nombreuses années. Mon sujet de thèse en 1980 traitait de la prévention par le personnel soignant. J’interviens depuis 16 ans comme attaché vacataire, 2 jours par semaine, à l’hôpital Marin d’Hendaye, qui accueille 320 polyhandicapés mentaux. Il y a 4 ans, j’ai commencé à utiliser la sédation consciente. Compte tenu de l’importance de la demande de soins autour de l’hôpital, j’essaie de faire évoluer mon poste vers un temps plein afin de développer aussi les consultations externes. Mais l’hôpital ne peut actuellement répondre favorablement à ma demande à cause de ses difficultés financières.

Quand l’Ordre a recherché des référents départementaux, je me suis porté candidat. Mes questionnaires aux confrères sont prêts : accès aux locaux, formation… Il existe déjà des initiatives dans le département, mais elles ne sont pas structurées. Il faut créer un parcours de soins, recenser les chirurgiens-dentistes qui interviennent déjà auprès des patients handicapés, mieux connaître la demande, les différentes structures existantes, les difficultés que rencontrent les particuliers. Ce sera mon premier niveau d’intervention. Dans une seconde étape, il faudra créer des centres de soins. Et puis, je souhaite négocier avec l’agence régionale de santé une revalorisation des soins aux personnes handicapées pour lesquelles il faut prendre plus de temps que pour les autres.

PAR VOCATION

Je suis devenu référent départemental par vocation car je côtoie et soigne depuis longtemps des personnes handicapées, en particulier dans ma famille. En même temps, je suis depuis un an membre suppléant du Conseil de l’Ordre. Dans mon département, la demande de soins des personnes handicapées est importante. En association avec Handi-Soins 86 et le centre hospitalier de Châtellerault, l’association AOSIS (Aide odontologique de suivi itinérant de soin), dont je fais partie et qui regroupe 100 chirurgiens-dentistes membres, a participé à la mise en place d’une structure innovante. Il s’agit d’un hôpital de jour pour patients handicapés (HDJPH). Une douzaine de chirurgiens-dentistes du département se relaient pour soigner des patients handicapés qui ne peuvent pas être reçus dans nos cabinets à cause d’un handicap trop important. Nous voyons 3 ou 4 patients par vacation d’une demi-journée. Nous bénéficions d’un personnel spécialisé et de moyens spécifiques.

Mon rôle est de créer des liens entre les familles, les associations de parents, les centres (IME, MAS… ), le personnel qui travaille dans le milieu du handicap et le monde bucco-dentaire afin d’agir plus efficacement dans l’intérêt de ces patients. Je dois aussi faire avancer la prévention. Avec le médecin coordonnateur de l’hôpital de jour et le médecin président de Handi-Soins 86, notre association travaille aussi à la mise en place d’un protocole de prévention précoce de l’enfant handicapé.

DANS LA CONTINUITÉ

J’interviens depuis 20 ans dans un foyer d’accueil de 35 personnes en situation de handicap. J’ai appris sur le terrain à les soigner ou, du moins, à les prendre en charge et à être à leur écoute dans ma pratique. J’interviens aussi dans deux autres centres. Il y a 5 ans, avec quelques confrères, nous avions effectué un premier recensement des cabinets accessibles aux handicapés dans le département (ascenseurs, portes, rez-de-chaussée…). Lorsque le Conseil de l’Ordre a cherché un référent, je me suis proposé.

J’ai relancé une enquête sur l’accessibilité en Saône-et-Loire et un état des lieux des soins bucco-dentaires dans tous les établissements. Cela nous permettra de savoir comment les établissements sont en relation avec les chirurgiens-dentistes et de faire en sorte qu’aucun établissement ne se retrouve sans praticien. C’est assez complexe car les nouveaux résidents sont censés conserver le chirurgien-dentiste qu’ils avaient auparavant, à moins d’entrer dans un établissement qui en est très éloigné. Le problème se pose alors de savoir qui prend la relève. Nous établissons des contrats spécifiques de chirurgiens-dentistes attachés à une maison et qui en deviennent les référents. Mais les résidents restent libres de leur choix.

Mon rôle est aussi de sensibiliser les confrères aux soins. L’ARS* de Bourgogne semble très volontaire sur cette question et nous aidera si nous proposons un projet. J’aimerais que nous ayons des unités de soins spécifiques et même un bloc opératoire afin de traiter les cas les plus difficiles sous anesthésie générale.

NATURELLEMENT

Je suis devenue chirurgien-dentiste référent assez naturellement car je m’occupe, avec d’autres praticiens, de l’association HSBD (Handicap et santé bucco-dentaire) de la Loire et je suis aussi membre du Conseil de l’Ordre. Avec ce statut, je bénéficie d’un appui technique du Conseil national. Le forum qu’il a organisé nous permet d’obtenir des informations qui évitent de patauger dans les démarches administratives. Grâce à ce système, nous sommes en relation avec des associations et des réseaux qui fonctionnent déjà bien. Et puis, confronter notre expérience avec celle d’autres départements aide à avancer. Même si l’Ordre n’a pas de financement à nous donner, cette aide tactique est importante pour organiser notre propre système de soins.

Le constat est déjà fait dans notre département et nous avons un secrétariat qui centralise les demandes. Quand les chirurgiens-dentistes habituels ne peuvent pas satisfaire une demande de soins, le secrétariat de l’association oriente les patients en fonction de leurs besoins et organise le rendez-vous. L’association jouait donc déjà un peu ce rôle de référent. Aujourd’hui, c’est officialisé.

Nous soignons les personnes handicapées en milieu hospitalier sous MEOPA et sous prémédication pour éviter les extractions multiples sous anesthésie générale. Nous voulions lutter contre cette pratique qui ne fait qu’ajouter un handicap à un autre. Notre équipe compte une personne vraiment formée au MEOPA et qui peut soigner dans un bloc opératoire à Riom. Nous avons fonctionné pendant un an en milieu hospitalier avec des bénévoles. Mais, sans financement public, ce type d’action s’essouffle vite. Nous arrivons tant bien que mal à répondre à la demande des personnes handicapées. Pour l’instant, nous n’intervenons pas dans les EHPAD car il nous faudrait soit un fauteuil, soit un bus. Le mieux serait d’avoir un bus, mais c’est peut-être un doux rêve… Nous faisons beaucoup de prévention, de formation à l’hygiène auprès des personnels soignants.

DÉVELOPPER LA PRÉVENTION

Je me suis proposée car nous manquions de personnes engagées dans le département mais aussi et surtout parce que ce problème m’intéresse et que nous avons beaucoup à faire, notamment pour développer la prévention. Un questionnaire en cours d’élaboration sera envoyé à tous les chirurgiens-dentistes pour dresser un état des lieux précis de l’accessibilité des cabinets, des praticiens qui ont une formation spécifique… Ce bilan permettra ensuite de bien orienter les demandes. Le forum Internet organisé par le Conseil national est un outil intéressant pour observer les initiatives efficaces d’autres départements et réfléchir à ce que nous voulons mettre en place en Ardèche. En tant que « référent ordinal », j’ai un rôle d’intermédiaire. En collaboration avec l’UFSBD, j’aimerais développer la prévention dans les établissements qui accueillent les personnes handicapées. Il s’agit en particulier de faire évoluer les habitudes du personnel soignant pour que la toilette de la bouche des pensionnaires soit faite régulièrement.

* Agence Régionale de Santé