C’EST MON AVIS
Anesthésiste-réanimateur
Les médecins doivent savoir évoquer les conflits d’intérêts et s’en ouvrir à leurs pairs. Les politiques et les lois ne régleront rien, seule l’expertise collective permet d’éviter les conflits.
Dans le milieu de la santé, un conflit d’intérêts existe chaque fois que le jugement concernant la dispensation, l’information et l’enseignement des soins est influencé de manière indue par des intérêts secondaires. Le terme même de conflit sous-entend...
Les médecins doivent savoir évoquer les conflits d’intérêts et s’en ouvrir à leurs pairs. Les politiques et les lois ne régleront rien, seule l’expertise collective permet d’éviter les conflits.
Dans le milieu de la santé, un conflit d’intérêts existe chaque fois que le jugement concernant la dispensation, l’information et l’enseignement des soins est influencé de manière indue par des intérêts secondaires. Le terme même de conflit sous-entend qu’il existe une opposition entre les intérêts du soignant et ceux du soigné.
Au-delà des soins, les médecins poursuivent divers autres intérêts souvent louables, comme la recherche, la formation ou diverses responsabilités administratives. Il arrive aussi qu’ils mettent leur compétence au service d’intérêts privés en tant qu’experts. Toutefois, leur priorité demeurant la santé et le bien-être de leurs patients, les autres intérêts ne devraient pas entrer en conflit avec cette obligation première.
Dans certains cas, il peut suffire de reconnaître qu’un conflit réel ou potentiel existe. Dans d’autres cas, il peut être nécessaire de prendre des mesures spécifiques pour résoudre le conflit. Il est cependant clair que la mise en place d’un système de déclaration des conflits d’intérêts reste une solution imparfaite et les déclarations apparaissant sur l’une des premières diapositives des conférences ou en bas de la première page des articles de presse n’ont réglé aucun problème.
Certains pensent que la multiplicité des intérêts constitue une forme d’indépendance. Mais plus un expert a de liens avec les firmes, plus son discours risque d’être biaisé.
Les conflits d’intérêts ne sont pas que financiers, les liens affectifs ou la course à la reconnaissance peuvent aussi pervertir le jugement. L’ayant bien compris, les firmes assurent aux leaders d’opinion un amplificateur de renommée par leur puissante logistique événementielle (congrès, symposium…). Ces experts interviennent dans la formation initiale ou continue, dans les agences gouvernementales, dans les sociétés savantes, dans la presse. Or, il n’y a actuellement plus un seul congrès médical qui ne soit financé directement ou indirectement par des firmes pharmaceutiques.
C’est parce qu’il a appris de Descartes que la vérité était subjective et qu’il trouve tout naturel de ne consulter que son propre esprit pour savoir s’il se conduit bien que l’homme politique ou le médecin français ne voit aucun conflit potentiel dans certains cumuls de mandats ou d’activités dépendantes. Les médecins ont le devoir moral d’analyser leur propre comportement et d’envisager si leur jugement peut, d’une manière ou d’une autre, être perturbé. Au moindre doute, ils doivent en parler avec des collègues. Considérer que nous pouvons être totalement neutres dans notre prescription et ne jamais avoir été influencés par tel(le) ou tel(le) délégué(e) médical(e) ou invitation à un congrès relèverait de l’hypocrisie ou de la naïveté. C’est bien aux médecins de le faire et non aux hommes politiques, surtout en l’absence d’implication des pouvoirs publics dans la recherche et la formation continue.
L’indépendance des experts sera un leurre tant que ceux-ci seront des êtres humains. Seule l’expertise collective exclut les conflits d’intérêts, ceux-ci se trouvant noyés dans une vérité « plurielle ».