ÉVOLUTION
Gregory CARON* Dominique MARTIN**
*Docteur en chirurgie dentaire
Ancien interne en odontologie,
Paris-7
Assistant hospitalo-universitaire,
Paris-7
**Docteur en chirurgie dentaire
Attaché de consultation à l’hôpital
Pitié-Salpêtrière
La discipline endodontique possède deux principales options thérapeutiques pour le traitement d’une lésion inflammatoire périradiculaire d’origine endodontique (LIPOE) : le (re)traitement par voie orthograde et le traitement par voie rétrograde. Dans les deux cas, les objectifs sont similaires : retrouver un état de santé des tissus de soutien de la dent concernée.
Les thérapeutiques endodontiques orthogrades présentent un fort taux de succès (traitement initial :...
La discipline endodontique possède deux principales options thérapeutiques pour le traitement d’une lésion inflammatoire périradiculaire d’origine endodontique (LIPOE) : le (re)traitement par voie orthograde et le traitement par voie rétrograde. Dans les deux cas, les objectifs sont similaires : retrouver un état de santé des tissus de soutien de la dent concernée.
Les thérapeutiques endodontiques orthogrades présentent un fort taux de succès (traitement initial : 96 % [1] ; retraitement : 89 % [2]) qui en font l’acte privilégié face à une LIPOE. La diminution de la présence bactérienne, sous le seuil détectable par les défenses de l’hôte, est effectuée par une action chémomécanique et pérennisée par une obturation canalaire tridimensionnelle. Cependant, la présence d’une infection extra-radiculaire, la complexité anatomique ou la difficulté à réduire la charge bactérienne initiale peut conduire à des échecs du traitement ou du retraitement par voie orthograde. Si les structures résiduelles de la dent après chirurgie sont suffisantes pour la pérennité de l’organe dentaire, le praticien est à même de proposer l’alternative chirurgicale endodontique avant d’envisager l’avulsion.
Les principales indications de la chirurgie endodontique sont :
• un (re)traitement par voie orthograde satisfaisant mais où l’image radiologique de LIPOE est persistante voire évolutive au-delà de 6 mois postopératoires ou lorsqu’une symptomatologie douloureuse ou infectieuse (abcès, fistule) persiste ;
• la présence d’une obstruction canalaire (fracture instrumentale, bouchons, transport…) qui empêche de gérer la totalité de la lumière canalaire ;
• la présence d’une altération des structures apicales par des manœuvres iatrogènes orthogrades (surinstrumentation, surextension avec dépassement important du matériau d’obturation) ;
• la présence d’éléments prothétiques coronaires et/ou corono-radiculaires parfaitement intégrés esthétiquement et biologiquement et dont la dépose en vue d’un retraitement orthograde représente un risque de fracture important.
À l’image du traitement endodontique par voie orthograde, les techniques chirurgicales ont su bénéficier des apports technologiques que sont les aides optiques (loupes et surtout microscope opératoire) et les ultrasons. Ces évolutions ont permis d’améliorer les taux de succès entre les techniques dites traditionnelles (absence d’aides optiques, fraises chirurgicales, matériau d’obturation obsolète type amalgame) et les techniques de microchirurgie actuelle (microscope, ultrasons, matériau d’obturation biocompatible). Setzer et al. [3] ont réalisé une revue de la littérature indiquant que les techniques traditionnelles ont un taux de succès de 59 % significativement inférieur au taux de 94 % retrouvé avec les techniques microchirurgicales. Cette nouvelle conception de la chirurgie endodontique passe par un plateau technique adapté et spécifique pour être le plus précis possible tout en diminuant l’inconfort postopératoire du patient.
La consultation, moment privilégié de la relation praticien-patient, est un acte essentiel dans la planification de la chirurgie endodontique. Plusieurs points de la check-list préopératoire ci-dessous sont à valider avant toute intervention.
Comme tout acte de chirurgie, l’anamnèse médicale du patient doit permettre de travailler dans de bonnes conditions opératoires. Toute altération de l’état général pourra contre-indiquer l’intervention.
Le patient doit être informé et doit accepter la thérapeutique envisagée. Les risques d’échec sont à évoquer ainsi que l’avulsion possible de la dent en dernier recours.
Une fois la thérapeutique chirurgicale choisie face à la présence d’une LIPOE, il est nécessaire d’inspecter cliniquement et radiologiquement.
• Le premier geste à effectuer est de vérifier que le site opératoire sera accessible en vérifiant que les tissus jugaux et la typologie faciale du patient permettront de travailler dans de bonnes conditions. Il suffit pour cela de mimer l’intervention en plaçant la tête de la pièce rotative en regard du site et en objectivant la laxité des tissus mous avec un miroir.
• Le sondage parodontal est primordial afin de mettre en évidence la présence d’une fistule desmodontale, de poches parodontales ou de déceler un sondage en miroir évocateur de fracture radiculaire.
• La typologie gingivale et la hauteur de gencive attachée sont à évaluer. Si la dent est porteuse d’une restauration coronaire, la limite prothétique est à étudier : infra, juxta ou supra-gingivale. Ces notions gingivales et prothétiques auront une influence directe sur le choix du tracé d’incision (fig. 1, 2).
• La réalisation de clichés rétro-alvéolaires orthocentré et excentré à l’aide d’un angulateur mettent en évidence la présence, la taille et la localisation de la lésion. L’anatomie canalaire, la longueur radiculaire, la présence et la longueur des obstructions (ex : tenons) ainsi que la qualité de l’obturation canalaire sont autant d’éléments à prendre en compte pour prévoir la chirurgie.
• La présence d’une complexité anatomique (sinus, nerf alvéolaire inférieur et émergence mentonnière, artère palatine) associée ou non à une lésion débordant du cadre de la rétro-alvéolaire indiquent la réalisation de clichés radiologiques complémentaires type cone-beam ou d’un examen tomodensitométrique. La proximité de zones anatomiques à risque peut contre-indiquer la chirurgie.
À la différence des pays anglo-saxons, les instances médicales françaises [4] imposent une antibioprophylaxie lors de toute chirurgie osseuse ; la prise d’une corticothérapie antiinflammatoire est optionnelle en fonction de la taille de la lésion et de la durée prévisible de l’intervention [5]. Cette prescription antibiotique est poursuivie sur une durée de 7 jours et la prise d’anti-inflammatoire (type glucocorticoïde) est débutée le matin de l’intervention et arrêtée le surlendemain de l’intervention [4, 5].
L’ergonomie de la chirurgie endodontique passe d’abord par l’installation confortable du patient. L’utilisation d’une têtière adaptée (ex : Tempur® Med) limite les tensions cervicales et permet de stabiliser le patient dans une position idéale pour l’intervention. Cette précaution préopératoire évite les mouvements de replacement du patient durant la chirurgie. Le praticien reste ainsi dans un champ visuel stable, ce qui évite les réglages chronophages sous microscope opératoire [6].
Une désinfection des tissus péribuccaux est effectuée par un badigeonnage de solution antiseptique type povidone iodée (Bétadine®, si absence d’allergie à l’iode). Le patient est ensuite invité à réaliser un bain de bouche antiseptique prolongé (30 secondes) à l’aide d’une solution de chlorhexidine afin de diminuer de manière significative la charge bactérienne de la cavité orale.
Ce temps opératoire est primordial à la réussite de l’intervention car il annule les perceptions nociceptives mais facilite aussi l’hémostase du site. Les solutions anesthésiques sont à injecter lentement (1 ml/min) et doivent contenir une dose de vasocontricteur importante (adrénaline : 1/100 000e). Comme pour l’endodontie par voie orthograde, les anesthésies locales sont associées à des anesthésies locorégionales dans les secteurs molaires mandibulaires (bloc du nerf alvéolaire inférieur), les secteurs prémolaires mandibulaires (bloc de l’émergence mentonnière) et les secteurs molaires maxillaires (bloc tubérositaire). Un complément palatin ou lingual est systématiquement effectué car le curetage de la lésion est sensible dans ces zones profondes.
La gestion des tissus mous en chirurgie endodontique se rapproche des concepts de chirurgie muco-gingivale déterminant le matériel utilisé : lame de bistouri 15c, microlame CK2, décolleur de Molt. Il est à noter que la chirurgie endodontique se réalise dans la majeure partie des cas sur des tissus parodontaux sains, ce qui favorise la cicatrisation de première intention si les berges sont parfaitement réunies.
Le choix du tracé d’incision est divisé en trois grandes catégories.
C’est le tracé à privilégier dans toutes les zones non esthétiques (secteur postérieur). Il est à éviter dans les zones antérieures où des prothèses sont présentes car des récessions sont possibles en phase cicatricielle. Cependant, une faible hauteur de gencive attachée indique ce type d’incision même dans le secteur antérieur : le patient doit alors être prévenu que les limites prothétiques peuvent devenir visibles.
Le lambeau avec incision intrasulculaire offre le plus grand confort visuel sur l’émergence de la racine concernée par la chirurgie. Même si l’étude radiologique permet d’orienter la recherche du foyer inflammatoire, certaines déformations du cliché sont possibles. Il est alors plus sûr de suivre complètement la convexité osseuse liée à la racine pour trouver la position de trépanation. La vision complète de la racine offre aussi le plus de possibilités thérapeutiques pour traiter un éventuel problème parodontal associé (matériau de comblement, membrane) ou déceler une fêlure radiculaire.
C’est le tracé à privilégier dans les zones esthétiques (secteur antérieur). L’incision est festonnée et réalisée en gencive attachée. Lors de l’élévation du lambeau, il doit rester au minimum 2 mm de gencive attachée infra-sulculaire. Cette bande gingivale résiduelle est essentielle pour éviter une nécrose et favorise le repositionnement du lambeau. Comme évoqué précédemment, ce lambeau ne permet pas de visualiser la totalité de la longueur radiculaire, ce qui rend plus difficile l’orientation des instruments de trépanation. Ce lambeau est aussi à éviter sur des dents courtes car le tracé d’incision peut se trouver trop proche de la lésion compliquant toutes les manœuvres de curetage et de sutures.
Certaines situations cliniques nécessitent une approche esthétique et une prise en compte de l’absence de gencive attachée sur certaines dents. Le tracé d’incision est alors sous-marginal dans les zones esthétiques avec gencive attachée et repasse en intra-sulculaire si le bandeau gingival résiduel de 2 mm n’est pas possible (fig. 4).
Pour obtenir un accès suffisant au site opératoire, le lambeau est étendu au minimum d’une dent mésiale et d’une dent distale à la dent traitée. Afin d’améliorer la laxité du lambeau, une incision (lambeau triangulaire) ou deux incisions (lambeau rectangulaire) de décharges verticales sont réalisées. Le foramen mentonnier représente une zone à risque car une incision de décharge dans cette zone peut être nécessaire. L’émergence du nerf doit être visualisée et protégée par un écarteur tout au long de l’intervention.
Le décollement muco-périosté est atraumatique et effectué à l’aide d’un décolleur de Molt. Le lambeau de pleine épaisseur obtenu est chargé sur un écarteur et doit être le moins mobilisé possible pendant la suite de l’intervention. Plus le lambeau est fixe et plus la cicatrisation postopératoire est prédictible. Pour faciliter le positionnement du lambeau, un sillon au sein de la corticale osseuse peut être réalisé. Cette rainure permet de placer une extrémité d’écarteur et de limiter les tensions de traction du lambeau par l’assistant(e).
La trépanation osseuse est réalisée à l’aide de fraises chirurgicales rondes en carbure de tungstène. Ces fraises sont montées soit sur pièce à main chirurgicale ou sur turbine chirurgicale type Impact Air 45® (SybronEndo) sous irrigation abondante (fig. 5). La localisation du point de trépanation est soit :
• évidente : la lésion a perforé la corticale osseuse et un élargissement de cette fenestration est entrepris. Si une faible épaisseur de corticale persiste, un pointage à l’aide d’une sonde droite n° 6 permet le plus souvent d’obtenir une effraction de la corticale.
• difficile : la lésion n’a pas perforé la corticale et il est nécessaire d’éliminer sur une certaine profondeur la paroi osseuse pour atteindre la zone apicale. À ce stade, une sonde parodontale est utilisée dans le grand axe de la dent pour reporter en bouche la mesure de la longueur radiculaire calculée préalablement sur les examens radiologiques. L’approfondissement du fraisage osseux est réalisé par touches successives sans appui prolongé afin de réévaluer à tout moment l’orientation des instruments par rapport à l’axe de la dent. Si un doute s’installe lors de cette procédure, une radiographie peropératoire est prise, associée à un élément métallique radio-opaque stérile (ex : morceau d’aluminium) placé au niveau de la crypte.
L’accès osseux doit permettre de circonscrire la lésion tout en préservant si possible la racine dentaire. Un curetage soigneux du tissu de granulation est entrepris à l’aide de curette de Lucas. L’objectif est d’utiliser la partie convexe de ces curettes pour décoller les adhérences de la lésion aux parois osseuses. L’éviction en un seul bloc de la lésion facilite l’étude histologique postopératoire. Même si la récupération complète du tissu lésionnel est souvent difficile, l’ensemble des manuels de chirurgie endodontique insistent sur l’importance de cette tentative pour une étude histologique qui doit être entreprise le plus fréquemment possible [7, 6, 8].
Une fois le tissu de granulation éliminé, la racine dentaire doit être parfaitement délimitée pour réaliser sa résection à l’aide de fraises fissures chirurgicales ou de type Lindemann. L’axe de résection est le plus perpendiculaire possible au grand axe dentaire sur une hauteur de 3 mm. En effet, les 3 derniers millimètres apicaux montrent statistiquement la plus grande complexité anatomique (deltas, canaux accessoires et secondaires, multiples foramens apicaux) et la résection vise à simplifier la situation. Certaines situations cliniques ne permettent pas cette résection de 3 mm (fig. 6), et cette hauteur doit alors être modulée.
À la différence des techniques traditionnelles où un biseau important (45°) était pratiqué, les techniques de microchirurgie requièrent un biseau faible (6°). Cette angulation moindre est plus économe de structure dentaire tout en permettant une élimination et une observation plus efficaces des particularités anatomiques palatine ou linguale.
Avant toute préparation canalaire, la crypte osseuse ne doit plus être hémorragique. Cette précaution évite la contamination sanguine au sein du canal. L’hémostase est en tout premier lieu facilitée par l’utilisation d’un vasocontricteur (adrénaline : 1/100 000e) lors de l’anesthésie para-apicale vestibulaire et palatine ou linguale.
Un complément anesthésique au sein de la crypte osseuse est envisageable pour bénéficier de l’effet vasoconstricteur. L’hémostase passe aussi par une élimination complète du tissu de granulation qui présente un fort potentiel hémorragique. Si des reliquats de lésion sont présents, un nouveau curetage manuel est entrepris, associé à des ultrasons de type détartrage pour optimiser le débridement. Face à un saignement persistant, l’adjonction de solution hémostatique à base de sulfate ferrique de type Astringedent® (Ultradent) est effectuée. Kim et al. [7] préconisent d’imbiber un morceau de compresse de solution hémostatique à déposer au contact direct de la crypte osseuse. Cette action chimique est associée à une action mécanique par une pression digitale à l’aide d’une paire de précelles pendant 2 à 4 minutes. Cette pression est réalisée sur une succession de compresses prédécoupées non imprégnées, empilées sur la compresse contenant l’Astringedent® et qui tapisse la crypte. Au bout du laps de temps imparti, seule la dernière compresse au contact de la crypte est laissée en place.
La littérature fait mention d’autres moyens plus ou moins efficaces pour assurer l’hémostase [12] :
• éponges à base de collagène (ex : Collacote®, Zimmer Dental) : matériaux résorbables qui n’ont pas d’effets délétères sur la cicatrisation osseuse.
• électrocoagulation : tend à retarder la cicatrisation osseuse. À privilégier sur des vaisseaux sanguins volumineux.
• cire à os : retarde la cicatrisation osseuse ; doit être totalement éliminée en fin d’intervention.
• sulfate de calcium : est laissé en place pendant et après l’intervention.
Elle s’effectue à l’aide d’ultrasons spécifiques à la chirurgie endodontique. Chaque fabricant présente une gamme d’inserts étendue afin de pouvoir travailler dans l’axe de n’importe quelle dent à traiter. Les pointes actives de ces inserts peuvent être lisses, avec état de surface chimiquement modifié ou diamanté. Un apport d’eau est prévu afin de toujours travailler sous spray important, mais cette dernière particularité rend ces instruments très sensibles à la fracture.
L’objectif est de désobturer le canal sur une longueur de 3 mm (longueur de la pointe de l’insert ultrasonore) tout en restant parallèle au grand axe radiculaire. Cette mise en forme rétrograde se fait sans pression par touches successives en laissant les ultrasons agir librement. La mise en forme est considérée terminée quand aucune trace de matériau d’obturation résiduel n’est visible sur les parois canalaires. Cette observation est faite à l’aide d’un micromiroir (fig. 7) et d’aides optiques. Pour mieux visualiser les structures, un colorant à base de bleu de méthylène est placé au sein de la crypte puis rincé abondamment au sérum physiologique. Toute présence organique résiduelle (ligament parodontal, canaux, isthmes) sera alors teintée de bleu.
La principale complexité est la présence de deux canaux au sein de la même racine pouvant être reliés par un isthme (ex : racine mésio-vestibulaire de la molaire maxillaire, racine mésiale de la molaire mandibulaire). Face à cette difficulté, Stropko [6] établit une règle qui consiste à préparer systématiquement l’isthme reliant les deux canaux d’une même racine (fig. 8 et 9), même si celui-ci n’est pas détectable.
La volonté d’améliorer sans cesse la désinfection du système canalaire a conduit certaines firmes à proposer des inserts ultrasonores d’une longueur supérieure à 3 mm. Le kit Endo Succes apical surgery® (Satelec) présente 3 instruments avec une surface travaillante de 3,6 et 9 mm (fig. 10). Ces longueurs évolutives permettent de remonter au sein du canal sur une distance importante. Ces instruments sont particulièrement intéressants lorsque l’obturation par voie orthograde est insuffisante sur une grande longueur canalaire.
Dans la même optique, Jonasson et al. [13] ont traité par voie rétrograde des dents nécrosées non obturées endodontiquement et porteuses de restaurations étendues. La mise en forme a retro s’apparente à un réel traitement endodontique conventionnel avec utilisation de limes manuelles de type Heldström précourbées dans l’axe de la racine et de solution d’irrigation de faible concentration (0,5 % d’hypochlorite de sodium). Cette étude préliminaire indique un taux de succès comparable au traitement par voie orthograde.
Une fois terminée la préparation rétrograde, la désinfection de la lumière canalaire est à envisager. Cependant, la solution d’irrigation tant utilisée par voie orthograde que représente l’hypochlorite de sodium ne trouve pas d’indication en chirurgie par voie rétrograde. Les concentrations efficaces habituelles, entre 2,5 % et 5 %, entraîneraient une nécrose immédiate du tissu osseux. Une concentration plus faible à 0,5 % semble avoir trouvé son indication dans l’étude de Jonasson [13]. Mais ce pourcentage peu élevé nécessite un renouvellement fréquent et abondant, ce qui reste une réelle difficulté technique lors de la chirurgie apicale.
La majeure partie de la désinfection est donc réalisée mécaniquement par les ultrasons lors de la préparation a retro. Stropko [8] indique qu’un complément de désinfection est obtenu par l’utilisation d’un gel de chlorhexidine à 2 % pendant 1 minute. Un rinçage au sérum physiologique est ensuite réalisé. La boue dentinaire créée par le passage instrumental des ultrasons contre les parois doit être aussi éliminée à l’aide d’acide orthophosphorique à 35 % suivi d’un rinçage.
À ce stade, le canal est prêt à être obturé et doit donc être séché. Toute trace d’humidité est retirée à l’aide de cônes de papier prédécoupés ou pliés de façon à être insérés profondément dans le canal. Cette technique est pourtant peu recommandée car des fibres peuvent se détacher des cônes de papier et polluer le site opératoire. Le séchage est effectué de manière plus prédictible à l’aide d’embouts de Stropko® (SybronEndo) spécialement conçus pour apporter de l’air ou de l’eau dans des zones difficiles d’accès et de faible diamètre.
De nombreux matériaux d’obturation ont été utilisés en fin d’intervention de chirurgie endodontique pour sceller la préparation rétrograde. Actuellement, seuls trois produits sont à retenir : l’IRM (Dentsply), le Super EBA et le MTA. Dorn et al. [14] indiquent que le taux de succès sur une période de 10 ans entre l’IRM (91 %) et le Super EBA (95 %) n’est pas statistiquement différent. Pourtant, une libération plus importante d’eugénol irritante pour les tissus est attendue avec l’IRM par rapport au Super EBA. Lorsque l’IRM et le MTA sont comparés, le taux de succès du MTA (92 %) est supérieur à celui de l’IRM (87 %) [15]. Les auteurs précisent pourtant que cette différence n’est pas statistiquement significative, même si la dynamique de cicatrisation est améliorée avec le MTA. Cette donnée peut s’expliquer par la biocompatibilité du MTA qui permet une cicatrisation ad integrum des tissus de soutien par induction de cémentogénèse. Pour résumer, la littérature ne permet pas de trancher dans le choix de ces 3 matériaux (IRM, Super EBA et MTA) mais permet d’éliminer tous les autres produits préalablement préconisés. L’utilisation du matériau d’obturation a retro est donc fonction de critères propres au praticien : préférence de manipulation, préparation a retro plus ou moins large et/ou profonde.
• Manipulation IRM, Super EBA : ces deux produits sont des ciments à base d’oxyde de zinc-eugénol. Leur préparation est donc réalisée par spatulation d’une poudre et d’un liquide jusqu’à obtenir une consistance molle non collante. Dès que cet aspect est obtenu, un boudin est préparé à l’aide d’un doigt ganté stérile. Le but est de pouvoir prélever plusieurs apports, sous la forme de petits dômes pointus à l’aide d’une spatule de bouche. Ces apports sont directement incrémentés au sein de la rétropréparation et foulés avec des microfouloirs endodontiques. Le dernier apport doit légèrement déborder de la surface radiculaire et être bruni. Une fois la prise du matériau réalisée, une fraise multilames de polissage est utilisée pour mettre en continuité le matériau d’obturation avec la surface radiculaire.
• Manipulation MTA : la préparation est réalisée par spatulation d’une poudre (deux aspects différents : blanc ou gris) et de sérum physiologique. La consistance idéale est dite de « sable mouillé ». L’apport de MTA au sein de la rétropréparation peut s’avérer difficile sans une instrumentation adaptée. Le Micro Apical Placement ou MAP system® (Produits Dentaires SA) facilite le positionnement du MTA et foule parallèlement le matériau par l’action d’un piston silicone (fig. 11). Une fois la cavité remplie, aucune action de brunissage ou de polissage n’est possible car la prise du MTA est longue (plusieurs heures après la mise en place) (fig. 12).
Avant les manœuvres de sutures, une inspection de l’obturation rétrograde est réalisée sous aide optique. Une parfaite continuité entre le matériau d’obturation et la surface dentinaire doit être objectivée. Un nettoyage de la crypte osseuse est effectué par rinçage au sérum physiologique et éviction de tous les débris de matériau d’obturation rétrograde. La formation d’un caillot sanguin par la reprise de saignement est le gage d’une cicatrisation de première intention. Cette reprise du saignement est provoquée soit mécaniquement à l’aide d’une fraise boule chirurgicale, soit manuellement à l’aide de curette de Lucas. L’utilisation d’une fraise rotative est contre-indiquée si l’obturation est faite au MTA sous peine de déloger le matériau avec le spray. Toutes les traces résiduelles de coagulat provoquées par le sulfate ferrique sont à éliminer pour faciliter le saignement.
Le lambeau est rabattu après avoir vérifié l’absence de débris sur la paroi interne. Il est replacé et plaqué à l’aide de compresse imbibée de sérum physiologique sous pression digitale. Ce repositionnement facilite les sutures qui peuvent être alors effectuées sous aide optique. Comme pour les matériaux d’obturation rétrograde, le choix du fil et des points de suture est fonction des habitudes du praticien. Le protocole évoqué depuis l’incision tend cependant à préconiser l’utilisation de fil de petit diamètre (5-0, 6-0). Velvart [12] préconise l’utilisation de fil non résorbable qui provoque moins d’irritation que les fils résorbables. Des points discontinus ou surjets sont envisageables du moment qu’un rapprochement optimal des berges est réalisé. Une dernière compression digitale avec une compresse imbibée de sérum physiologique permet de vérifier que les points empêchent tout saignement intempestif (fig. 13).
Afin de limiter l’œdème postopératoire, le patient est invité à placer une poche de glace au niveau de la zone cutanée de l’intervention. Une liste de conseils est donnée sur une feuille papier et lue oralement : limiter les efforts physiques pendant au moins 48 heures, ne pas cracher, ne pas fumer… L’hygiène de la zone opérée est effectuée par un bain de bouche antiseptique pendant les 24 premières heures. Ce bain de bouche est ensuite associé à un brossage manuel à l’aide d’une brosse à dents postchirurgicale (7/100e). Le patient doit être informé que le pic de douleur est le plus souvent attendu pendant les 24 premières heures. Une prescription antalgique appropriée (ex : Tramadol®) est donc donnée de manière systématique au patient ainsi que la possibilité de contacter le cabinet pour tout renseignement face à un tableau clinique non évoqué par le praticien.
Les fils de suture sont retirés dès 48 heures postopératoires si un pont épithélial entre les deux berges est formé. Un délai plus long est préconisé si la cicatrisation de première intention est retardée (fig. 14).
Le suivi de la cicatrisation osseuse est effectué à l’aide d’une radiographie orthocentrée avec angulateur dès 6 mois postopératoires (superposable à la radiographie préopératoire). Kvist et al. [16] indiquent que la procédure chirurgicale possède une dynamique cicatricielle plus rapide que le traitement par voie orthograde. Cette première radiographie à 6 mois donne le plus souvent une indication sur la réussite du traitement chirurgical mais, à l’image du traitement orthograde, une cicatrisation complète ne sera attendue qu’au bout d’une année (fig. 15, 16 et 17).
Les concepts actuels de la chirurgie endodontique ont abouti à une solution thérapeutique fiable qui doit être proposée à nos patients avant d’envisager l’avulsion. Le suivi d’un protocole précis associé à un plateau technique adapté permet d’envisager un taux de succès comparable au traitement par voie orthograde. L’élément dentaire est alors conservé dans un environnement parodontal sain où les reconstitutions coronaires sont préservées. L’échec de cette thérapeutique chirurgicale est le plus souvent synonyme d’avulsion et de limite de l’endodontie. Une alternative implantaire devra alors être évoquée avec le patient.
Le principal intérêt des examens radiologiques tridimensionnels (scanner, CBCT) en chirurgie endodontique réside dans la visualisation des corticales. L’absence d’une voire des deux corticales complique la cicatrisation osseuse (fig. 3). L’absence de 4 parois osseuses entraîne une compétition cellulaire avec les cellules épithéliales et conjonctives du lambeau qui vont s’invaginer dans la crypte. Cette cicatrisation aboutit à une cicatrisation dite fibreuse. Les examens radiologiques permettent de planifier l’utilisation, lors de l’intervention, d’un matériau de comblement et surtout d’une membrane qui créent une barrière protégeant le caillot sanguin et l’ostéogénèse.
Pour obtenir le maximum d’efficacité des solutions anesthésiques, un délai d’au moins 15 minutes est conseillé entre l’injection et la première incision. Ce temps peut être avantageusement mis à contribution pour que le patient effectue le bain de bouche préopératoire et soit confortablement installé (position stable de la tête, champ opératoire).
Face à une volumineuse lésion, l’adage est de considérer que seule une solution chirurgicale est indiquée. Cette notion repose sur la croyance que toute lésion importante est kystique. Pourtant, seule une étude histologique permet de différencier une lésion inflammatoire granulomateuse d’un kyste vrai [9]. L’attitude thérapeutique ne doit donc pas reposer sur un critère de taille qui n’a aucune correspondance histologique. De plus, Von Arx et al. [10] précisent que les lésions supérieures à 5 mm ont un plus faible pronostic de cicatrisation que des lésions inférieures à 5 mm, rendant d’autant plus aléatoires les chirurgies endodontiques sur des lésions volumineuses.
La chirurgie endodontique actuelle nécessite une résection apicale, mais aussi une mise en forme a retro et une obturation rétrograde. La résection seule, longtemps préconisée dans les techniques traditionnelles, ne permet pas d’obtenir une cicatrisation à long terme car l’infiltration bactérienne par voie canalaire n’est pas contenue. Christiansen et al. [11] ont montré un taux de succès de 52 % quand la résection était suivie seulement d’un polissage de la gutta-percha intracanalaire par rapport à un taux de succès de 96 % avec une obturation a retro au MTA.
Lors de l’inspection radiculaire, une recherche de fêlure d’origine apicale doit être réalisée. Ces fêlures, le plus souvent créées lors du traitement par voie orthograde, peuvent remettre en cause le pronostic de la dent. Si une perte osseuse est associée à la fêlure, la dent doit être extraite durant l’intervention pour limiter les désagréments du patient. Cette possibilité est toujours à évoquer en consultation préopératoire car la découverte de ces fêlures est souvent fortuite sans sondage parodontal associé.
L’utilisation de certains inserts ou d’une lime ultrasonore permet de préparer profondément le canal au-delà des 3 mm habituellement décrits. Cette mise en forme a retro augmentée vise à désinfecter la trajectoire canalaire sur la plus grande longueur possible afin de limiter les réinfiltrations bactériennes postopératoires. Une attention particulière est cependant nécessaire pour ne pas fragiliser la racine en restant dans l’axe de celle-ci. Ce type de préparation nécessite aussi des micro-fouloirs spécifiques qui facilitent le placement du matériau d’obturation rétrograde le plus coronairement possible.