Le roi n’est pas son coussin

Lorsque l’importateur me l’a présenté, je l’ai essayé en tentant de suivre le mode d’emploi et les images qui allaient avec. Ce coussin « de confort » rempli de perles de plastique est censé s’installer sur la têtière du fauteuil, pour améliorer l’ordinaire des patients durant les longues séances de soins. Grâce à une valve spéciale reliée à l’aspiration chirurgicale, on peut évacuer tout l’air qu’il contient, une fois la bonne position de la tête déterminée. En faisant coulisser le piston de la valve, le coussin est maintenu en l’état, comme les civières immobilisant les grands blessés pour leur transfert à l’hôpital.

Ayant deux ou trois fois tenté la manœuvre, j’ai constaté qu’elle était difficile et malcommode. Placé comme préconisé, j’ai trouvé ce coussin terriblement volumineux : impossible de m’approcher suffisamment des patients, je butais à chaque fois dedans, la position de leur tête étant bien pire que sur la seule têtière.

Plus tard, à la suite de discussions avec quelques amis hollandais de la Société européenne d’ergonomie dentaire (ESDE), l’idée m’est venue d’utiliser ce coussin d’une autre façon.

Pour travailler dans les meilleures conditions – je parle ici du confort du praticien –, c’est-à-dire pour ne pas avoir à se pencher exagérément, il faut que le patient soit complètement allongé, le plan d’occlusion maxillaire vertical ou, mieux, légèrement oblique vers l’arrière. Cela suppose que le patient ait la tête en hyperextension. Pratiquement aucune têtière ne permet d’obtenir cette position plutôt désagréable sans exiger du patient des efforts qu’il ne peut tenir plus de quelques minutes. En revanche, il est tout à fait possible d’atteindre cet objectif en positionnant le fameux coussin non pas sous la tête, mais au niveau des épaules. Il faut déverrouiller la valve pour qu’il se vide seulement une fois le haut du dos appuyé dessus. Le coussin fait alors la jonction entre le dossier et la têtière du fauteuil. La nuque est parfaitement soutenue et, sous l’effet de la gravitation, la tête bascule naturellement vers l’arrière. Le volume du coussin, reporté plus loin gêne beaucoup moins le praticien.

Même si ce dispositif n’est pas indispensable, ni parfait pour tous les patients, il simplifie significativement les procédures et réduit singulièrement les efforts des patients pour se placer de manière optimale. Le revêtement du coussin est en plastique blanc facile à nettoyer et désinfecter d’un coup de lingette. Il serait plus agréable avec une taille plus réduite et des angles arrondis plutôt que des coins pointus, mais cela reste un détail.